
Les médias audiovisuels peuvent-ils se passer du cloud?
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La question pourrait sembler provocante. Pourtant, il suffit d’observer les mutations profondes que les techniques audiovisuelles traversent pour comprendre que ce sujet n’est pas anodin.
Christophe Martin-de Montagu Publié le 10 novembre 2016 Le Cloud Computing, autorise le calcul et la gestion de données à distance, via un réseau informatique (Internet par exemple). L’idée
force consiste à envisager les investissements importants en serveurs de médias, applications logicielles et archivage de plus ou moins longue durée, sous l’angle de la délocalisation sous
forme de virtualisation. Le Cloud représente donc, pour les entreprises audiovisuelles, une opportunité de changer de paradigme en procédant à une refonte complète de leur architecture
informatique audiovisuelle. Le recours au Cloud implique de travailler dans un environnement sécurisé et garantissant une parfaite maîtrise des flux audiovisuels. Nous distinguerons à cet
égard les offres dites « grand public » des offres « professionnelles » qui n’impliquent pas les mêmes niveaux de transcodage, de gestion de flux et de sécurisation des données, bien que
pour ce dernier sujet, le chiffrement offre déjà à l’usager lambda une certaine garantie. On note aussi une confusion possible dans la terminologie car ce terme Cloud recouvre plusieurs
réalités. Un particulier utilisera essentiellement le Cloud pour transférer des données personnelles ou les sauvegarder afin de les retrouver sur l’ensemble de ses outils de lecture
(smartphone, tablette, ordinateur), qu’il pourra étendre à la zone du foyer par exemple. Le professionnel indépendant sera intéressé par le transfert à un tiers (via Dropbox, WeTransfer,
Infinit…) d’un volume de données important (dossiers, médias etc.) qui dépasse la capacité de pièces jointes d’un email. Enfin, l’entreprise cherchera à bénéficier de services de production
et/ou de gestion, lui évitant ainsi un investissement massif et le suivi des versions des applications concernées. Ce sera le recours aux SaaS, par exemple. En ce qui concerne les
entreprises audiovisuelles, la question du cloud se pose à trois niveaux. POURQUOI UTILISER LE CLOUD EN CAPTATION ? Cette question nous renvoie potentiellement à celle de la Remote
Production, appelée aussi IP Live production quand il s’agit de captation d’événements sportifs, grands meetings ou manifestations artistiques. Puisqu’une partie des outils sera connectée en
IP, il n’y a qu’un pas, franchi allègrement par nombre de sociétés, pour utiliser des ressources totalement délocalisées – il n’y a qu’à voir la raréfaction et l’évolution des cars régies.
En effet, dès lors que le réseau est sollicité pour acheminer des flux, pourquoi ne pas en profiter pour modifier l’architecture audiovisuelle telle que nous la connaissons ? Autrement dit,
le cloud rend caduque la contrainte de localisation de la chaîne audiovisuelle au même endroit. Une solution pourtant fiable consiste à louer un tronçon de fibre haut-débit auprès d’un
opérateur et de maintenir la gestion des flux via un réseau terrestre, comme nous avons pu l’apprécier, lors du dernier IBC, sur le stand du constructeur Sony qui, pour la circonstance,
avait installé une régie complète en relation avec un des studios de la société Euromedia, situé à plusieurs dizaines de kilomètres d’Amsterdam. Une autre solution peut consister à passer
par voie satellitaire mais toujours dans cet esprit point à point. Enfin, nous pouvons imaginer le cas d’une société présente sur plusieurs continents et qui va travailler avec un stockage
en partie centralisé et une suite d’applications à partager avec ses filiales qui auront à tourner des sujets en « local ». Le Cloud sera potentiellement au centre des préoccupations de
