
Quel équilibre entre l’obligation de notification du recours et les conditions d’affichage du permis de construire ?
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Les faits de l’espèce sont simples. Par un arrêté en date du 4 juin 2010, le maire de Saint-Chaffrey a délivré à la SCI Le Verger un permis de construire deux immeubles à usage d’habitation.
Plusieurs propriétaires des parcelles mitoyennes ont formé un recours gracieux auprès de la commune Saint-Chaffrey afin qu’elle retire le permis accordé. N’ayant pas obtenu satisfaction,
les intéressés ont saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande d’annulation de l’arrêté du 4 juin 2010. Devant cette juridiction, l’auteur du permis – le maire de
Saint-Chaffrey – a opposé le défaut de justification par les requérants de l’accomplissement de la notification du recours contentieux prescrite à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme.
Les requérants n’ayant pas démontré qu’ils avaient bien accompli cette formalité, le tribunal a, le 24 décembre 2012, rejeté leur requête pour irrecevabilité. Saisie de l’affaire, la cour
administrative d’appel de Marseille a, le 3 novembre 2014, rejeté l’appel formé contre le jugement de première instance. Les requérants ont alors saisi le Conseil d’État qui a statué le 4
novembre 2015. À la lecture de cet arrêt, on constate que nombreux étaient les moyens soulevés. Il a notamment été question d’irrégularité de la procédure devant le juge d’appel. À ce titre,
les avocats des parties ne semblaient pas avoir été invités à prendre la parole après le rapporteur public et ce, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 732-1 du Code de justice
administrative. Il s’agit du premier moyen retenu et jugé fondé par le Conseil d’État. Ensuite, ce qui nous intéresse plus particulièrement dans cette étude, les requérants faisaient valoir
que le juge d’appel avait commis une erreur de droit en ne vérifiant pas, alors qu’il avait été saisi de moyens en ce sens, si l’obligation de notification de l’article R. 600-1 du Code de
l’urbanisme pouvait leur être opposée au regard des exigences de l’article R. 424-15 du même code. Le juge de cassation leur a également donné raison. La solution retenue est le fruit d’une
évolution en cours depuis de nombreuses années. Pour mieux comprendre le raisonnement du juge de cassation dans la présente affaire et son apport, il est utile de rappeler qu’alors que
l’article R. 600-1 impose l’obligation, prévue à peine d’irrecevabilité, de notifier tout recours administratif ou contentieux à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis,
l’article R. 424-15 dispose que l’affichage du permis de construire, sur le terrain d’assiette, doit mentionner l’obligation pour les requérants de notifier leur recours en application de
l’article R. 600-1 précité. La première obligation a été instituée par la loi du 9 février 1994, tandis que la seconde l’a été plus récemment par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007. Il
s’agit des dispositions qui n’ont pas la même finalité ou le même objectif. Elles ne visent pas à protéger les droits de la même partie. Ce qui ressort d’ailleurs de la jurisprudence
administrative elle-même, selon laquelle l’exigence procédurale de l’article R. 600-1 est « instituée par un texte particulier dans un souci de bonne administration de la justice et de
sécurité juridique »1. Elle a pour but « d’alerter tant l’auteur d’une décision d’urbanisme que son bénéficiaire de l’existence d’un recours contentieux formé contre cette décision »2. Quant
à elle, l’exigence procédurale de l’article R. 424-15 « est destinée à mieux informer les éventuels requérants de leur obligation de notification et des risques d’irrecevabilité qu’ils
encourent à ne pas l’accomplir »3. À ce titre, il est précisé que l’auteur de la décision d’urbanisme qui introduit un recours contre un jugement annulant le retrait d’une décision de
non-opposition à une déclaration de travaux ne peut, pour justifier le défaut d’accomplissement des obligations de notification, invoquer le caractère incomplet de l’affichage de cette
décision en méconnaissance de l’article R. 424-15, puisque celles-ci ne sont destinées qu’« à informer les tiers »4. La question qui se pose est de savoir comment concilier entre ces deux
impératifs indispensables à la protection des droits des parties antagonistes. Si l’équilibre recherché entre les exigences des articles R. 424-15 et R. 600-1 du Code de l’urbanisme semble
être apparemment garanti (I), il n’en demeure pas moins fragile, en réalité (II). Depuis quelques années, le juge administratif est à la recherche d’un meilleur équilibre entre les exigences
procédurales des articles R. 424-15 et R. 600-1 précités. Certains principes jurisprudentiels, telles que la subordination de l’irrecevabilité pour défaut de notification du recours à la
régularité de l’affichage du permis (A) et la fixation de la date à laquelle la preuve de la notification doit être apportée (B), semblent garantir un tel équilibre, du moins, en apparence.
