
De la culture au divertissement : l'exception lagardère
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Comment comprendre la stratégie de Lagardère, seul groupe des industries culturelles qui pour compenser l’incertitude pesant sur les activités livre et médias se développe dans le sport et
le divertissement ? Michel Diard Publié le 22 janvier 2014 Les vidéos d’Arnaud Lagardère et de sa nouvelle épouse, le mannequin belge Jade Forêt, ont battu des records de visionnage sur
YouTube. La vie privée du président du groupe éponyme défrayant la chronique, voilà qui est dérisoire, mais surtout surprenant au regard des bouleversements qu’il fait subir aux activités de
son groupe. Cessions et acquisitions se succédant quasi quotidiennement au point d’interroger les investisseurs quant à l’avenir d’un groupe présenté comme le seul capable d’affronter les
leaders de l’industrie de la culture dans le monde. Aujourd’hui, le groupe Lagardère, issu du rapprochement de Matra et Hachette en 1980, se définit comme un groupe 100 % médias et un
fournisseur de contenus pour tous les supports. La migration des médias vers le numérique est menée au pas de charge et, paradoxe, en accélérant les acquisitions vers les sites de services,
en développant les activités de « petit commerce » de la branche Lagardère Services sur les lieux de transport et en investissant dans le sport et le divertissement. Ces mutations ont
nécessité la multiplication des cessions d’actifs, présentés comme non stratégiques. Avec la vente des actions d’EADS au printemps 2013, c’était le dernier acte d’un désengagement annoncé de
longue date. En revanche, la cession de la presse magazine à l’étranger au groupe Hearst et, plus récemment, d’une dizaine de titres en France, apparaît plus surprenante pour un groupe 100
% médias qui en était le leader mondial. Quant à l’accord de retrait de Canal Plus (20 % du capital), il était annoncé depuis plusieurs années ! La création d’une nouvelle branche, Lagardère
Unlimited, dédiée à la gestion des droits sportifs et au divertissement, elle, a suscité de nombreuses interrogations. Les mutations radicales ont été justifiées par la nécessité pour le
groupe, d’une part, d’opérer la migration de ses activités vers le numérique, et, d’autre part, d’investir dans de nouvelles activités supposées être de nouveaux facteurs de croissance sous
une triple influence : - la financiarisation des industries de la culture, soumises à de fortes pressions des acteurs financiers et des actionnaires exigeant à la fois forte rentabilité,
stratégies claires et mondialisation. Ces acteurs financiers ont conduit Lagardère à choisir entre hautes technologies et médias. Thierry Funck-Brentano, co-gérant du groupe, avoue : « On se
dit indépendant, mais on n’est pas complètement indépendants : on est bien obligé de tenir compte de l’environnement et des marchés. »1. - l’apparition de nouveaux supports de diffusion
numérique et le développement de nouveaux produits culturels spécifiques ; - le développement et/ou la diversification des groupes industriels de communication, à la croissance vertigineuse
(fabricants de matériels et de logiciels, opérateurs de télécommunications) et demandeurs de contenus premium et/ou adaptés aux nouveaux supports de diffusion. RASSURER LES INVESTISSEURS Les
cessions d’actifs non stratégiques (EADS, Canal + ou Groupe Amaury) ont eu un inconvénient, celui de priver le groupe de leurs profits. Les dividendes versés par EADS à Lagardère, par
exemple, se sont élevés à plus de 60 millions d’euros en 2005 pour un résultat net du groupe de 702 millions (8,5 %), à 29,7 millions pour un résultat net de 287 millions en 2011 (10,35 %)
et à 39 millions pour un résultat net de 106 millions en 2012 (36,8 %) ; les liquidités ainsi dégagées permettant au groupe de multiplier les opérations de croissance externe. Les exigences
des actionnaires et des banques liées au groupe de maintenir à la fois le montant des dividendes, le cours de la Bourse et la garantie de lignes de crédit nécessaires aux opérations
d’acquisitions ont conduit Lagardère à imaginer de nouveaux pôles de croissance. Il était d’autant plus important pour Lagardère de rassurer les marchés financiers que, le 20 septembre 2010,
le groupe sortait du CAC 40, sa capitalisation boursière étant jugée trop faible et le volume d’échanges insuffisant. Après avoir été un acteur majeur du processus d’alliances européennes
dans les activités aérospatiales, de défense et d’aéronautique entre les années 1990 et 2000, devant aboutir à la création d’EADS le 10 juillet 2000, Lagardère SCA qui détenait indirectement
une participation de 15 %, annonçait vouloir la ramener à 7,5 % en 2009 pour sortir totalement du consortium en 2013. Lagardère SCA poursuivait ainsi sa mutation, comme en témoigne le