cette entreprise. L'INTÉRÊT DU CLOUD EN PRODUCTION Les modes PaaS, pour Plateform as a Service, et IaaS, permettent aux entreprises audiovisuelles d’évacuer pour partie la question de
l’investissement massif en infrastructure serveurs. Si le fournisseur assume la gestion et la maintenance des machines physiques, des systèmes d’exploitation et des gestionnaires de bases de
données, charge au client de maintenir l’ensemble des applications dont il aura besoin pour ses productions (sauf à ce qu’il décide de recourir au SaaS). D’un certain point de vue, cela
nous renvoie à la taille de l’entreprise audiovisuelle. Une toute petite télévision locale n’aura pas nécessairement de gros besoins de stockage et pourra investir a minima dans des outils
de base. L’entreprise intermédiaire pourrait être tentée par les formules PaaS et/ou IaaS, évitant ainsi de risquer des investissements plus lourds et à maintenir. Enfin, la grande
entreprise audiovisuelle peut souhaiter conserver son indépendance et garantir elle-même son outil de production. D’un côté, nous constatons que le coût de revient du stockage est en baisse
constante mais d’un autre côté, la rationalisation et la mobilité du personnel peut faire pencher la balance en faveur de solutions externalisées. S'AFFRANCHIR DES CONTRAINTES
TECHNIQUES POUR LA DIFFUSION Certaines sociétés se sont spécialisées dans la diffusion de contenus VoD, ou plus généralement de médias audiovisuels pour le Web. Le principe peut paraître
simple : puisque le mode de réception est le web via un terminal (smartphone, tablette, ordinateur portable ou de bureau), pourquoi ne pas véhiculer ce contenu depuis sa source de diffusion
par internet ? Le Cloud peut sembler approprié dans ce cas et de grandes sociétés internationales comme Akamai, OVH ou Limelight Networks (qui compte Dailymotion parmi ses clients) se sont
spécialisées dans ce domaine avec un succès grandissant. Ce mode, outre l’avantage d’offrir au besoin, une couverture planétaire, s’inscrit dans le principe de la dématérialisation qui
permet de suivre l’usager tout au long de ses déplacements. Le terminal joue donc un rôle important dans la stratégie d’approche des diffuseurs, sans avoir à se préoccuper, outre mesure, des
technologies de transcodage, de la gestion des flux et leur acheminement etc. ENTRE INDÉPENDANCE ET DÉPENDANCE Il y a quelques décennies, l’audiovisuel hexagonal était, du point de vue
technique, contrôlé de bout en bout. Depuis l’avènement du numérique, des Set Top Box et leur offre TriplePlay, le contrôle revient aux fournisseurs d’accès. Charge leur incombe de fournir
le meilleur signal et les bouquets les plus complets possibles à l’usager. Il en est de même pour le Cloud et, si on ajoute le paramètre de l’OTT à cette équation, une question primordiale
vient à l’esprit : Internet et la dématérialisation des médias représentent ils des solutions viables et sécurisées ? D’aucuns s’offusqueraient que la question soit posée, mais depuis les
années 1990, on joue à se faire peur avec les réseaux informatiques, qui n’ont cessé de progresser depuis une vingtaine d’années. Qu’en est-il d’internet ? Les objets connectés (IoT), par
exemple, ne vont pas tarder à saturer notre environnement… L’émergence d’une dimension Cloud à destination des professionnels et la gestion globale de l’OTT, soit une partie de l’activité
audiovisuelle, reposent sur un système dont on connait mal la capacité de charge maximale, tout comme nous avons du mal à en déterminer le point de rupture. Pourtant, comme le souligne Setu
Sha, le Cloud n’en finit pas de se développer à l’instar des Cloud Privés orienté IoT. Cette dépendance semble s’affirmer au niveau de l’individu ou du foyer en quête d’innovation ou de
sensation de contrôle des outils domestiques, mais le risque est moindre car si la cafetière connectée ne répond plus, on ne parlera jamais d’accident industriel (sauf si la série elle-même
