Antiquité gréco-romaine : le bourdonnement incessant de l’information

Antiquité gréco-romaine : le bourdonnement incessant de l’information


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Dans l'antiquité gréco-romaine, la production incessante d'informations, publiques ou privées, se heurte au problème que connaissent toutes les sociétés de l'ère


pré-industrielle, celui de leur diffusion. Car en dehors du recours, exceptionnel, à des animaux dressés à cet usage — César aurait informé le Sénat de ses victoires par pigeon voyageur et


Decimus Brutus, assiégé par Antoine dans Modène en 43 av. J.-C. envoie des messages attachés aux pattes des pigeons (Pline, _HN_, X, 53) — et d'encore plus rares signaux optiques (par


des jeux de miroirs, comme en garde la trace le nom du poste militaire _Ad Speculum_ dans le sud tunisien), l'information ne circule qu'avec les hommes et à la même vitesse


qu'eux. Mais une fois posée cette évidence, la situation présente des différences selon les époques et la nature des informations. On laissera ici de côté les périodes les plus


anciennes, sans ou avec écriture, sauf pour noter que la société mycénienne (XVe-XIIe siècles av. J.-C.) savait déjà tenir la comptabilité des ressources royales, information essentielle


pour la bonne gestion que l'on archivait (au moins temporairement) pour qu’elle ne disparaisse pas avec celui qui l'a produite. Mais on est encore dans un monde de scribes,


c'est-à-dire de diffusion minimale du savoir écrit, et l'essentiel de l'information accessible au commun des mortels se transmettait donc par voie orale, qu'il


s'agisse des décisions des pouvoirs dirigeants ou des informations d'ordre privé. Avec l'apparition progressive de l'écrit alphabétique (VIIIe-VIIe siècles) et des plus


anciens textes de la littérature grecque (Homère, Hésiode), l'historien dispose à nouveau d'informations sur la circulation des nouvelles, mais celles-ci ne deviennent abondantes


qu'avec l'époque classique (Ve-IVe siècles). À partir de là, la situation change peu sauf que les documents, disponibles principalement à Athènes au Ve siècle, proviennent


désormais de toute la Méditerranée orientale à l'époque hellénistique (fin IVe-Ier siècles av. J.-C.), ainsi que de Rome d'abord (IVe-IIe siècles av. J.-C.) et de son Empire entier


à partir de la fin du IIe siècle av. J.-C. L'unification politique de toute la Méditerranée par Rome à partir de 30 av. J.-C. facilite la circulation, mais laisse subsister des


différences régionales héritées du passé. LA VOIX EST LA PREMIÈRE PORTEUSE DE NOUVELLES Ce constat met en relief deux lignes de partage que l'on retrouve durant toute l'Antiquité,


y compris lorsque lecture et écriture furent répandues dans de larges couches de la société. D'une part, la place prépondérante de l'écrit n'a jamais fait disparaître la


diffusion orale de l'information : du héraut homérique au prédicateur ambulant de l'Antiquité tardive (IVe-VIIe siècle), la voix est le premier porteur de nouvelles, le seul


accessible à tous. D'autre part, on ne peut considérer de la même manière ce qui relève de l'information publique, qui comprend aussi bien la diffusion des décisions et ordres du


pouvoir que la récolte des informations utiles à la gestion de l'État, et les nouvelles privées, que les individus transmettent à leurs proches ou à leurs relations d'affaires,


qu'elles relèvent de quelque domaine que ce soit, familial, économique, religieux. Elles peuvent se recouper à l'occasion (la propagande électorale affichée sur les murs de Pompéi


juste avant l'éruption de 79 ap. J.-C.), mais les moyens dont les particuliers et l'État disposent pour informer et s'informer ne sont pas exactement les mêmes. > Certains 


payent de leur vie la colère suscitée par leur message Dans la société (VIIIe-VIIe s.) que décrivent les poèmes homériques, le héraut tient une place essentielle. C'est lui qui annonce


aux hommes assemblés les décisions des chefs. Mais on peut aussi user de hérauts à tout moment : Agamemnon envoie les hérauts Talthybios et Eurybatès annoncer à Achille qu’il lui reprend