Document de référence 2006, déposé auprès de l’Autorité des marchés financiers : « Fin 2006, le groupe a annoncé le rapprochement de ses activités d'édition de magazines, d’une part, et
de ses activités audiovisuelles et numériques, d’autre part, au sein d'une nouvelle entité dénommée Lagardère Active; ce rapprochement résulte de l’ambition du groupe de s'imposer
comme un des leaders internationaux de l'édition de contenus sur tous médias, de devenir une "brand factory" mondiale et d'accélérer sa migration vers le numérique. Le
groupe a par ailleurs créé en son sein une branche "Sport" en se portant acquéreur de la société Sportfive le 24 janvier 2007 (Sportfive intervient comme partenaire des instances
sportives et des clubs sportifs dans le processus de valorisation de leurs droits, diffusion et marketing) ; de la société Newsweb, qui est un des leaders français de l’édition et des
contenus sur Internet et est notamment spécialisé dans l'information sportive. » Si le contexte économique et industriel a été le facteur essentiel d’accélération de la mutation et de
la réorganisation de Lagardère SCA, les stratégies financières ont eu raison des stratégies industrielles du groupe sous la pression de ses nouveaux actionnaires. En effet, les investisseurs
étrangers ont été nombreux à entrer dans le capital de Lagardère SCA en 2000 ; ils en ont détenu la majorité en 2006 (56,04 %) pour atteindre 63,95 % en 2012. Parmi eux, le fonds souverain
du Qatar (Qatar Investment Authority) devenu le premier actionnaire du groupe en 2011 (12,827 % aujourd’hui, contre 9,3 % à Lagardère Capital et Management, la holding d’Arnaud Lagardère),
mais aussi la banque Morgan Stanley et des fonds d’investissement américains comme Franklin Inc., Fidelity Management Research, ou encore Highfields Capital Management LP. INCERTITUDES DES
PRODUITS CULTURELS ET DIVERSIFICATIONS DANS LE TRAVEL RETAIL « L’une des spécificités des industries culturelles tient au rôle majeur qu’y exerce l’incertitude sur les conditions de
valorisation des biens et des services », explique le chercheur Pierre Moeglin2. À l’incertitude qui pèse sur les produits culturels de Lagardère s’ajoutent d’autres facteurs. Les médias
écrits de Lagardère étaient fortement dépendants des variations enregistrées sur les marchés publicitaires. > Les médias écrits de Lagardère étaient fortement dépendants des >
variations enregistrées sur les marchés publicitaires. En 2005, le chiffre d’affaires d’Hachette Filipacchi Magazines est constitué pour 39 % des ventes et pour 57 % de la publicité ; ce
poids de la publicité dans le chiffre d’affaires montera même jusqu’à 58 % en 2006. Ce n’est qu’en 2012 (après que le groupe eut cessé l’édition de certains titres et vendu les éditions à
l’international de l’ensemble de ses titres à l’exception de Elle) que la tendance s’est inversée : le chiffre d’affaires est constitué aujourd’hui à 59 % par le produit des ventes et à 41 %
par les recettes de publicité. Pour les radios du groupe (Europe 1, Virgin Radio et RFM), le poids de la publicité est encore plus pesant : il représente 86 % du chiffre d’affaires en 2011
et 83 % en 2012. Les ventes de contenus et de produits dérivés, quant à elles, continuent de s’effriter (-5 % globalement en 2012). Ce qui justifie, aux yeux des dirigeants, l’urgence d’une
migration des marques fortes du groupe vers le numérique et d’une diversification de l’offre. Le marché publicitaire connaît des fluctuations importantes depuis l’accentuation de la crise
économique (-5,2 % dans la zone euro en 2012 et -1,4 % au premier semestre 2013). Ce recul n’est pas compensé par le déplacement de ce marché vers Internet. Le chiffre d’affaires de
Lagardère Services, de son côté, évolue très lentement ; de 3 294 millions d’euros en 2000 à 3 809 millions d’euros en 2012, malgré un accroissement des points de ventes, en France et dans
le monde. Néanmoins, c’est la branche qui dégage le plus de profits et l’une des branches sur laquelle le groupe porte une attention particulière. Lagardère Services a deux types
d’activités, d’une part, la distribution de la presse et du livre et, d’autre part, ce que le groupe appelle le Travel Retail, c’est-à-dire la vente dans les zones de transport, gares et
aéroports. Thierry Funck-Brentano annonce clairement les nouvelles ambitions du groupe : « Pour la distribution de presse worldwide, c’est-à-dire hors de France, nous constatons qu’elle
reste positive mais qu’elle décroît. Nous n’envisageons donc pas de mettre beaucoup d’argent dans le secteur. Pour le Travel Retail, au contraire, l’analyse est simple : nous allons faire
des efforts pour monter en puissance, à la fois en interne et en externe. Clairement nous souhaitons augmenter la part du Travel Retail, par exemple la "petite épicerie", par