A – LA SUBORDINATION DE L’IRRECEVABILITÉ POUR DÉFAUT DE NOTIFICATION À LA RÉGULARITÉ D’AFFICHAGE La première question, qui n’était pas nouvelle, à laquelle le juge du Palais-Royal a répondu
le 4 novembre 2015, était de savoir si l’omission de l’indication, sur le panneau d’affichage, de l’obligation de notification du recours a pour effet de rendre inopposable une telle fin de
non-recevoir. La réponse positive apportée en l’espèce n’est qu’une transposition d’une jurisprudence désormais bien établie. En effet, depuis l’avis contentieux Société Sahelac et Mme
Juventin du 19 novembre 2008, aucune irrecevabilité pour défaut de notification ne peut être encourue lorsque le panneau d’affichage n’en fait pas référence5. Autrement dit, « il résulte de
la combinaison de ces dispositions que la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’accomplissement des formalités de notification requises par l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme ne
peut être opposée qu’à la condition que l’affichage du permis de construire, prévu à l’article R. 424-15 du même code, ait fait mention de cette obligation »6. Ce principe a été jugé
applicable non seulement en première instance, mais également en appel et en cassation7. Il s’ensuit que l’indication, sur le panneau d’affichage, de l’article R. 600-1 constitue un élément
essentiel et une obligation qui doit être parfaitement respectée. Il s’agit de la première exigence à être respectée. Sans elle, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’accomplissement de
la formalité de notification ne peut être opposée. Une telle fin de non-recevoir a été logiquement écartée en cas d’absence totale8 ou même incomplète de l’affichage du permis9. À cet égard,
certains ont très justement pu souligner que « l’équilibre de la sécurité du bénéficiaire et du droit de critique du requérant impose que le premier informe le second de l’obligation de
notifier s’imposant à lui, par un panneau d’affichage scrupuleusement renseigné, conformément au texte applicable »10. Rien d’anormal, d’autant que, pour ne suivre que le raisonnement de la
cour administrative d’appel de Marseille elle-même, mais dans une autre affaire, « l’introduction récente des articles R. 424-15 et A. 424-17 dans le Code de l’urbanisme a justement pour
finalité de minorer les effets de l’application directe de l’article R. 600-1 dans le régime antérieur »11. Ainsi, l’avis Société Sahelac et Mme Juventin et ses suites ont, dans une certaine
mesure, équilibré la balance trop penchée, jusque-là, en faveur de l’auteur de la décision et du titulaire de l’autorisation. La décision du 4 novembre 2015 s’inscrit dans ce mouvement.
Elle a réaffirmé l’œuvre prétorienne antérieure. Il en va de même de l’impossibilité d’apporter les justificatifs de la notification du recours après la clôture de l’instruction. B – LA
FIXATION DE LA DATE À LAQUELLE LA PREUVE DE LA NOTIFICATION DOIT ÊTRE APPORTÉE On sait que la preuve de la notification du recours doit être apportée par le requérant, tant à l’auteur de
l’autorisation du permis de construire qu’à son bénéficiaire12. Et lorsque le requérant ne produit pas spontanément cette preuve, le juge doit l’y inviter13. Si l’invitation n’est pas suivie
d’effets, le recours sera rejeté pour irrecevabilité14. En 2008, le juge administratif a, à deux reprises, précisé le délai dont le requérant disposait afin de fournir les justificatifs de
la notification : ces derniers ne peuvent être apportés ni après la clôture de l’instruction, sauf si les requérants n’étaient pas en mesure d’en faire état avant la clôture15, ni pour la
première fois en appel, dès lors que l’irrecevabilité a été régulièrement opposée16. Sur ce point, le Conseil d’État a, en l’espèce, réitéré la même position. Il en résulte que le requérant
est mis à même de justifier de l’accomplissement des formalités de notification par deux voies distinctes, soit sur invitation à régulariser adressée par le tribunal, soit sur une fin de
non-recevoir opposée par le défendeur. Il en résulte également que lorsque le requérant s’abstient, bien que l’invitation lui en ait été faite, de produire la justification de la
notification de son recours contre une autorisation d’urbanisme en première instance, il n’est pas recevable à produire cette justification pour la première fois en appel. Sans oublier que
le juge n’a pas l’obligation d’inviter le requérant à justifier de l’accomplissement de ces formalités lorsqu’une fin de non-recevoir lui en a été opposée dans un mémoire en défense dont il
a eu communication17. Force est de constater que, depuis quelques années, le juge administratif tente d’assouplir le formalisme prescrit à l’article 600-1. Deux exemples l’illustrent.