est totalement défectueuse). En revanche, si une entreprise de taille moyenne repose totalement sur une production et/ou une diffusion via le Cloud, il faudrait être en mesure d’évaluer le
risque encouru en cas de panne générale. C’est une des raisons qui pousse les entreprises audiovisuelles à ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Si France Télévision (FTVEN) a
confié à la société Prologue la gestion des contrats de processus Cloud pour le secteur Éditions numériques et affiche sa volonté d’être présente sur Internet, les offres satellite, TNT,
ADSL sont toujours d’actualité. LES PIEDS SUR TERRE, LA TÊTE DANS LES NUAGES Le Cloud est omniprésent dans le quotidien de l’audiovisuel. Pour autant, quel que soit le processus retenu, il
semble évident que tout ne doit pas reposer sur ce type de solutions de dématérialisation. Au-delà de la dépendance constatée, une question plus fondamentale mérite d’être soulevée : jusqu’à
quel point sommes nous prêts à confier tout ou partie d’une production audiovisuelle à des outils distants et quelles sont les garanties apportées par les fournisseurs de solutions Cloud en
cas de problème ? L’opacité du réseau mondial et la localisation exacte des données informatiques (cryptées, certes) s’opposent au réflexe de l’accès aux données et de la synchronisation de
l’ensemble des terminaux concernés. Dit autrement, le pseudo temps réel pourrait nous rassurer, offrant un sentiment de proximité, alors que des Data Center localisés dans une zone
géopolitique devenue subitement à risques (guerre, stratégie politique, dérèglement climatique), pourrait entraîner une catastrophe à l’échelle mondiale. Enfin, gardons à l’esprit que la
confiance (même sous couvert d’un contrat en bonne et due forme) doit rester de mise et que déporter une partie de son activité, voire de son cœur de métier à un tiers doit se référer à des
garanties à la hauteur des enjeux. La maîtrise de bout en bout des processus devrait logiquement conserver la préférence des entreprises audiovisuelles à forte valeur ajoutée de production.
Il est vrai par ailleurs que c’est la partie qui est de plus en plus sous-traitée. Le problème se déporte donc aussi vers la sous-traitance audiovisuelle et le Cloud n’en est qu’une des
dimensions. CIEL DÉGAGÉ OU AVIS DE TEMPÊTE ? Naviguer au cœur de cette mutation technologique exige des qualités d’anticipation et de maîtrise des nouveaux outils que les entreprises
audiovisuelles n’ont pas manqué de remarquer. Le calcul du risque associé au coût de réalisation en mode Cloud sont deux paramètres fondamentaux à prendre en compte, bien avant de savoir si
les équipes sauront s’adapter à de nouveaux usages, ce qu’elles ne manquent jamais de valider (transition analogique-numérique, tapeless, informatique, réseaux…). L’utilisation plus massive
des réseaux privés et leurs saturations possibles lors d’événements à rayonnement mondial ont incité les grands acteurs de l’audiovisuel à une certaine prudence. Nous pouvons en déduire
plusieurs enseignements. Tout d’abord, le Cloud n’est qu’un des aspects de la gestion des flux audiovisuels qui peut représenter une alternative intéressante dès lors que l’ensemble des
exigences en termes de sécurité (cryptage, redondance par exemple) et délais (transcodage, accès aux fichiers) sont respectées. Un autre enseignement à trait aux secteurs potentiellement
concernés par l’utilisation du Cloud. S’il est assez développé en bureautique d’entreprise et chez les particuliers, il ne sera pas aussi généralisé côté audiovisuel - exception faite des
modèles d’entreprises médias qui se sont développées, depuis leur origine, sur le web car leurs architectures se prêtent d’emblée à ce mode de gestion dans les nuages. -- Crédits photos :
_Estúdio 1 - TV - Quem Quer Ser Milionário - SEDE RTP_. RTP / Flickr. Licence CC BY-NC-ND 2.0 _Behind the scenes at Sky News_. Ross G. Strachan / Flickr. Licence CC BY-NC-ND 2.0