
Pour les gafa, les contenus valent de l'or
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Google, Amazon, Facebook et Apple se sont lancés chacun à leur tour dans la production de contenus. Même si leurs objectifs divergent, les enjeux sont colossaux pour chacune de ces
plateformes. Analyse. Pauline Porro Publié le 21 juin 2018 Depuis une décennie, l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur de la production audiovisuelle a profondément bouleversé à la
fois les usages de consommation et l’économie du secteur. Avec ses moyens colossaux et sa stratégie agressive, Netflix concentre la majeure partie de l’attention. Mais désormais, les GAFA
(Google, Amazon, Facebook et Apple) font figure de poids lourds de la production audiovisuelle. Ainsi, les investissements d’Amazon en contenus audiovisuels originaux s’élèvent en 2018 à
près de 5 milliards de dollars. L’année dernière, le géant du e-commerce s’est par ailleurs offert les droits télévisés du _Seigneur des Anneaux_, pour la somme de 250 millions de dollars.
Avec un coût total atteignant le milliard de dollars, cette adaptation de la célèbre trilogie de J.R.R. Tolkien ne représente pas moins que la série la plus chère de l’histoire. Apple et
Facebook ont annoncé, pour leur part, des investissements dans les contenus à hauteur d’un milliard de dollars chacun. Enfin, Google pousse également ses pions, puisque le géant du web
propose désormais des contenus originaux via sa plateforme YouTube Premium. DES AMBITIONS ET DES STRATÉGIES DISTINCTES Initialement, les GAFA ont en commun de proposer un certain type de
service, l’intermédiation, facilement applicable à d’autres domaines, et pouvant se déployer à l’infini. Ce rôle originel d’intermédiaire a conduit ces différentes structures vers une
stratégie d’intégration horizontale, les incitant à se diversifier dans des secteurs d’activités toujours plus variés : santé, assurance, livraison de nourriture, livraison de la presse… Ce
développement stratégique est par ailleurs rendu possible par une autre caractéristique commune au GAFA : leur maîtrise des données et des algorithmes. > En proposant des contenus
audiovisuels spécifiques, les GAFA > témoignent du même désir de valoriser l’attractivité de leur > plateforme, de leurs services et de leurs produits. En proposant des contenus
audiovisuels spécifiques, les GAFA témoignent du même désir de valoriser l’attractivité de leur plateforme, de leurs services et de leurs produits. L’objectif final pour chacune de ces
entreprises étant de devenir l’interface universelle pour les utilisateurs d’internet, en proposant un écosystème complet. Toutefois, les stratégies poursuivies par ces plateformes
lorsqu’elles se lancent dans la production de contenus audiovisuels ont évolué au fil du temps. « On peut trouver la genèse de ce mouvement dans le lancement d’iTunes par Apple en 2001_,_
analyse Thomas Paris, professeur à HEC. La sortie d’iTunes avait pour but de revitaliser et rajeunir la marque, mais également de vendre un nouvel outil, l’iPod. » iTunes va alors être créé
pour appâter et enfermer le client, tout en valorisant des produits technologiques. « À la base conçu pour être non rentable, iTunes est finalement devenu un vrai business pour Apple, qui a
ensuite vendu des applications et des contenus audiovisuels. » Apple est un équipementier, dont l’activité initiale est la vente de terminaux (_devices)_. À sa création, Apple se positionne
sur la vente de produits haut de gamme, avant que ne vienne le tournant iTunes et son offre illimitée de musique. Avec le lancement de l’iPhone, Apple bascule vers la fabrication d’appareils
électroniques, principalement mobiles, et la gestion d’écosystèmes. > Au regard de la saturation du marché des smartphones, Apple cherche > à diversifier ses ressources. Or, pour
alimenter cet écosystème, Apple a précisément besoin de contenus. En produire est donc une activité connexe destinée à enrichir son cœur de métier d’équipementier. Ainsi, l’un des premiers
