
Les jeux vidéo en ligne, indissociables de la culture sud-coréenne
- Select a language for the TTS:
- French Female
- French Male
- French Canadian Female
- French Canadian Male
- Language selected: (auto detect) - FR
Play all audios:

Un tiers de la population en Corée du Sud joue régulièrement aux jeux en ligne. Des PC bangs à chaque coin de rue dans ce pays où le jeu vidéo est devenu à la fois un sport de haut niveau
(e-sport) et une question de santé publique. Jennifer Rousse-Marquet Publié le 07 juin 2013 Des joueurs adulés par des milliers de fans, un gouvernement qui fait activement la promotion de
l’industrie des jeux, des ligues de joueurs professionnels sponsorisées par de grands comptes, des chaines de TV dédiées 24H/24 aux jeux, des centaines de milliers de personnes se réunissant
dans des stades pour assister à la retransmission de compétitions... Cela paraît improbable? Pourtant c’est exactement ce qu’il se passe en Corée du Sud, la « Mecque » du jeu en ligne.
D’après le Samsung Economic Research Institute, il y a environ 17 millions de joueurs en Corée, ce qui signifie qu’un tiers de la population joue régulièrement à des jeux1. Lorsque l’on
regarde la répartition du marché sud-coréen des jeux vidéo tous secteurs confondus (jeux en ligne, jeux mobiles, jeux sur consoles, jeux d’arcades, salles d’arcades, cybercafés), il est
frappant de constater que les jeux en ligne représentent 70,8 % des ventes. Alors que le marché global du pays est estimé à 8,80 trillions de wons en 2011 (environ 6,2 milliards d’euros),
les ventes de jeux en ligne s’élèvent à 6,23 trillions de wons (soit environ 4,4 milliards d’euros). À la seconde place, on trouve le marché des cybercafés locaux – les PC bangs – avec 19,5
% de part de marché. Les jeux vidéo sur consoles sont loin derrière, avec seulement une part de marché de 3 %, ce qui représente autour de 268 millions de wons (environ 183 000 euros).
D’après la Korea Culture and Content Agency (KOCCA), la Corée du Sud génère à elle seule 25,9 % du chiffre d'affaires de l'industrie mondiale des jeux en ligne, ce qui la place en
deuxième position, juste derrière la Chine (30,4 %). Comment le marché sud-coréen des jeux en ligne est-il devenu l’un des plus dynamiques au monde ? Que sont les « PC bangs », et en quoi la
multiplication de ces structures peut-elle être reliée au développement du marché des jeux en ligne en Corée ? Comment le jeu est-il devenu une activité comme une autre, pouvant déboucher
sur une potentielle carrière ? LES PRÉMICES DU MARCHÉ DES JEUX EN CORÉE Les jeux sur consoles constituent généralement une part significative du secteur des jeux vidéo2 – ce n’est pourtant
pas le cas en Corée, ou aucune autre plateforme ne peut rivaliser avec les jeux en ligne. Comment expliquer cette spécificité du marché ? Outre certains aspects culturels, trois évènements
historiques en particulier ont joué un rôle décisif dans le développement du marché des jeux en ligne: l’occupation japonaise, le rapide développement des infrastructures IT soutenu par le
gouvernement, et la crise financière asiatique de 1997. Après la Seconde Guerre mondiale et après plus de 30 ans de domination japonaise, les produits culturels japonais – dont les
populaires consoles de jeux de Sony, Nintendo et Sega – ont été interdits en Corée jusqu’en 1998. En plus de ce protectionnisme, le sentiment négatif à l’égard du pays et de ses produits est
resté vivace pendant de nombreuses années. C’est l’un des facteurs permettant d’expliquer que les jeux sur consoles ne soient pas devenus aussi populaires en Corée que dans les autres pays.