D’abord, il a été considéré que lorsque le requérant a été invité à produire la preuve de la notification et qu’il a répondu à l’invitation qui lui a été faite en indiquant l’avoir fait, à
la fois, à l’auteur de l’acte et à son bénéficiaire, mais en n’en apportant la preuve que pour le premier, le juge ne pouvait rejeter le recours pour défaut de notification sans que le
greffe l’en ait préalablement avisé18. Ensuite, plus significatif encore, il a été jugé que la production du certificat de dépôt d’une lettre recommandée informant de l’instance suffisait à
justifier de l’accomplissement d’une telle formalité19. Nous allons voir que ces assouplissements sont loin d’être suffisants. De ce qui précède, on constate que les principes
jurisprudentiels, subordonnant l’irrecevabilité pour défaut de notification à la régularité d’affichage du permis de construire et fixant la date à laquelle le requérant peut apporter la
preuve de cette notification, garantissent un certain équilibre entre les exigences imposées par les articles R. 424-15 et R. 600-1. Cet équilibre, garanti en apparence, semble toutefois
être fragile en réalité. Dans l’affaire MM. A et D c/ Commune de Saint-Chaffrey, l’erreur de droit commise par la cour administrative d’appel de Marseille, dans son arrêt du 3 novembre 2014,
ne pouvait pas passer inaperçue. Alors que les requérants lui demandaient de vérifier la régularité de l’affichage et d’en tirer toutes les conséquences et ce, sur la base de l’ensemble des
éléments dont elle a été saisie, la cour s’est contentée d’observer qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier et des écritures des parties devant le tribunal administratif que les
dispositions de l’article R. 424-15 auraient été méconnues, que le permis litigieux n’aurait pas été affiché sur le terrain ou même que la réalité et les mentions de l’affichage auraient été
contestées ». Ce rejet expéditif du recours et des moyens dont la cour a été saisie va être sanctionné par le juge de cassation. Si la position retenue est salutaire, elle ne paraît pas
garantir parfaitement l’équilibre nécessaire entre l’obligation de notification du recours et les conditions d’affichage du permis de construire. Or deux exigences fondamentales l’imposaient
: le respect du principe de l’effet dévolutif de l’appel (A) et le principe du droit à un recours effectif (B). A – LE RESPECT DU PRINCIPE DE L’EFFET DÉVOLUTIF DE L’APPEL La nature de
l’office du juge d’appel est désormais établie. Il ne faut, à aucun moment, confondre l’appel et la cassation. Si dans le dernier cas, le juge saisi est juge de la décision juridictionnelle,
il est, en appel, juge du litige. Ce qui n’est guère la même chose. En appel, le juge est en effet saisi de l’ensemble du litige. C’est là où réside l’apport principal de l’arrêt MM. A et D
c/ Commune de Saint-Chaffrey du 4 novembre 2015. En l’espèce, le Conseil d’État a considéré que le juge d’appel devait, s’il est saisi de moyens en ce sens, tenir compte des éléments de
nature à établir que l’obligation de notification était bien opposable aux requérants. Par conséquent, la cour administrative d’appel ne pouvait pas s’abstenir de prendre en considération
l’ensemble des éléments, produits tant en appel qu’en première instance, de nature à établir si, au vu des conditions d’affichage du permis de construire, la fin de non-recevoir opposée par
l’auteur du permis litigieux devant les premiers juges et tirée du défaut de notification pouvait être opposée à la demande des requérants de première instance. Avant de conclure très
justement qu’« en écartant les pièces produites devant elle par les appelants et relatives aux conditions d’affichage du permis litigieux, au seul motif qu’ils n’avaient pas allégué
l’irrégularité de cet affichage devant les premiers juges, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit »20. Ce faisant, le Conseil d’État rappelle plus
généralement le principe de l’effet dévolutif de l’appel. À ce titre d’ailleurs, il avait déjà estimé qu’il appartenait au juge d’appel, saisi « par l’effet dévolutif de l’appel, de répondre
à l’ensemble de moyens opérants invoqués par le défendeur en première instance alors même que ce dernier, sans pour autant les abandonner, ne les avait pas expressément repris devant elle
»21. De la même manière, il avait admis que le requérant pouvait, pour la première fois en appel, faire état d’une qualité lui donnant intérêt à agir22, justifier de la recevabilité de sa