rapport à la distribution de presse, avec la volonté d’accroître le nombre de magasins d’aéroports et le nombre de mètres carrés. »3. En septembre 2013, par exemple, Lagardère a investi dans
deux aéroports italiens, Rome Fiumicino et Venise. Mais il multiplie surtout les diversifications. En août 2009, il inaugurait deux nouvelles enseignes, Hubiz et Trib’s dans les réseaux
SNCF et RATP, combinant presse, assortiment de produits et restauration, puis il s’associait à Casino pour développer des boutiques à l’enseigne ‘Chez Jean’. Après avoir vu sa concession de
307 boutiques de gares pour dix ans par la SNCF renouvelée, il présentait une nouvelle offre dans ses boutiques Relay, où le voyageur pourra non seulement trouver presse, livre et petite
épicerie, mais aussi vente de billets de spectacle, vente et location de tablettes numériques, bornes de chargements de films et enfin, points de retrait de colis. En Allemagne, il
s’associait à Monceau Fleurs pour diversifier son offre dans ses boutiques, alors qu’en République tchèque, en Suisse ou en Hongrie, il développait de nouvelles offres avec le boulanger Paul
et, en Grande Bretagne, il s’associait à la marque de café Costa Coffee pour développer un service de consommation rapide de viennoiseries et de cafés. Lagardère Services est l’un des
principaux axes de développement du groupe. LE SPORT, NOUVEAU TERRAIN DE JEU L’adaptation de la stratégie de Lagardère et la diversification dans le sport et le divertissement sont une
réponse du groupe Lagardère aux faibles taux de croissance des chiffres d’affaires dans les filières de la culture et des médias. Le « sport-business » s’est imposé comme un nouveau secteur
économique à part entière ne pouvait pas échapper aux réflexions stratégiques de Lagardère. Marie-Pierre Busson, chercheur au Laboratoire d’étude sur les politiques publiques et la
mondialisation (LEPPM) au Québec, dans son étude Le sport, nouveau levier des relations internationales avance que « le milieu sportif – celui du football en particulier – devenu véritable
"sport-spectacle", voir même "sport-business", aurait lui aussi conquis de nouveaux espaces (…) Ces vingt dernières années, dans le sillage de la déréglementation et la
libéralisation des télécommunications et le foisonnement des méthodes de marketing, le mode d’exploitation du spectacle sportif aurait connu une mutation profonde. Cette transformation se
serait manifestée, notamment, par la mise en place de stratégies internationales destinées à maximiser les retombées financières (…) L’industrie du sport – par le succès de ses ligues
professionnelles – s’avère désormais une filière économique combinant les stratégies de commercialisation et de communication. Elle est devenue un terrain d’investissement privilégié pour
des groupes financiers de taille internationale. Batailles pour l’acquisition des droits télévisuels, affrontements commerciaux entre commanditaires et fournisseurs, conquêtes de marchés
émergents, le sport n’a pas échappé à la financiarisation du monde qui s’est accrue avec la libéralisation des échanges ». Toutefois, selon un analyste souhaitant garder l’anonymat, cité par
le magazine Challenges consacrant un dossier au groupe sous le titre « La vérité sur Lagardère » en avril 2010 : « Le prix payé à l’entrée est un peu élevé. Mais le procès selon lequel
Lagardère ne s’est lancé dans ce secteur que parce qu’il aime le sport paraît un peu court. » L’achat de Sportfive lui a coûté 859 millions d’euros ! La création de la nouvelle branche
répond à la volonté du groupe d’investir un champ économique qu’Arnaud Lagardère estime à 70 milliards d’euros dans le monde et qui présente des avantages face aux incertitudes
d’exploitation des produits culturels > La diversification dans le sport répond à la volonté du groupe > d’investir un champ économique qu’Arnaud Lagardère estime à > 70 milliards
d’euros : « Le sport est l’un des rares contenus qui ne soient pas soumis au piratage, puisqu’il s’appuie sur des retransmissions en direct. Et c’est l’un des quatre ou cinq contenus dans
lesquels nous avons une chance de devenir leader mondial rapidement (…). En fait, nous sommes dans la même situation que Lagardère Publishing il y a dix ans ». (Challenges, ibidem). L’état
de la filière au niveau mondial est un facteur favorable ; en dehors du leader, International Management Group (IMG) dont le chiffre d’affaires est de 1,5 milliard d’euros, et du deuxième
groupe, Infront (600 millions d’euros), le secteur est occupé par des entreprises plus modestes. Ce marché peu concentré et peu structuré, et dont les acteurs (fédérations sportives, clubs,
organisateurs d’événements) sont peu rompus au marketing et à la gestion des droits, a permis à Lagardère de racheter une dizaine de structures et de devenir le numéro 2 mondial en cinq ans.