D’autre part, dès 1994, le gouvernement sud-coréen a décidé d’investir considérablement dans le développement des infrastructures de télécommunications. Cela a permis au pays de se doter
d’une infrastructure développée de câbles sous-marins et de satellites, ainsi que de ressources Internet solides. Au sortir de la crise de 1997, les nouvelles technologies de
l'information et des télécommunications sont plébiscitées comme « nouveau moteur de croissance » par le gouvernement sud-coréen... C’est l’une des raisons pour lesquelles le pays est
maintenant doté des connexions Internet les plus rapides au monde – ce qui a très probablement joué un rôle prépondérant dans le développement des jeux en ligne. Deux jeux en particulier ont
complètement modifié la structure du marché sud-coréen des jeux : _NEXUS: The Kingdom of the Winds_ et _Starcraft_. Avant 1996, le marché local était principalement concentré sur les jeux
d’arcades. Avec la prolifération des copies illégales, les jeux sur PC étaient délaissés car jugés peu rentables. La sortie en 1996 du premier jeu graphique en ligne au monde, _NEXUS: The
Kingdom of the Winds_, développé par l'entreprise Nexon, a permis de répondre à la fois aux problèmes de rentabilité du secteur et de protection des droits. S’inspirant d’une bande
dessinée historique, ce jeu est l’un des tout premiers jeux de rôles en ligne massivement multi-joueurs – plus communément appelés MMORPG3. Les MMORPG nécessitent que les joueurs se
connectent à un serveur –, ce qui permet de contourner le problème des copies illégales. D’autre part, _The Kingdom of the Winds_ est basé sur un principe d’abonnement : les utilisateurs
paient un forfait mensuel pour pouvoir profiter du jeu. LA RÉVOLUTION STARCRAFT Il n’est pas possible d’évoquer le marché sud-coréen des jeux sans mentionner _Starcraft_, un jeu de stratégie
en temps réel ou RTS4 de Blizzard Entertainment. Ce jeu est souvent considéré comme ayant révolutionné le genre. Lors de sa sortie en 1998, le jeu s’est retrouvé en tête des ventes de jeux
PC. C’est toujours actuellement l’un des jeux vidéo sur PC les mieux vendus dans le monde. Dix ans après sa sortie, le nombre total d’exemplaires vendus était estimé à 9,5 millions, dont 4,5
millions en Corée du Sud. De plus, bien que le cycle de vie d’un jeu soit généralement d’environ un an, _Starcraft_ est toujours extrêmement populaire en Corée. Plusieurs raisons sont
avancées pour expliquer l’impressionnante popularité de ce jeu. _Starcraft_ est un jeu de stratégie militaire, dans lequel trois races s’affrontent pour la domination d’une planète
lointaine. Les joueurs peuvent décider de contrôler l’une de ces trois espèces, appelées les Terrans, les Zergs et les Protoss. Élément très apprécié par les joueurs : bien que les Terrans,
les Zergs ou les Protoss aient leurs propres caractéristiques et que les styles de jeux soient différents selon que l’on choisisse l’une ou l’autre des espèces, leurs performances sont
toutefois équilibrées. _Starcraft 2 _ Les aspects graphiques et audios ainsi que les angles de vue, inhabituels pour l’époque, ont été également grandement appréciés des joueurs. Mais c’est
surtout Battle.net, le service de Blizzard pour participer à des tournois en ligne qui a permis à _Starcraft_ de se différencier des autres RTS sortis à la même période. Contrairement aux
autres jeux en ligne, grâce à Battle.net, aucune interface extérieure n'est nécessaire pour effectuer des tournois. Battle.net propose un classement des joueurs ainsi qu'une
fonction permettant de trouver d'autres joueurs au niveau équivalent au sien. LES PC BANGS Parallèlement, la popularité des « PC bangs »5, qu’on pourrait qualifier de cybercafés locaux,
n’a cessé de croître. Ceux-ci ont massivement contribué à la croissance du marché des jeux en ligne en Corée du Sud. Le terme « bangs » signifie « pièces » en coréen, les PC bangs sont donc