programmes produits par Apple, _Planet of the Apps_, était un télé-crochet où des développeurs de programmes soumettaient leur « pitch » d'application mobile à un jury. La plupart des
applications présentes sur _iOS_ ayant été créées par des développeurs web extérieurs via des mécanismes d’_open innovation_, leur consacrer une émission leur permettant de valoriser leurs
produits s’inscrivait dans la continuité du modèle économique d’Apple. Une autre raison incitant Apple à se lancer dans l’aventure des contenus est peut-être à chercher dans le talon
d’Achille de ce modèle économique : l’essentiel des recettes de la firme, près de 90 %, repose sur les ventes d’iPhone. Au regard de la saturation du marché des smartphones, Apple cherche à
diversifier ses ressources. Toutefois, les accords signés ces derniers mois par Apple traduisent une évolution notable dans la stratégie de la marque à la pomme. Récemment, Apple a annoncé
un partenariat avec la présentatrice Oprah Winfrey, pour des contenus originaux dont la nature n’est pas encore connue, de même qu’une série produite par les actrices Jennifer Aniston et
Reese Witherspoon. Avec des projets de telle ampleur, Apple démontre son ambition de concurrencer directement Netflix ou Amazon. Initialement vendeur de livres, Amazon s’est progressivement
tourné vers la distribution digitale de produits les plus divers, avant de s’engager dans la production. « Au départ, l’idée d’Amazon était simplement d’amortir son outil industriel, qui est
un outil de distribution »analyse Thomas Paris. La création d’Amazon Studios en 2010 peut, par ailleurs, s’expliquer par un besoin de diversification des revenus, rendue nécessaire par la
baisse des ventes de DVD et Blu-Ray. Amazon lance Amazon Prime Video en 2011, un service de vidéo à la demande conçu comme un produit d’appel vers l’offre premium Amazon Prime_, _qui a
atteint, selon les chiffres dévoilés par Reuters, les 100 millions d’abonnés dans le monde en mars 2018. Pour 119 dollars par an aux États-Unis, (49 euros en France), les abonnés Prime
accèdent en illimité aux contenus de la plateforme Prime video et bénéficient également de multiples services : livraison gratuite en un jour ouvré, stockage illimité de photos, accès à
Amazon Music Unlimitedet à Twitch Prime_, _emprunt gratuit d’un e-book par mois. Investir dans des contenus audiovisuels de qualité permet à Amazon d’attirer et garder ses abonnés sur son
offre premium et ainsi de convertir des téléspectateurs en acheteurs. Cette stratégie s’illustre dans la sortie de Jeff Bezos, PDG d’Amazon : « Quand nous remportons un Golden Globe, cela
nous aide à vendre plus de chaussures ». En effet, les consommateurs de streaming vidéo renouvellent davantage leur abonnement à l’offre premium et convertissent les périodes d'essai en
abonnement à un taux plus élevé que les autres abonnés Prime. Et, _in fine_, les abonnés Prime > Quand nous remportons un Golden Globe, cela nous aide à vendre plus > de chaussures
dépensent en moyenne deux fois plus que les clients d’Amazon non-abonnés. Il est donc indispensable pour Amazon de chercher à gonfler leurs rangs. Toutefois, depuis décembre 2016, Prime
video seul est disponible dans 240 pays. Cette donnée laisse entendre qu’initialement conçu comme produit d’appel, Prime video pourrait connaître le même sort qu’iTuneset devenir rentable en
soi. Facebook quant à lui, a pour principal objectif de capter un temps d’attention maximal de la part de ses utilisateurs afin de recueillir le maximum de données permettant de vendre un
ciblage publicitaire pertinent. Pour cela, il lui faut enrichir son interface d’offre de services, d’où le lancement de sa plateforme Facebook Watch. Ce lancement s’inscrit dans la stratégie
de Facebook de mutation vers un réseau social _« video first »._ Dès lors, Facebook se positionne sur différents types de formats. Sortie aux États-Unis en 2017, _Strangers_ est une série à
destination des 17-35 ans, et dont chaque épisode, d’une quinzaine de minutes, a été conçu pour être visionnable à bord d’un bus ou à une caisse de supermarché. Parallèlement à ces formats