demande23, ou même, plus généralement, présenter des justifications nouvelles sur des points de fait ou de droit qui étaient en cause en première instance24 ; il avait été également admis
qu’un candidat, dont le compte de campagne avait été rejeté par le juge de première instance au motif qu’il n’avait pas justifié une recette y figurant, pouvait utilement produire pour la
première fois en appel les justificatifs de cette recette25. Pour revenir au cas de l’espèce, statuant comme il l’a fait, le Conseil d’État ne paraît pourtant pas aller au bout de la logique
et ce, malgré l’importance de la solution apportée. En effet, le simple défaut de produire une copie du certificat de dépôt de la lettre recommandée adressée à l’auteur de la décision
contestée et au titulaire de l’autorisation ne doit pas peser dans l’appréciation du juge plus lourdement que l’absence, sur le panneau d’affichage, des mentions nécessaires. Bien au
contraire, on l’a vu plus haut, le respect de la première exigence est subordonné au respect de la seconde. Par conséquent, une fois évoquée, la régularité de l’affichage, dont la charge de
la preuve incombe sur l’auteur de l’autorisation de l’urbanisme et son bénéficiaire, doit être examinée en premier lieu. D’autant qu’elle conditionne l’opposabilité de l’irrecevabilité
prévue à l’article R. 600-1. Le Conseil d’État ne paraît pas avoir clairement opté pour un tel raisonnement, contrairement à d’autres juridictions administratives subordonnées, telle que la
cour administrative d’appel de Versailles. L’arrêt de celle-ci en date du 1er décembre 2011 en est le parfait exemple : « Considérant que ni la commune ni M. et Mme B, à qui incombent la
charge de prouver la réalité, la régularité et la continuité de la formalité d’affichage prévue par l’article R. 424-15 du Code de l’urbanisme, n’apportent la preuve d’un affichage régulier
sur le terrain du permis de construire délivré le 14 décembre 2007 ; que, par suite, la méconnaissance des dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme ne pouvait pas être
opposée, quelles qu’aient été les diligences qu’elle avait effectuée en première instance, à Mme A pour déclarer sa demande irrecevable ; que cette dernière est dès lors fondée à soutenir
devant la Cour, par un moyen relatif à la régularité de la décision de première instance nécessairement évoqué pour la première fois en appel, que c’est à tort que, par l’ordonnance
attaquée, le président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande »26. Outre le principe de l’effet dévolutif de l’appel, le respect du droit au recours
imposait un meilleur équilibre entre les impératifs de notification du recours et les conditions d’affichage du permis de construire. B – LE RESPECT DU PRINCIPE DU DROIT À UN RECOURS
EFFECTIF Le refus de prise en considération ou l’indifférence, par la cour administrative d’appel de Marseille, de la réalité des pièces du dossier dont elle a été saisie27, était même de
nature à porter une atteinte au droit des requérants à un recours juridictionnel effectif. En effet, rien ne pouvait justifier un tel rejet expéditif du recours sacrifiant le « principe
constitutionnel du droit pour les personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction »28. Autrement dit, le rejet d’un recours pour irrecevabilité ne doit intervenir
qu’après un examen de l’ensemble des pièces cruciales du dossier. À défaut, le droit au recours perd tout son sens. Le respect d’un tel principe imposait, à notre sens, une position plus
cohérente dans la présente affaire. Car, il est difficilement compréhensible que le juge du fond, que ce soit en première instance ou en appel, ne soit pas tenu de s’assurer de la réalité du
respect de la formalité prévue par l’article R. 600-1. En l’espèce, le Conseil d’État s’est borné à rappeler au juge d’appel son devoir d’apprécier l’inopposabilité de la condition de
l’irrecevabilité du recours. Or, il fallait, à nos yeux, lui imposer de vérifier la réalité du respect d’une telle formalité, qu’elle soit en faveur de l’auteur de l’autorisation du permis
contesté, de son bénéficiaire ou du requérant. En d’autres termes, si en appel, le requérant démontre qu’il avait parfaitement respecté les formalités nécessaires, on ne voit pas pourquoi le
juge s’abstiendrait d’en prendre en compte. La preuve de la notification du recours devrait donc pouvoir être apportée pour la première fois en appel. Force est de constater que, depuis
2006, la jurisprudence considère que l’obligation de notification de l’article R. 600-1 ne fait pas, en tant que telle, obstacle à l’application du principe du droit à un recours effectif29.