des cafés Internet où les gens se rendent surtout pour jouer à des jeux en ligne, et discuter via des chats. On y trouve des PC haute performance dotés d’un accès Internet rapide, sur
lesquels sont installés les jeux les plus populaires. La plupart des PC bangs sont ouverts 24 h /24 et sont généralement situés en sous-sol ou à l’étage6. L’accès Internet par heure est
facturé entre 500 et 2400 wons (soit environ entre 40 cents et 2 dollars). La popularité grandissante des jeux en ligne est étroitement liée à la prolifération des PC bangs. Même si ces
structures existaient déjà avant la sortie de Starcraft, leur nombre a augmenté significativement à partir de 1998. Il est de nos jours difficile de les éviter en Corée. L’émergence des PC
bangs dans le pays est une conséquence directe de la crise financière asiatique de 1997, après laquelle de nombreux cadres moyens se sont retrouvés sans emploi. Si certains se sont dirigés
vers les start-up Internet, d’autres ont décidé de créer leur entreprise. Les PC bangs étaient nés. Leur modèle s’est avéré rentable pour les entrepreneurs : une fois effectué
l’investissement initial pour acheter le matériel dernier cri et les jeux en ligne, peu de maintenance est nécessaire au quotidien. Les jeux les plus populaires sont généralement installés
sur la totalité des PC bangs, ce qui implique l’achat et l’installation par les gérants de copies légales pour chacune de leur machine. C’est la raison pour laquelle les PC bangs ont
constitué jusqu’en 2011 la majeure partie des revenus des éditeurs de jeux. Par ailleurs, de nombreux jeux comme _Starcraft_, nécessitent que les utilisateurs paient un abonnement mensuel en
plus de l’achat du software. En jouant dans les PC bangs, les utilisateurs auraient donc eu à payer en plus du coût horaire du PC bang. Un partenariat a ainsi été établi entre les PC bangs
et les éditeurs de jeux, et un nouveau système de tarification a été mis en place : la facturation IP (ou IP pricing). Sur ce principe, les éditeurs de jeux ne facturent aux gérants des PC
bangs qu’un coût proportionnel au nombre d’IP fixes, et les joueurs n’ont pas à payer l’abonnement aux jeux. Lorsque plus tard la vente de biens virtuels a été introduite dans les jeux, les
utilisateurs qui se connectaient via un PC bang pouvaient obtenir des biens ou des bonus spéciaux. Le jeu en ligne a rapidement pris des proportions surprenantes en Corée, ce qui a d’autant
plus favorisé l’augmentation de nombre de PC bangs dans le pays. Lorsque Starcraft est sorti en 1998, la plupart des foyers n’avait pas accès à une connexion Internet haut débit ou à des
ordinateurs présentant des performances suffisantes pour jouer à des jeux élaborés. Les PC bangs se sont naturellement imposés comme un cadre de choix pour les joueurs. De façon plus
surprenante, lorsque le haut-débit a plus tard fait son entrée dans la majorité des foyers coréens, le nombre des PC bangs n’a pas chuté. Tout simplement parce que, pour les Coréens, jouer
en ligne est une activité sociale. Alors qu’en Occident les jeux vidéo en ligne sont généralement considérés comme des activités solitaires, les Coréens apprécient justement le fait de
pouvoir jouer dans la même pièce que d’autres joueurs : c’est une activité sociale comme une autre, au même titre qu’aller partager un verre avec ses amis. On y amène sa petite amie, on y
fixe des rendez-vous avec ses copains… En Corée, les PC bangs sont considérés comme des « _third places_ », c’est-à-dire un endroit où l'on passe autant de temps qu’au travail ou qu’à
la maison. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES JEUX EN LIGNE Dans la lignée de _Starcraft_, d’autres jeux en ligne ont atteint plusieurs millions d’utilisateurs, comme _Lineage_ or _MapleStory_.