adaptés à son _NewsFeed_, Facebook s’est aventuré dans des projets plus ambitieux, tel que _Queen America_, une série de dix épisodes d’une demi-heure avec Catherine Zeta-Jones. Ce programme
témoignerait-il de l’ambition de Facebook de sortir de sa zone de confort ? Enfin Google s’est engagé sur le créneau via son service premium par abonnement YouTube Red. Lancée en 2015, la
plateforme permettait initialement aux abonnés d’être exemptés de publicités sur son service et sur Google Play pour 9,99 dollars par mois. YouTube s’est ensuite engagé dans la création de
contenus originaux exclusifs, telle que la suite sérielle de _Karaté Kid_, _Cobra Kai_. En mai 2018, YouTube a annoncé la disparition de YouTube Red au profit de YouTube Premium, offrant
accès à YouTube Music, en plus des services déjà proposés par YouTube Red. L’objectif ici est également de maintenir l’utilisateur sur l’écosystème de Google. LA SÉRIE, LE PRODUIT PHARE Avec
_The Grand Tour_ sur Amazon Prime Video et _Carpool Karaoke _et_ Planet of the Apps _sur Apple, les _shows _occupent une place de choix parmi les productions des GAFA. D’après Bloomberg,
YouTube s’apprête à investir des centaines de millions de dollars afin de proposer une quarantaine de shows gratuits sur YouTube Premium. Les noms d’Ellen DeGeneres et du comédien Kevin Hart
sont avancés. Après le reportage sur la vie de Demi Lovato sorti en 2017, des projets de documentaires en partenariat avec Katy Perry, comme avec Robert Downey Jr., devraient également voir
le jour sur YouTube. Ces projets, financés par la publicité, se rapprochent d’un modèle de télévision classique. Une telle stratégie vise à attirer des annonceurs premiums, désireux
d’éviter toute association d’image avec des contenus problématiques. Mais le produit en vogue sur les plateformes est la série. Longtemps dénigrées par les cinéphiles qui voyaient en elles
un sous-cinéma, les séries ont depuis quelques années acquis leurs lettres de noblesse. Mieux, elles font aujourd’hui l’objet d’une véritable mode. Assurément, Netflix a bousculé les codes
en > Le produit en vogue sur les plateformes est la série. la matière, participant à l’émergence du _binge-watching_ et entraînant ses abonnés dans une course folle à la consommation. Les
plateformes lui ont emboité le pas et se sont lancées les unes après les autres dans la production de séries : « Ce n’est pas nouveau, mais il y a évidemment un phénomène qui a émergé. Il
y a une sorte d’emballement et d’effet d’attraction qui suscite beaucoup d’envie et d’attention » note Benjamin Campion, journaliste et auteur du blog _Des Séries et des Hommes_, hébergé sur
le site de _Libération_. Nombre de réalisateurs se sont essayés à l’exercice : Woody Allen, Martin Scorsese, Steven Soderbergh… Cette dynamique se double pour les plateformes d’une
recherche afin d’attirer des talents établis. Ainsi, Robert Kirkman, le créateur des _Walking Dead_, a signé en 2017 avec Amazon, tandis qu’Apple a conclu un accord avec Steven Spielberg
pour une nouvelle mouture de la série des années 1980 les _Histoires fantastiques_, et avec Damien Chazelle, le réalisateur de _La La Land, _dont les premiers épisodes sont attendus pour
début 2019. Par ailleurs, le format sériel représente de réels avantages. « Netflix s’est initialement lancé dans les séries, parce qu’en termes de chronologie des médias, c’était plus
accommodant que les films » ajoute ainsi Benjamin Campion. La diffusion de séries n’est pas astreinte aux contraintes réglementaires de la diffusion cinématographique. Le cinéma, lui, impose
un tempo lent de retour sur investissement pour des plateformes dont le modèle économique repose sur la rentabilité à court terme. Les séries permettent d’éviter cet écueil. « La série est
plus pratique. On peut la produire, la diffuser immédiatement et il y a donc une grande liberté d’action. C’est un produit assez souple et flexible » confirme Benjamin Campion. Au-delà de