Son objectif affirmé de devenir « leader mondial des droits sportifs et de leur diffusion » repose aussi sur l’examen de la situation de ses deux principaux concurrents : IMG et Infront,
désormais troisième groupe mondial, sont en effet passés sous le contrôle de fonds d’investissement (respectivement Fortsmann Little pour le premier et Bridgepoint pour le second), laissant
entrevoir leur mise sur le marché dans un avenir proche. Lagardère est très attentif. LAGARDÈRE UNLIMITED, FACTEUR DE CROISSANCE ? Le groupe Lagardère a beaucoup investi pour développer
Lagardère Unlimited dans les pays à fort pouvoir d’achat (États-Unis, Australie, Allemagne et Europe en général) et dans les pays émergents (en Asie notamment), une stratégie lui conférant
immédiatement une dimension internationale en devenant le deuxième groupe mondial de gestion de droits sportifs derrière IMG. Il a acquis des sociétés très différentes, spécialisées dans
tous les secteurs (la représentation de talents sportifs, la gestion d’académies sportives, le conseil en gestion et exploitation de stades et de salles multifonctionnelles, l’exploitation
et l’organisation d’événements, la gestion et la diffusion des médias, le marketing et le conseil). Lagardère Unlimited, créée autour du sport, s’est ouverte très vite à tous les talents
créatifs et artistiques. Aujourd’hui, cette branche a vocation à gérer les droits des personnalités et des artistes, mais aussi à gérer des salles de spectacles (Lagardère Unlimited a pris
le contrôle des Folies Bergère le 30 septembre 2011 et une participation de 20 % dans le Zénith de Paris le 5 avril 2011), et à créer des spectacles, notamment des spectacles musicaux comme
Dracula ou Salut les copains ; il a ainsi créé une filiale dénommée Lagardère Unlimited Live Entertainment (LULE) pour le spectacle vivant. Lagardère Unlimited est détenteur des droits de la
Coupe d’Afrique des nations (CAN). La diffusion de la compétition a connu un nouvel essor : elle a été relayée dans 141 pays et selon un communiqué publié par le groupe le 22 juillet 2013,
« la valorisation média de l'édition 2013 a en effet augmenté de 145 % par rapport à l'édition 2012 ». Mais cette compétition a surtout été l’occasion pour Lagardère d’expérimenter
une application préfigurant ce que seront à l’avenir les possibilités d’exploitation des événements sportifs: « Sportfive Afrique, son agence exclusive pour le marketing et les droits media
a imaginé aux côtés de Orange et Pepsi, sponsors officiels, la première application officielle de la compétition : CAN Orange, Afrique du Sud 2013, disponible gratuitement sur Google Play
et sur l'AppStore» (Communiqué du groupe). _Cérémonie de clôture de la Coupe d'Afrique des nations (février 2013)_ Cette plateforme a permis aux intéressés de retrouver dès minuit
les résumés vidéo des matches du jour, de regarder des compilations des plus beaux buts à la fin de chaque journée sur YouTube, d’être tenus informés par alertes automatiques de la
composition des équipes, de chaque but et du score des rencontres, de suivre l'actualité des équipes engagées, de consulter le calendrier et les résultats de toute la compétition, de
revoir des vidéos des deux précédentes compétitions, de découvrir les cinq stades, de dialoguer sur les réseaux sociaux, Twitter et Facebook et, enfin, de participer à un concours.La
détention des droits de la compétition a mis Lagardère Unlimited en position confortable pour négocier avec Google et Apple. Lagardère Unlimited se heurte néanmoins à des difficultés : les
grandes compétitions mondiales ont un calendrier cyclique et la nécessité d’être détenteur des droits de nombreuses compétitions et dans tous les continents est primordiale. En 2012, le
groupe a ainsi dû procéder à une dépréciation d’actifs en raison des résultats négatifs de Lagardère Unlimited. Les acteurs sportifs avaient l’habitude de signer des contrats avec les
prestataires reposant sur des minima garantis. Lagardère a dû honorer ces contrats qui lui ont valu de connaître quelques déboires ; à Turin, par exemple, Sportfive n’a pas trouvé la marque
donnant son nom au stade de la Juventus (activité de « naming ») ; en revanche, le contrat prévoyait le versement d’une somme d’environ 6 millions d’euros chaque année au club italien.