Briséis (_Iliade_ I, 318-348). Ces « messagers de Zeus et des hommes » (_Iliade_ I, 334), placés sous la protection d’Hermès, sont en principe inviolables, ce qui n’empêche pas que certains


payent de leur vie la colère suscitée par leur message : les hérauts perses venus demander aux cités grecques la soumission au Grand Roi en 491 sont précipités par les Spartiates au fond


d’un puits pour y trouver « la terre et l’eau » réclamées par leur maître. La tradition de l'oralité se maintien durant toute l’Antiquité, notamment par les ambassades, toujours


temporaires et destinées à délivrer oralement des messages. Ainsi, les ambassadeurs sacrés (_théores_) annoncent de cité en cité la tenue des fêtes religieuses et des concours ou demandent


la reconnaissance de privilèges comme l'asylie, qui permet au sanctuaire d'échapper au droit de représailles : Magnésie du Méandre (cité hellénistique d’Asie mineure) a envoyé vers


207-206 des ambassades à tous les souverains et à un grand nombre de cités, jusqu’en Iran, pour faire garantir l’asylie de son sanctuaire d'Artémis. La place de l'oral s'est


réduite avec le développement de l'écrit, mais n'a pas disparu. À l'époque classique, les textes des décrets sont d'abord lus en public avant d'être affichés. À


l'époque hellénistique, à Kymè d'Éolide (sur la côte occidentale de la Turquie), un décret pour une bienfaitrice de la cité ordonne « que le président des concours actuellement en


charge et ses successeurs proclament lesdits honneurs comme pour les autres bienfaiteurs », ce qui vise donc non seulement à fournir l'information au plus grand nombre (les concours


sportifs ou musicaux qu'organisent toutes les cités attirent citoyens et étrangers), mais à en garantir la pérennité dans l'avenir. De même, certains édits impériaux prévoient


explicitement que le texte doit être lu en public par un héraut avant d'être affiché. Plus simplement, il est quelquefois prévu que le messager porteur d'informations sera chargé


de lire le message et d'apporter des informations complémentaires si besoin est. À toutes les époques, des ambassades sillonnent le monde grec et romain, y compris celles envoyés par


des villages : une épitaphe de Syrie du Sud signale qu'un villageois a accompli une ambassade à Rome pour le compte de sa communauté. LA PLACE CROISSANTE DE L’ÉCRIT DANS LA PUBLICITÉ


DES INFORMATIONS CIVIQUES Mais l’écrit tient une place croissante. Le premier texte législatif gravé sur pierre le fut en Crète au VIIe siècle av. J.-C. À Athènes, les décisions de Solon, au


début du VIe siècle, auraient été affichées sur des panneaux de bois blanchis à la craie que Plutarque, sept siècles plus tard, prétend avoir vus. Les États — cités grecques, royaumes


hellénistiques, République puis Empire romain — ont développé une stratégie de circulation de l'information qui vise à la fois à faire connaître leurs décisions et à rassembler les


informations dont ils ont besoin, mais cela va parfois au-delà. Ainsi, à l’époque classique, Athènes, presque seule, procède à l'affichage public systématique des décrets : pour la


seule période allant de la fin du VIe siècle au milieu du IIIe siècle av. J.-C., on possède la trace de plusieurs centaines de décrets gravés dans la pierre. Les projets de décrets étaient


d’abord affichés sur des tableaux de bois blanchis, afin que chacun soit informé avant la prochaine assemblée, puis, une fois votés, étaient gravés dans la pierre afin que chacun en


connaisse les termes exacts. Les Athéniens, presque seuls à cette époque, gravent aussi les inventaires des biens sacrés, les contrats de location de terres publiques, les listes


d'offrandes publiques aux dieux, les traités conclus avec d'autres cités, entre autres. Faut-il lier cette publicité des informations civiques à la démocratie athénienne ? Le lien


est difficile à établir, mais on ne peut qu'être troublé que des cités puissantes où la vie politique n'était pas moins active comme Sparte, Corinthe ou Thèbes ne livrent rien de


semblable. À partir de l'époque hellénistique, la gravure dans la pierre des textes civiques (décrets mais aussi souscriptions publiques) se répand dans tout le monde égéen, mais reste


plus rare dans certaines régions récemment conquises, comme la Syrie et l'Égypte. Les textes qui émanent de l'administration royale font à leur tour l’objet d’une large publicité,


qu'ils soient de portée générale (ainsi la création d'un culte de la reine séleucide Laodice III est documentée par des copies d'une lettre d'Antiochos III trouvées à la


fois en Asie Mineure et en Iran) ou strictement locale. Dans tous les cas, on observe surtout que le document royal d'origine est diffusé à tous les échelons de l'administration


royale, qui quadrille le territoire par un maillage serré. Il s'agit autant d'informer que d'affirmer la souveraineté royale et l'efficacité de ses agents. Parallèlement