Développé par NCSoft, _Lineage_ est un MMORPG sorti en 1998, qui se passe dans un monde médiéval fantastique. _Lineage_ a pour particularité que pour progresser dans le jeu les joueurs
doivent collaborer. Faire évoluer son personnage prend également beaucoup de temps. _MapleStory_ est un autre MMORPG populaire, sorti en 2005 et développé par la société coréenne Wizet. Ce
jeu en 2D est particulièrement apprécié des femmes. Contrairement à _Lineage_, _MapleStory_ est un jeu gratuit, mais des éléments virtuels sont proposés à l’achat – pour améliorer les
performances ou l’apparence de son personnage par exemple. D’après Nexon, ce jeu comptabilisait 39 millions d’abonnés dans le monde en 20067. Parmi les autres jeux en ligne particulièrement
apprécié des gamers, on peut également citer le jeu de course de voitures _Kart Rider_ de Nexon, sorti en Corée en 2004, et _Ragnarok Online_, un MMORPG de la société coréenne Gravity, sorti
en 2002. Le modèle économique de Kart Rider est similaire à celui de _MapleStory_ : des éléments virtuels peuvent être achetés en ligne, comme différents types de véhicules ou des peintures
en spray. D’après la page Facebook de _Kart Rider_ plus de 30 % des Sud-Coréens ont joué au moins une fois dans leur vie à _Kart Rider_. Ce jeu comptabilise le nombre impressionnant de 230
millions d’utilisateurs dans le monde. Le nombre d’utilisateurs de _Ragnarok Online_ est estimé à 50 millions d’abonnés dans le monde. À partir de 1998, le marché coréen des jeux en ligne
s’est rapidement développé : de 16 millions de dollars de ventes en 1999, ce nombre est passé à 171 millions de dollars en 2000 puis à 263 millions de dollars en 2001. _Vente des jeux en
ligne en Corée du Sud, en millions de dollars_ Mis à part les spécificités liées à l’histoire de la Corée, des facteurs socioculturels peuvent également expliquer cet engouement du pays pour
les jeux en ligne. Tout d’abord, les gamers coréens sont considérés comme les meilleurs au monde, en particulier lorsqu’il s’agit de jeux d’équipe. Contrairement aux joueurs américains par
exemple, qui sont très individualistes et ont du mal à occuper des rôles de subalternes, les joueurs coréens n’ont aucun problème à occuper des rôles mineurs dans une équipe. De plus,
certains des jeux les plus populaires sont basés sur des bandes dessinées coréennes. C’est le cas par exemple de _Lineage_ ou _Ragnarok_. Enfin, le pays est obsédé par les études : la Corée
occupe la deuxième place parmi les pays de l’OCDE en termes de pourcentage du PIB dépensé pour l’éducation8. Dès leur plus jeune âge, les écoliers se doivent d’étudier la journée puis en
cours du soir pour intégrer les meilleurs universités. Ils travaillent donc généralement sur des ordinateurs performants. L’INDUSTRIE DE L’E-SPORT _Starcraft_ fut le point de départ de la
passion sud-coréenne pour les jeux en ligne, à tel point que des ligues professionnelles ont vu le jour, qui sont ensuite devenues des équipes de joueurs professionnels sponsorisées par des
grands groupes, donnant naissance à une nouvelle industrie : l’industrie de l’e-sport, le sport électronique. En 2000, l’association coréenne des joueurs d’e-sport, la KeSPA (Korean e-Sports
Players Association), a été lancée avec l’accord du ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme. Le terme « e-sport » désigne la pratique régulière d’un jeu multi-joueurs via un PC
ou une console. L’ e-sport englobent les niveaux amateurs, semi-professionnels et professionnels et divers genre de jeux vidéo comme les RTS (_Starcraft 2, League of Legends_), les jeux de
combat, les jeux de tirs en vue subjective – ou FPS pour _First Person Shooter_ – (comme _Call of Duty_ or _Counter-Strike_), les MMORPG (_Starcraft_), les jeux de courses et les jeux sur