Quelques expériences malheureuses ont amené Lagardère à modifier sa stratégie économique et à négocier de nouveaux modes de valorisation. C’est ainsi que le groupe s’oriente vers les métiers
à commission (gestion de droits marketing et médias, représentation d’athlètes) et de courtage. Le contrat de World Sport Group (WSG) pour l’Asian Football Cup a été renégocié en contrat de
commission. Enfin, le groupe éprouve le besoin d’intégrer et de coordonner un ensemble disparate, formé par acquisitions successives. C’est ainsi qu’un ancien dirigeant d’IMG Consulting (où
il a passé 27 ans), Andy Pierce, a été nommé président-directeur général de la plateforme Amérique du Nord de Lagardère Unlimited, nouvellement créée. Le groupe entend ainsi rendre sa
nouvelle activité profitable et éviter de renouveler les dépréciations d’actifs comme en 2012. L'ENJEU CRUCIAL DE LA DISTRIBUTION DES CONTENUS La pertinence de la création d’une branche
sport et divertissement n’allait pas de soi pour les actionnaires de Lagardère. Celui-ci réaffirmait néanmoins sa stratégie en plaidant la complémentarité avec son activité dans les médias
: « En plaçant les médias au cœur de l'exploitation de l'image, Lagardère Unlimited offre aux athlètes et aux artistes une nouvelle façon de valoriser leur personnalité et de faire
évoluer leur carrière »4. Si Lagardère prend le contrôle de la fabrication des images et des droits sportifs et de spectacles vivants, les diffuseurs lui échappent ; en revanche ceux-ci
sont demandeurs de contenus. Lagardère a dû adapter son modèle économique : Julien Billot, directeur général Numérique et New Business de Lagardère Active (la branche médias du groupe) de
2006 à 2009 en a été le maître d’oeuvre : « Le bouleversement que vit l’industrie des contenus aujourd’hui trouve ses racines dans l’apparition des premiers terminaux nomades dans les années
1980-1990 (…) L’explosion de ces terminaux crée les conditions d’une révolution sans précédent dans l’univers des médias en révolutionnant durablement l’accès au contenu. En effet, le
terminal devient absolument central dans la chaine de distribution des contenus (…) Or, la bataille est déséquilibrée : le logiciel des terminaux est de plus en plus maîtrisé par des groupes
qui opèrent à l’échelle mondiale, constructeurs de terminaux comme Apple ou HP, fabricants de téléphones mobiles comme LG ou Nokia, vendeurs de logiciels comme Microsoft et demain
fournisseurs de services se rémunérant par la publicité comme Google à travers Android » (La Lettre de l’ARCEP, octobre 2008). Le groupe Lagardère, constatant que « l’accès au terminal et à
ses logiciels d’exploitation devient un élément critique pour les groupes de contenus » (La Lettre de l’ARCEP), > L’accès au terminal et à ses logiciels d’exploitation devient > un
élément critique pour les groupes de contenus. adapte sa stratégie dans la distribution de ses contenus s’assurant notamment du contrôle des droits télévisuels des grandes compétitions
sportives, mais aussi de l’image des sportifs de premier plan pour négocier avec les groupes contrôlant les terminaux. Autre secteur bénéficiant d’une attention toute particulière de la part
des dirigeants du groupe Lagardère, les maisons de production audiovisuelle qui, à défaut d’être un opérateur majeur de la diffusion, « sont identifiées clairement comme un axe de
développement, aussi bien pour les contenus de programmes de flux ou de stocks. Nous avons décidé d’investir et d’acheter particulièrement des startups. Nous allons donc accroître notre
périmètre, notamment en Europe. Pourquoi des startups ? Parce que les conditions de fourniture de programmes dépassent aujourd’hui le seul cadre des chaînes historiques ; nous devons penser