à l'archivage qui permet à l'administration de fonctionner dans la durée, la proclamation des décisions royales et leur affichage dans la pierre constituent des marques de


souveraineté. De leur côté, les cités qui obtiennent des avantages ou privilèges du souverain tiennent à l'afficher dans le lieu le plus en vue, afin que nul n'ignore en quelle


estime est tenue la cité en haut lieu. > La diffusion d'un compte-rendu officiel des débats du Sénat et des > assemblées du peuple est un élément essentiel d'une information


> plus sûre des citoyens Rome ne procède guère autrement sous l'Empire. On connaît mal la diffusion des décisions aux débuts de la République, mais il semble bien que


l'affichage des décisions des comices et du Sénat ait eu lieu assez tôt sur des tableaux blanchis, sans que cela soit systématique. César introduisit en 59 av. J.-C. une innovation


capitale : la diffusion d'un compte-rendu officiel des débats du Sénat et des assemblées du peuple (_acta senatus et populi romani_), en plus de celle des décisions. C'était un


élément essentiel d'une information plus complète et plus sûre des citoyens, puisque les _acta_ remplaçaient le simple bouche à oreille en vigueur jusque-là. Mais son héritier Auguste,


sans supprimer la mesure, en restreignit la portée en autorisant l'accès au résumé des débats aux seuls magistrats concernés, aux sénateurs et au prince lui-même. Pour le reste, les


décisions du Sénat — les senatus-consultes — pouvaient faire l'objet de lecture publique et d'affichage, durable (sur des tables en bronze ou sur pierre) ou non, ce que le texte


prévoyait parfois explicitement (le préfet d'Égypte Sempronius Liberalis au milieu du IIe siècle. prévoit l'affichage pendant 40 jours de son édit contre les abus des percepteurs


d'impôts). Certains textes pouvaient être affichés hors de Rome lorsqu'ils concernaient des États étrangers (la _lex des provinciis_ _praetoriis _vers 100 av. J.-C., affichée à


Cnide et à Delphes : la loi doit être publiée dans les cités d'Asie sous l'autorité du gouverneur d'Asie et inscrite selon la coutume locale sur une tablette de bronze, une


pierre de marbre ou un planche blanchie, placée dans un sanctuaire ou sur l'agora, de manière à pouvoir être lue de plain pied), ou telle ou telle province particulière (les Tables


Claudiennes à Lyon conservent dans le bronze le discours de Claude sur l'entrée des Gaulois au Sénat). Mais on peut aussi afficher un papyrus : la lettre de Claude aux Alexandrins est


affichée par le préfet d'Égypte L. Aemilius Rectus dans le Fayoum car, dit-il, le nombre élevé d'habitants empêche que toute la population ait pu entendre la lecture officielle. Et


un gouverneur peut obliger les cités à afficher ses édits : Quintus Veranius, gouverneur de Lycie, fait afficher dans toutes les cités de sa province la punition infligée à un esclave


archiviste qui falsifiait les documents juridiques. Même lorsque les textes n'étaient affichés qu'à Rome, une large diffusion était assurée dans les provinces par les courriers


privés : pendant que Cicéron est gouverneur de Cilicie en 51-50 av. J.-C., ses amis lui font parvenir par courrier des copies des _acta senatus_ qui lui permettent de se tenir au courant de


la vie politique à Rome. LA COMMUNICATION POLITIQUE CIRCULE À VITESSE TRÈS VARIABLE Les États antiques – qu'il s'agisse de minuscules cités grecques, des royaumes hellénistiques ou


de l'Empire romain – ne possèdent guère de moyens publics de communication à longue distance. Athènes dispose de deux navires rapides pour porter les ordres aux magistrats en mission


hors de la cité. Dans les royaumes hellénistiques, le roi fait porter ses messages aussi bien par des esclaves royaux que par des membres de son entourage. On sait en tout cas que la


circulation de la paperasserie administrative (et judiciaire) fonctionne bien en Égypte, seule région où les documents écrits sur matériau périssable soient conservés de manière massive ; il


devait donc y avoir une circulation régulière de ces documents : une requête envoyée d'un village de la vallée du Nil pouvait se retrouver annotée de la main même du roi avant


d'être renvoyée à son auteur _via_ les magistrats locaux pour application. À Rome, jusqu'à la fin de la République, il n'existe aucun service officiel de courrier au service


des magistrats, et chacun utilise les services d'esclaves ou de domestiques, les _tabellarii_, ou ceux de voyageurs de confiance ; au mieux, ceux qui commandent des troupes peuvent


utiliser des soldats envoyés en mission. Auguste fut le premier à esquisser un service de transport officiel (la _vehiculatio_), avant que ses successeurs organisent ce qui deviendra le


