
Le monde fête ses 70 ans : état des lieux
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À la fin de l’année 2010, le rachat du groupe par Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, fait entrer _Le Monde_ dans une nouvelle ère. Le capital de la holding de tête, Le Monde
Libre (LML), est détenu à 80 % par les trois actionnaires et à 20 % par le groupe espagnol Prisa ; LML détient ainsi 63,8 % du groupe Le Monde. Le Pôle d’indépendance, constitué par les
sociétés de personnels des différents titres du groupe et la Société des lecteurs du Monde, détient quant à lui 33,5 %, financés par un don de Pierre Bergé de 10 millions d’euros, aux côtés
de petits actionnaires historiques (Diego Della Valle). La Société éditrice du Monde (SEM) est la société opérationnelle qui contrôle les différents titres (_Le Monde, Courrier
International, Télérama, La Vie_, etc.), la régie publicitaire M-Publicité (résultant de la fusion des trois anciennes régies, Le Monde Publicité, I-Régie et Publicat), Le Monde interactif
(la SEM a acheté à Lagardère sa participation de 34 %) et Le Monde Imprimerie. À la suite de l’augmentation de capital, le groupe est désendetté et les actionnaires minoritaires, excepté le
Pôle d’indépendance, ont perdu toute influence. Un comité d’éthique et de déontologie présidé par Daniel Lebègue a été mis en place afin de rassurer la rédaction. Le conseil de surveillance
de la SEM est présidé par Pierre Bergé (avec le président du Pôle d’indépendance comme vice-président), le directoire est présidé par Louis Dreyfus, le véritable manager du groupe, auquel
est associé le directeur du quotidien. Ce dernier, nommé par le conseil de surveillance, est accepté par la Société des rédacteurs du Monde (SRM) lors d’un vote à la majorité qualifiée de 60
% minimum : en février 2011, Erik Izraelewicz, dont le décès le 27 novembre 2012 contraint Alain Frachon à assurer l’intérim, a obtenu 74 % des suffrages ; en mars 2013, Natalie Nougayrède
a recueilli 80 % des voix. Celle-ci ayant démissionné en mai 2014, c’est Gilles Van Kote, ancien président de la SRM, qui assure l’intérim. Comme l’ensemble de la presse, le journal _Le
Monde _et les autres publications du groupe sont confrontés à la révolution des usages numériques, qui amplifie une crise déjà ancienne. La chute des ventes (voir tableau) et l’érosion des
recettes publicitaires, passées de 97 millions d’euros en 2010 à 90 millions d’euros en 2013, se conjuguent pour rendre la situation tendue : ainsi, le chiffre d’affaires total du groupe est
tombé de 373 millions d’euros en 2010 à 339 millions d’euros en 2013, soit une baisse de 10 %, tandis que le résultat net atteint un déficit cumulé de 51 millions d’euros pour les années
2011, 2012 et 2013, ce qui conduira sans doute à une nouvelle recapitalisation. _DIFFUSION FRANCE PAYÉE DES TITRES DU GROUPE LE MONDE (SOURCE OJD)._ _DIFFUSION TOTALE DU QUOTIDIEN_ LE
MONDE_, INCLUANT LA DIFFUSION À L’ÉTRANGER (SOURCE OJD)._ Le résultat d’exploitation est certes approximativement à l’équilibre depuis trois ans, mais cette situation, largement anticipée
par les actionnaires et par Louis Dreyfus, contraint le groupe, et particulièrement son quotidien phare, à une restructuration de son modèle économique et de ses modèles rédactionnels. Il
fallait en effet agir sur tous les fronts. Pour limiter l’érosion des recettes publicitaires, le supplément magazine du vendredi a été repensé : sous la direction de Marie-Pierre
Lannelongue, _M, _le magazine du_ Monde_ est lancé en septembre 2011 pour remplacer _Le Monde magazine_, lui-même issu de l’ancien _Monde 2_. Le succès auprès des annonceurs est certain, de
même qu’auprès des lecteurs : les ventes du vendredi et du samedi matin dépassent de 10 % celles du reste de la semaine. Le chantier le plus important est la fusion des rédactions : 400
journalistes travaillent au _Monde_, au Monde.fr et au magazine _M_. Il ne doit plus y avoir de journalistes print ou web, mais seulement des journalistes qui produisent de l’information
pour tous les supports. Un système éditorial commun a été mis en place en octobre 2014. C’est sur cette fusion des rédactions, les inévitables changements d’affectation qui l’accompagnent et
les difficultés de certains à les accepter, que Natalie Nougayrède a chuté. Parallèlement, un projet de rapprochement de toutes les fonctions administratives du groupe et la fermeture de
l’imprimerie d’Ivry, programmée pour 2015, doivent permettre d’externaliser et de réduire les coûts, à l’image de ce que les groupes de quotidiens britanniques ont pratiqué dès la fin des
années 1990. La mutation numérique et la monétisation des lecteurs sont évidemment les défis les plus complexes à relever. > La monétisation des lecteurs est le défi le plus complexe à
> relever À la différence des titres qui dépendent de la vente au numéro et sont victimes de la déliquescence du réseau de diffuseurs, le quotidien part sur des bases saines : un
portefeuille d’abonnés individuels conséquent, 130 000 en 2010, dont une part importante peut être convertie en abonnés numériques. En octobre 2014, le total des abonnés du _Monde _dépasse
150 000, dont plus de 50 000 « purs numériques ». _Canaux de la diffusion payée en France du quotidien _LE MONDE_ (source OJD)_ La mise en place précoce d’un _paywall_ et la prospection
ancienne des abonnés font espérer que le journal puisse suivre les traces du _Financial Times _ou du _New York Times _: convertir les lecteurs fidèles en abonnés numériques. Toutefois, la
filiale numérique n’a fait que 24 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013 (contre 17 en 2010), ce qui représente à peine 15 % du chiffre d’affaires global de la marque. Si le
Huffington Post, dont la SEM détient 34 % du capital, est un beau résultat en termes d’image, il est loin de proposer une force d’appoint : en 2013, il a perdu 0,5 million d’euros, soit la
moitié de son chiffre d’affaires. Au total, l’audience globale du _Monde _s’accroît, notamment grâce à _M_, particulièrement sur les publics féminins et sur les lecteurs « affaires et cadres
» (Source Audipresse One 2014). L’audience du site est aux premiers rangs des classements, l’application pour mobiles est à la première place et le quotidien cultive sa présence sur les
réseaux sociaux, parce que c’est là que se trouvent les gisements potentiels de lecteurs. En outre, les actionnaires de la holding LML continuent de fédérer autour du groupe. En avril 2014,
LML signe un protocole d’accord avec Claude Perdriel pour la cession du _Nouvel Observateur_, de ses suppléments gratuits et des sites Internet nouvelobs.com et rue89.com. En octobre 2014,
les actionnaires décident de la construction d’un nouveau siège social, avenue Pierre Mendès-France à proximité de la gare d'Austerlitz. L’emménagement est prévu au premier semestre
2017 et permettra de regrouper tous les titres du groupe, y compris _L’Obs_. À 70 ans, _Le Monde _est paré pour de nouvelles aventures. -- Crédit photo : Didier Allard / INA