aux autre terminaux récemment apparus et nous devons être capables de faire des programmes spécifiques pour les ordinateurs, tablettes, téléphones, etc. » (Entretien avec Thierry
Funck-Brentano). La première manifestation de cette attention portée aux startups s’est concrétisée par un nouvel investissement du groupe Lagardère dans un fonds de capital-risque : « Dans
le cadre de sa politique d'innovation et de sa stratégie de développement des activités en croissance, le groupe Lagardère annonce un investissement pour un montant de 11 millions
d'euros dans un nouveau fonds de capital-risque lancé par Idinvest Partners. Avec plus de 4 milliards d'euros sous gestion, Idinvest Partners est aujourd'hui un des leaders en
Europe du financement et de l'investissement dans des sociétés en création ou en phase de lancement, dans le secteur du numérique et des nouvelles technologies (services Internet,
médias, mobiles, e-commerce, logiciels, etc.) (…) Ce partenariat assurera ainsi au groupe Lagardère une capacité de veille et d'anticipation sur les technologies, les usages et les
modèles économiques les plus innovants, permettant de nouer des accords avec des start-up et d'explorer de nouvelles opportunités dans ses métiers existants, mais aussi dans des
secteurs adjacents ou complémentaires. » (Communiqué du groupe, 24 octobre 2013). UN PROCESSUS DE MUTATION LOIN D'ÊTRE TERMINÉ Le processus de mutation du groupe Lagardère est loin
d’être terminé. Il marque très nettement un infléchissement vers une articulation entre les produits culturels (livre, magazines à forte notoriété déclinés sur Internet, production
audiovisuelle, etc.), considérés comme des produits d’appel, et des activités différentes et diversifiées, comme la vente de « petite épicerie » dans les zones de transport, l’organisation
d’événements sportifs et de divertissement retransmis en direct. Si l’activité historique – le livre – est préservée, trois secteurs sont en revanche considérés comme prioritaires dans les
nouvelles stratégies du groupe : le sport et le divertissement, la production audiovisuelle et le Travel Retail. Mais on remarque que si Lagardère annonce toujours vouloir se développer dans
le numérique, on ne décèle ni stratégie multimédia de groupe, ni rapprochement transversal entre ses quatre branches. DONNÉES CLÉS RÉFÉRENCES BOUQUILLION Philippe, et COMBES Yolande (sous
la direction de), _Les industries de la culture et de la communication en mutation_, L’Harmattan, 2007 MOEGLIN Pierre, « Des modèles socio-économiques en mutation », dans _Les industries de
la culture et de la communication en mutation_, L’Harmattan, 2007 BILLOT Julien, « Les terminaux au cœur de la chaîne de valeur des contenus », _La Lettre de l’ARCEP_, numéro 63,
septembre – octobre 2008 BOUQUILLION Philippe, « Concentration, financiarisation et relations entre les industries de la culture et les industries de la communication », _Revue française des
SIC_, 2012 MIEGE Bernard, « La concentration dans les industries de contenu », _Réseaux_, n° 13, janvier 2005 BUSSON Marie-Pierre, _Le sport, nouveau levier des relations internationales_,
Etude du Laboratoire sur les politiques publiques et la mondialisation (Québec), mai 2011 DIVIANI Morgane et BOULEGUE Alexandre, _Le groupe Lagardère_, Institut XERFI, juin 2011 BOUQUILLION
Philippe, « Web et industries de la culture et des médias du milieu des années 90 au milieu des années 2000 », document de travail, 2007 Lagardère SCA, Documents annuels SILBERT Nathalie, «
Lagardère et le sport, une diversification en péril », Les Echos, février 2012 * 1Entretien réalisé le 30 septembre 2013. * 2MOEGLIN Pierre, « Des modèles socio-économiques en mutation »,
dans Les industries de la culture et de la communication en mutation, L’Harmattan, 2007 , p. 162 * 3Entretien du 30 septembre 2013. * 4Plaquette de présentation des activités de Lagardère
Unlimited, 2011