consoles (tels que _Guitar Hero_, _Halo 3_, ou _Super Street Fighter IV_). Tout comme n’importe quel évènement sportif, les tournois professionnels se disputent en direct dans des stades
devant plusieurs milliers de spectateurs, et peuvent même être commentés en temps réel. Ainsi, en 2005, 120 000 spectateurs ont assisté à la diffusion en temps réel de la finale du tournoi
SKY Pro League final à Busan, Corée du Sud. Avec la popularité grandissante des jeux en ligne à la fin des années 1990, de petites compétitions ont commencé à être organisées par des sites
Internet. Par la suite, de grandes sociétés comme Samsung, LG, ou l’opérateur local SK Telecom, séduites par les potentielles retombées financières de l’industrie des jeux se sont impliquées
dans le sponsoring des tournois. Des chaînes de télévision dédiées aux jeux ont vu le jour – telles que OnGameNet ou MBC Game – tout comme une large gamme de magazines dédiés aux jeux. En
Corée, on peut même trouver des écoles spécialisées dans l’e-sport ! La taille des compétitions d’e-sport a progressivement augmenté, et les premiers « Jeux olympiques » dédiés aux jeux
vidéo ont été lancés dès 2000 en Corée : les World Cyber Games. La première édition de ces jeux a attiré 17 pays. _Les World Cyber Games de 2008_ Les World Cyber Games sont organisés une
fois par an, et sont encore actuellement la plus grande compétition au monde de sport électronique. De nombreux autres tournois de tailles diverses existent, et si la catégorie principale de
ces tournois est généralement Starcraft, certaines équipes se spécialisent dans les jeux FPS comme _Counterstrike _et _Special Force_. LES JOUEURS PROFESSIONNELS : LE JEU VIDÉO COMME
CARRIÈRE De 2000 à 2008, le nombre officiel de joueurs professionnels a augmenté de 16,3 % par an. Des joueurs étrangers ont même déménagé en Corée pour vivre de leur passion et intégrer des
équipes coréennes de joueurs pros. C’est le cas notamment des joueurs de _Starcraft_ Grrr… (le Canadien Guillaume Patry) ou d’IdrA (l’Américain Greg Fields). Il y a actuellement 10 ligues
de joueurs professionnels en Corée. Ceux-ci ont généralement entre 15 et 30 ans, et leur salaire annuel avoisine les 20 000 dollars. Cependant, le salaire des plus grands joueurs pros peut
dépasser les 400 000 dollars annuels. À ceci s’ajoutent les prix remportés lors des diverses compétitions, ainsi que d’autres sources plus modestes de revenus telles que les évènements
corporate, la publicité ou la participation à des programmes télévisés. LIM Yo-Hwan, (plus connu sous le pseudonyme de SlayerS_`BoxeR`), surnommé « L’Empereur Terran »9 est probablement le
joueur professionnel de _Starcraft_ le plus connu au monde. Il est aussi l’un des joueurs pros les mieux payés (son salaire annuel avoisine les 500 000 dollars). Une compilation de DVD
comprenant ses meilleurs tournois est même disponible. En 2007, lors de son service militaire10, il a notamment participé à la création de la première équipe militaire professionnelle,
l’équipe de l’Air Force11. Afin de vaincre leurs ennemis, les joueurs doivent effectuer un maximum d’actions (telles que bâtir une structure, entraîner une unité…) le plus rapidement
possible. Il est par conséquent essentiel d’avoir de bons réflexes. Afin de mesurer les performances d’un joueur, on s’intéresse à son « APM » (nombre d’actions par minute). Si l’APM d’un
joueur expérimenté atteint généralement 75, celui des joueurs professionnels peut osciller entre 200 et 400. _Démonstration d'APM_ Si la perspective de passer sa journée à jouer et
d’être payé pour cela peut paraître séduisante, les joueurs professionnels subissent une pression énorme. Ils se doivent de suivre un emploi du temps très strict, et sont généralement