_cursus publicus_, vaste réseau de relais permettant les circulations des messagers officiels mais aussi des agents de l'État en mission. > Il peut s'écouler deux mois entre 


l'avènement d'un empereur à > Rome et l'usage de son nom sur les documents en Haute-Égypte, mais > cela ne veut pas dire que le bouche à oreille n'avait pas porté 


la > nouvelle beaucoup plus vite La vitesse de circulation de l'information varie de manière difficile à apprécier. En se fondant sur les papyrus d'Égypte datés par les années


de règne des empereurs romains, on constate qu'il peut s'écouler deux mois, voire trois, entre l'avènement d'un empereur à Rome et l'usage de son nom sur les


documents en Haute-Égypte. Mais cela ne veut pas dire que le bouche à oreille n'avait pas porté la nouvelle à Alexandrie beaucoup plus vite (de 10 à 15 jours), sans que


l'administration ait reçu d’avis officiel. Les déplacements en bateau à travers la Méditerranée peuvent être rapides, mais cela dépend de la saison, des vents et du sens de la


navigation. Ainsi, on met une vingtaine de jours d'Alexandrie à Pouzzoles, mais seulement 9 jours en sens inverse ; il faut trois ou quatre jours d'Ostie vers Narbonne, un jour de


plus vers la côte espagnole, deux à trois jours entre Ostie et Carthage, mais les valeurs peuvent doubler ou plus si on voyage contre le vent, sans parler des tempêtes qui obligent à trouver


un abri pour quelques heures ou quelques jours ! Quant aux voyages par voie terrestre, ils sont lents et la tradition n’a conservé que de rares exploits stupéfiants, comme Phidippidès


parcourant en 490 les 250 km entre Athènes et Sparte en 36 heures ou le coureur de Marathon (Euclès ou Phidippidès, selon les auteurs) qui court plus de 42 km en quelques heures, avant que


la flotte perse ait pu contourner le cap Sounion. > Tout ce qui relève de la vie économique ne fait guère l'objet > d'annonce officielle Les particuliers ne manquent donc pas


de moyens d'être informés des décisions politiques qui les concernent. Mais les informations produites par les sociétés antiques sont infiniment plus nombreuses et variées, sans même


évoquer les informations privées concernant un petit nombre de personnes. L'issue d'une bataille, la condamnation d'un homme en vue, la mort d'un autre, les noms des


vainqueurs aux innombrables concours organisés par les cités, tout ce qui relève de la vie économique ne fait guère l'objet d'annonce officielle. Mais certaines informations ont


assez d'importance aux yeux des Grecs pour être gravées dans la pierre, comme les vainqueurs de concours, soit que la cité organisatrice fasse graver la liste des vainqueurs à toutes


les épreuves d’un concours, soit que la cité d'origine d'un athlète qui tient à lui rendre hommage fasse graver la liste de toutes ses victoires. LES NOUVELLES PRIVÉES S’ÉCHANGENT


DANS DE NOMBREUX LIEUX DE SOCIABILITÉ > Les cités isolées dans l'intérieur des terres ne disposent pas de > la même quantité d'informations que les cités maritimes où > 


l'arrivée de chaque bateau apporte son lot de nouvelles venues > d'ailleurs On est mal renseigné sur la circulation de l'information en dehors des circuits officiels


évoqués plus haut, puisque, d'une part, la communication orale ne laisse pas de trace et que, d’autre part, les documents écrits sur supports périssables ont disparu presque partout.


