Convertir des twingo à l’électrique : pourquoi lormauto renonce
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Le rétrofit électrique compte de nombreux détracteurs. Ils émettent des doutes quant à la viabilité économique de cette pratique qui consiste à greffer une batterie et une motorisation
électrique sous le capot d’une vieille voiture usagée, solution jugée moins néfaste pour l’environnement que la production d’une voiture électrique toute neuve. Force est de constater que
les faits ont plutôt tendance à donner raison à ceux qui estiment que l’opération revient trop cher. Même les collectionneurs de voitures anciennes réfléchissent à deux fois avant de
convertir un véhicule pour lequel ils sont réputés dépenser sans compter. Préférant laisser de côté les vieilles Citroën 2 CV, les Renault 4 d’antan et les Fiat 500 classiques, les
fondateurs de Lormauto ont fait le choix en 2020 de concentrer leurs efforts sur d’humbles voitures d’occasion, disponibles à profusion et capables de rendre de fiers services pour de
longues années encore — en l’occurrence, des Renault Twingo produites entre 2003 et 2007. Leur kit de conversion électrique a été homologué en novembre 2023, une première victoire pour la
petite entreprise implantée dans le Calvados. Et puis, « _parce que nos premiers soutiens et investisseurs nous ont fait remarquer que les marges sont plus importantes dans le véhicule
utilitaire que dans le véhicule particulier, nous avons conçu un kit pour les fourgonnettes Renault Kangoo et Citroën Berlingo de première génération, encore très nombreux_ », raconte
Sébastien Rolo, directeur et cofondateur de Lormauto avec Franck Lefevre. Dès le début de l’aventure, Lormauto a pu se targuer de recevoir de nombreux soutiens. Pêle-mêle, il y a eu la
Caisse d’épargne de Normandie, le Crédit mutuel de Normandie, la Région Normandie, le Pôle de compétitivité numérique de Normandie et de l’Axe Seine, l’organisation professionnelle
Mobilians, l’ADEME, des équipementiers (Forvia, Groupe SAB, B2G SARL, Dangel Automobiles). Suffisant pour prendre possession d’une vieille usine à Argences, dans le Calvados, au mois de mai
2023. L’objectif était de convertir 3 500 Twingo par an et de réduire rapidement un prix de vente fixé à 21 000 euros (prime non déduite) à l’époque du Mondial de l’Automobile de Paris, en
octobre 2024. Mais de retour du salon, c’est le coup d’arrêt. « _Fin novembre, force est de constater que nous n’avons plus d’argent_, confie Sébastien Rolo à _Challenges_. _Il devient
impossible d’acheter les composants nécessaires à la fabrication des kits de transformation ; impossible d’investir dans l’outillage. Je décide alors de suspendre notre production et de
consacrer nos fonds à améliorer nos procédures, afin d’être prêts à démarrer la production lorsque les fonds qu’on nous a promis arriveront enfin._ » Car l’entreprise a des raisons
d’espérer. Un an plus tôt, en octobre 2023, Lormauto décroche la labellisation NextMove. Elle devait permettre à la jeune entreprise d’accélérer l’aménagement de son usine et de son outil de
production, pour être rapidement en capacité de répondre à la demande. D’abord celle des particuliers, nombreux à se laisser séduire par cette idée du juste nécessaire automobile ; celle
ensuite du loueur de voitures Ucar, qui se proposait d’intégrer à sa flotte une dizaine de « Twingo by Lormauto » pour devenir le « _premier loueur de courte durée à investir dans le durable
en proposant des véhicules rétrofités _». Les figures politiques y croient et défilent dans l’usine, pour exprimer leur soutien. Preuve de l’engagement de l’État, la jeune entreprise est
même devenue lauréate de l’AAP Invest Auto 2023, dans le cadre de l’appel à projets de Bpifrance. La banque publique d’investissement s’est en effet donnée, entre autres objectifs, de «
_soutenir les projets d’investissement pour produire en France les véhicules routiers de demain et leurs composants_ ». Un an plus tôt, Bpifrance avait pourtant émis une fin de non-recevoir,
estimant que le projet n’était pas viable. « _Mais nous avons travaillé et sommes revenus avec ce qu’ils demandaient_ », à savoir un véhicule prototype fonctionnel et un kit de rétrofit
homologué. A la fin, Lormauto est tombée, victime d’un blocage ubuesque. Le plan de financement patiemment mis au point avec le ministère de l’Industrie tenait à l’engagement des
investisseurs, lui-même dépendant du versement des subventions de l’État. Lequel a finalement été bloqué par les hésitations de Bpifrance. Pendant que chacun attendait que l’autre se décide,
les dirigeants de Lormauto en étaient réduits à payer les salaires de leurs sept collaborateurs sur leurs deniers propres. Intenable.