complément isolés du monde extérieur. L’entraînement étant primordial, les joueurs vivent dans des sortes de camps d’entraînement (chaque équipe professionnel a son camp) où ils passent 10
heures par jour minimum à jouer, 6 jours par semaine. De plus, outre de fréquents exercices pour leurs doigts, les entraînements des joueurs incluent un peu d’activité physique et une
analyse de la stratégie des adversaires en regardant les vidéos des précédentes compétitions. Entretenir l’esprit d’équipe est essentiel, ce qui explique que les joueurs d’une même équipe
vivent tous ensemble, et sont généralement supervisés par des coaches qui sont eux-mêmes d’anciens joueurs professionnels à la retraite. L’industrie de l’e-sport a cependant été affaiblie
dernièrement par plusieurs évènements : dissolution de 3 équipes professionnelles en 2011 (MBC, Hwaseung OZ and Wemade FOX), arrêt de la chaîne MBC Game, scandales concernant des tournois
arrangés. En réaction, le gouvernement a lancé en 2011 le « Mid- and Long-Term (2010~2014) Plan for e-Sports » et la loi de promotion de l’industrie de l’e-sport. Le gouvernement sud-coréen
est particulièrement impliqué dans le développement et la promotion de l’industrie des jeux : plans quinquennaux, régulations favorisant ce secteur d’activités, investissements
significatifs… Des agences gouvernementales ont même éte créées, comme la KOGIA (Korea Game Industry Agency, fondée en 1999 sous le nom de Game Creation Support Center) et la KOCCA (Korea
Culture and Content Agency, fondée en 2001. Les missions de la KOGIA incluent la promotion de l’industrie des jeux et de l’e-sport, l’aide aux PME du secteur, la promotion de développement
des technologies liées à ce marché, la rédaction de rapports et de sondages, ainsi que la mise en place de programme d’incubation de PME innovantes. La KOCCA pour sa part est en charge de la
promotion des jeux à l’international. LES DROGUÉS DES JEUX La Corée du Sud est vraiment passionnée, voire obsédée, par les jeux en ligne. Ces dernières années, le pays a dû faire face à un
nombre croissant de drogués des jeux, dont le nombre est estimé à 2 millions. Certains joueurs peuvent passer des journées entières devant leurs écrans, oubliant le temps qui passe. Aspirés
par l’univers virtuel, ils en oublient de se nourrir, ratent les cours ou ne vont plus travailler. Quelques années plus tard, en 2005, un homme de 28 ans est mort après avoir joué pendant 50
heures consécutives. En 2009, un couple de Suwon a été reconnu coupable d’avoir laissé leur bébé de trois mois mourir de faim. Ceux-ci étaient trop occupés à élever leur « enfant virtuel »,
12 heures par jour sur le jeu « Prius Online ». En 2011, un homme de 21 ans a été retrouvé mort dans son appartement à Inchon. Il passait ses journées entières à jouer, dormait rarement et
ne quittait pratiquement pas sa chambre. En 2010, deux sondages menés par la Seoul’s National Information Society Agency et le ministère de l’Égalité des sexes et de la Famille ont mis en
lumière le fait que plus d’un adolescent sur dix a de fortes chances de développer une addiction aux jeux, et qu’un sur 20 était déjà un drogué des jeux. _ Dans un PC bang _ Afin de protéger
les enfants et de réduire l’addiction aux jeux, le _shutdown system_ et le _selective shutdown system_ ont été introduits. Le shutdown system est une régulation proposée par le ministère de
l’Égalité des sexes et de la Famille qui interdit aux enfants de moins de 16 ans de jouer à des jeux en ligne entre minuit et 6 heures du matin. Plus récemment, le selective shutdown system
ou gaming time selection system a également été proposé. Ce système permet de contrôler le temps de jeux des enfants de moins de 18 ans. Avec ce système, les parents pourraient par exemple