Seule l'Égypte (et quelques bribes isolées dans la vallée de l'Euphrate ou les tablettes de Vindolanda près du mur d'Hadrien) a fourni une masse documentaire d'où


émergent de très nombreuses lettres privées sur papyrus ou sur tesson de céramique (_ostracon_). Mais tout ceci ne circule que grâce au déplacement des hommes : le soldat du poste de


Krokodilô qui sollicite un parent ou un ami resté dans la vallée du Nil pour qu’il lui envoie des salades et d'autres légumes verts dépend du passage d'un voyageur allant de la mer


Rouge au Nil. On devine sans peine que les cités isolées dans l'intérieur des terres ne disposent pas de la même quantité d'informations que les cités maritimes placées sur des


routes fréquentées où l'arrivée de chaque bateau apporte son lot de nouvelles venues d'ailleurs. Si les tavernes des ports bruissent de nouvelles plus ou moins fondées, il existe


dans les cités grecques des lieux consacrés de sociabilité où s'échangent et se commentent les nouvelles. Déjà chez Homère et Hésiode (_Travaux et Jours_ 493-495), la forge et le


parloir (_leschè_) (qui en est souvent proche) constituent les lieux où se rencontrent les hommes aux moments de désœuvrement, où l'on discute des nouvelles, où l'on en recueille


puisque c'est là que le voyageur dépourvu de relations dans la cité passera la nuit et dira ce qu'il a appris ailleurs (_Odyssée_ XVIII, 328-329). Les _leschai_ existaient dans


chaque cité de quelque importance, mais elles furent peu à peu remplacées par les portiques qui bordent l'agora. Les gens aisés disposent également des banquets et, surtout, des


_symposia _(beuveries) qui les suivent, où sont invités les hôtes de marque, porteurs eux aussi de nouvelles venues d'ailleurs. Pour les femmes, la fontaine joue le même rôle de lieu de


rencontre où s'échangent les nouvelles ; certes, les femmes d'un certain rang ne les fréquentent pas, mais leurs servantes leur rapportent ce qu'elles y ont appris. Dans une


cité comme Sparte où les hommes sont tenus de manger ensemble, c'est le lieu d'informer l'ensemble des citoyens de ce qui se passe au dehors et de commenter les nouvelles.


Dans le monde romain, les thermes jouent ce même rôle de lieu de rencontre et d'échange : or, les thermes prirent une importance démesurée dans toutes les villes de l'Empire, en


Occident comme en Orient. Mais nombre de cités ou de villages possèdent aussi des lieux de réunions pour les hommes (_andreia_), que chacun devait fréquenter pour se tenir au courant des


nouvelles. D’une façon générale, les particuliers usent des mêmes procédés que les États, sans avoir accès à aucun service officiel de communication. D’une part, l’information orale


constitue une rumeur avec toutes les déformations que cela peut entraîner. D’autre part, le recours à l’écrit se fait à la fois sous forme privée et périssable (les lettres et innombrables


billets pouvaient contenir aussi bien des informations d’intérêt général que des propos privés), et sous forme d’affichage public. Car, aussi bien dans le monde grec que dans le monde latin,


la gravure sur pierre de textes émanant de particuliers est un phénomène presque sans parallèle ailleurs, en dehors des épitaphes : dédicaces et offrandes aux dieux, marques de propriété


sur des maisons, tombeaux et bâtiments divers, inscriptions en l’honneur d’un puissant protecteur, épitaphes parfois très développées. Mais on devine que l’on sort ici du strict domaine de


l’information ; certes, celui qui fait graver ces textes cherche bien à informer ses voisins ou les passants mais, plus encore, à souligner sa piété, sa prospérité, sa culture ou son réseau


de relations. Dans le fond, il en va des particuliers comme des États : faire savoir n’a pas seulement une fonction utilitaire, mais relève aussi d’une volonté d’affirmation de soi-même et


de sa puissance. RÉFÉRENCES * Jean ANDREAU, Catherine VIRLOUVET, sous la direction de, _L'Information et la mer dans le monde antique_, Paris, Rome, EFR, 2002. * Alain BRESSON,


Anne-Marie COCULA, Christophe PEBARTHE, sous la direction de, _L'Écriture politique du pouvoir_, Bordeaux, Ausonius, 2005. * Laurent CAPDETREY, Jocelyne NELIS-CLEMENT, sous la direction


de, _La Circulation de l'information dans les États antiques_, Bordeaux, Ausonius, 2006. -- À LIRE ÉGALEMENT DANS LE DOSSIER _DU NÉOLITIQUE AU NUMÉRIQUE, UNE HISTOIRE DE L’INFORMATION_


Révolution néolithique, révolution de l’information par Jean-Paul Demoule Invention de l’écriture : émergence de l’information par Clarisse Herrenschmidt Au Moyen Âge aussi, informer c’est


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