Or cette position que des commentateurs autorisés ne partagent pas30 ne peut tenir lorsque la réalité de l’accomplissement de cette notification est incontestable. D’ailleurs, c’est la
démarche suivie par le juge administratif lorsque cette formalité est imposée à l’Administration elle-même : « considérant qu’il ne ressort ni des pièces du dossier soumis aux juges du fond
ni des termes de l’arrêt de la cour administrative d’appel que le juge d’appel se soit assuré du respect par le préfet du Vaucluse de la formalité prévue par l’article L. 600-3 du Code de
l’urbanisme [actuel article R. 600-1] ; que son arrêt est, par suite, entaché d’irrégularité et doit être annulé ; (…) que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler
l’affaire au fond ; (…) qu’il ressort des pièces du dossier soumis au Conseil d’État que le préfet du Vaucluse avait notifié sa requête d’appel conformément aux prescriptions de l’article L.
600-3 du Code de l’urbanisme ; que sa requête était, dès lors, recevable »31. Dans le même ordre d’idée, il semble difficile d’admettre que l’irrecevabilité tirée du défaut de notification
continue à être regardée comme un moyen d’ordre public que le juge doit, sous peine de statuer irrégulièrement32, soulever d’office33, alors qu’elle n’était même pas opposable en raison de
l’absence de son indication sur le panneau d’affichage. Pour un meilleur équilibre entre les obligations des articles R. 600-1 et R. 424-15, le juge devrait soulever d’office
l’inopposabilité de ladite irrecevabilité. Or, dans l’affaire du 4 novembre 2015, le Conseil d’État se contente d’une solution minimaliste en estimant « qu’il appartient au juge, s’il est
saisi de moyens en ce sens, y compris pour la première fois en appel, de vérifier si l’obligation de notification posée par l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme peut, au regard des
conditions fixées par l’article R. 424-15 du même code, être opposée à la demande ». Dans l’état actuel des choses, il serait en effet plus équitable que le juge renonce à soulever d’office
l’irrecevabilité de la requête due à l’absence de notification du recours. Au total, les exigences du procès équitable et du droit à un recours effectif, telles que protégées par les
articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme, imposent au juge, que ce soit en première instance ou en appel, de s’assurer du respect des formalités des articles R.
600-1 et R. 424-15. On sait que le droit d’accès à un tribunal peut faire l’objet de limitations. Mais on sait également que ces limitations doivent être « proportionnées au but légitime
poursuivi »34. La Cour européenne des droits de l’Homme a déjà censuré « l’excès de formalisme » dans lequel sont « tombées » les juridictions administratives turques35. Cet « excès de
formalisme » est incontestable dans la présente affaire. Les juges du fond, en première instance et en appel, se sont en réalité cachés derrière le fait que la preuve de notification n’avait
pas été apportée avant la clôture de l’instruction, alors qu’ils disposaient de tous les éléments affirmant le contraire. Ce qui est plus grave c’est que cet « excès de formalisme » ne
répondait en rien au souci d’informer des parties qui étaient, comme le rappelle l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille lui-même, parfaitement informées du recours36. Dans
son arrêt du 4 novembre 2015, le juge du Palais-Royal n’y a hélas pas mis fin. De là, on ne saurait mieux conclure que les professeurs Bernard Pacteau et Pierre Soler-Couteaux. Le premier
faisait remarquer en 1996 que l’obligation de notification du recours constituait « un véritable piège contentieux » dans l’accès au juge37. Dix ans plus tard, selon le second, cette
obligation fonctionnait toujours « comme un instrument commode de dissuasion des recours et de désengorgement à bon compte des juridictions administratives »38. Fin 2015 et malgré les
évolutions jurisprudentielles, le même constat continue à se faire sentir.