décider de la fréquence à laquelle leurs enfants peuvent jouer : 2 heures par jour, 3 fois par semaine... Au-delà de cette limite, l’accès au jeu ne serait plus possible. Enfin, les jeux sur
PC doivent être notés par l’organisme officiel, le Game Rating Board (GRB), avant leur mise sur le marché. Il existe quatre catégories: tout public, 12 ans et plus, 15 ans et plus, 18 et
plus. Les jeux violents, obscènes ou à caractère explicite, ainsi que les jeux décrivant un conflit armé entre les deux Corée sont interdits. CONCLUSION D’après la KOCCA, le marché
sud-coréen des jeux vidéo, toutes plateformes confondues, a enregistré une hausse de 18,5 % en 2011. Les revenus liés à la vente de jeux mobiles ont notamment augmenté de 33,8 %. Pour le
moment, les jeux mobiles ne réprésentent que 4,8 % de parts de marché, mais l’engouement pour les terminaux mobiles devrait faire augmenter ce chiffre dans les années à venir. Pour l’heure,
Nexon, NCSoft, Neowiz, NHN, CJ E&M12, les plus grandes sociétés de jeux en ligne, se concentrent sur le renforcement de leur présence à l’international. Mais certaines d’entre elles ont
d’ores et déjà décidé de se lancer sur les jeux mobiles – comme par exemple NHN qui a récemment pris la décision de séparer ses activités jeux mobiles de sa division jeux. Les jeux sociaux
deviennent également de plus en plus populaires, comme le reflète le récent succès de Kakao Games, la plateforme de jeux de l’application de messagerie mobile préférée des coréens :
KakaoTalk. Kakao Games a enregistré des revenus de près de 51,6 millions de dollars depuis son lancement en juin 2012, ce qui laisse présager une croissance exceptionnelle du segment des
jeux mobiles. Par conséquent, avec la pénétration toujours plus grande des smartphones et l’introduction de la 4G LTE, il sera intéressant d’observer ce qu’il va advenir du marché des jeux
en Corée : les jeux mobiles vont-ils finir par dépasser les indétrônables jeux en ligne, ou les joueurs resteront-ils fidèles leur première passion ? DONNÉES CLÉS Principaux éditeurs de jeux
sud-coréens : NC Soft, Nexon, Neowiz, Softmax Principaux éditeurs de jeux mobiles : Gamevil, Com2us, Theapps, KakaoTalk Portails de jeux : NHN, CJ Internet, Neowiz… Principaux développeurs
de jeux : NC Soft, Nexon, Barunson, Gamevil, Com2us, WeMade Entertainment Chaîne câblée spécialisée dans les jeux : Ongamenet Télé sur Internet dédiée aux jeux : GomTV, PandoraTV Portails
Internet : Naver, Daum RÉFÉRENCES Nevena VRATONJIC, Zarko MILOSEVIC, Aleksandar DRAGOJEVIC, _Video Games in South Korea_, École Polytechnique Fédérale de Lausanne, 2006-2007 Dal Yong Jin,
Florence CHEE - KDB Daewoo Securities, _Games and Culture – Age of New Media Empires : A Critical Interpretation of the Korean Online Game Industry_, Sage Publications, 2008 Jun-Sok Huhh ,
_PC bangs Inc.: the culture and business of PC bangs in Korea_, 2007 Korea Game Industry Agency, _The Rise of Korean Games, Guide to Korean Game Industry and Culture_, 2007. * 1Tous secteurs
confondus : jeux en ligne, jeux mobiles, jeux sur consoles, jeux d’arcades. * 2Dernièrement, les jeux mobiles commencent également à prendre de l’ampleur. * 3Pour : « Massively Multiplayer
Online Role-Playing Game ». * 4De l’anglais « Real-Time Strategy ». * 5PC?en coréen. * 6Le coût du loyer au rez-de-chaussée est généralement trop élevé. * 7MapleStory a été développé par le
studio Wizet, et Nexon est en charge de l’exploitation du jeu. * 87,6 % du PIB est dépensé pour l’éducation, la moyenne de l’OCDE est de 5,9 %. * 9Du nom de l’espèce de Starcraft qu’il
incarne dans le jeu. * 10En Corée, les hommes doivent effectuer deux années de service militaire obligatoire. * 11L’ACE. * 12En juin 2012 les sociétés Nexon et NCSoft ont fusionné.