leur rentabilité économique rapide et de l’effet de mode, les séries représentent d’autres avantages : possibilité de développer une histoire au long cours, fidélisation du public,
constitution d’une image forte (il suffit de penser à l’impact pour HBO du succès mondial de la série _Games of Trones_, ou de celui pour Netflix de _House of Cards_). VERS UNE SATURATION DU
MARCHÉ ET UNE HOMOGÉNÉISATION DE LA PRODUCTION ? En 2017, le terme de _Peak TV_ a fait son entrée dans le vocabulaire des cinéphiles pour désigner la surabondance d’offres sur le marché
sériel américain. On ne dénombrait pas moins de 487 séries produites en 2017. L’arrivée sur le marché des GAFA, entités aux moyens financiers exorbitants, ne risque pas d’atténuer ce
phénomène. « N’importe quelle industrie créative fonctionne structurellement sur une abondance, détaille Thomas Paris. L’enjeu, c’est que 10 % de la production parvienne à financer la
totalité de ce qui est produit. Les problèmes commencent à se poser s’il y a surproduction. Dès lors, ceux qui font la distribution et la prescription n’ont plus les moyens de faire leur
travail et la promotion marketing prend le relais. Cela est notamment un problème pour les productions les plus créatives. » À cet égard, la stratégie d’Amazon est symptomatique.
Lorsqu’Amazon se lance dans la production audiovisuelle en 2013, le géant du commerce répète qu’il souhaite donner leur chance à de nouveaux talents. Pour cela, Amazon lance un appel à
projet mondial couplé à une plateforme communautaire où les abonnés se prononcent sur les synopsis, suggèrent des modifications de scénarios et sélectionnent les séries produites en votant
pour des pilotes. Cette tribune populaire, reposant sur l’utilisation de la _data_, était supposée permettre aux projets ayant les faveurs du public d’être soutenues et produites. Lors de la
diffusion des premières saisons, les productions d’Amazon sont saluées par la critique et le public. Les séries _Transparent_ et _Mozart in the Jungle_ sont primées lors des Golden Globes,
tandis qu’en janvier 2016, Amazon rafle six nominations aux oscars, dont celui du meilleur film, pour _Manchester by the Sea_, réalisé par Kenneth Lonergan. Une reconnaissance rare pour un
film produit et distribué par une plateforme de ce type. Dans le même temps, le géant du e-commerce va progressivement contourner les résultats du vote qu’il avait lui-même initié. En
janvier 2015, Amazon commande une saison entière de la série _Crisis in six scenes_, réalisée par Woody Allen, sans passer par l’étape préalable d’un pilote soumis au vote du public. Puis
vint l’interruption inattendue de plusieurs séries ambitieuses, telles que _Highston _ou _I Love Dick,_ malgré l’engouement du public, avant que ne soit définitivement abandonné le système
de vote par les abonnés en 2017. Ces décisions, prises dans la plus grande opacité, ont suscité des critiques de la part des abonnés. Les reproches adressés à la plateforme sont d’autant
plus nombreux qu’Amazon ne communiquait pas sur le nombre de ses abonnés jusqu’en mai 2018, au contraire des chaînes par abonnement. Difficile, donc, d’apprécier les raisons poussant Amazon
à poursuivre ou non un projet. En mars 2018, l’agence Reuters leva le voile sur les calculs effectués par la firme. La plateforme se base sur le _cost per first stream_, soit le rapport
entre les coûts de production, incluant ceux du marketing, et le nombre de personnes visionnant le programme en streaming dès la souscription sur leur offre _Prime._ _CRÉDITS : REUTERS._
Ainsi, la première saison de la série _The Man in the High Castle_ qui a coûté 72 millions de dollars en production et en marketing a permis à Amazon d’acquérir 1,15 millions d’abonnés, soit
un coût moyen > Aujourd’hui, les dirigeants d’Amazon ne cachent pas leurs > ambitions de dégoter le nouveau Games of Thrones de 63 dollars par abonnés. Et puisque « _the lower the
better »_, la série représente un succès commercial pour Amazon. Aujourd’hui, les dirigeants d’Amazon ne cachent pas leurs ambitions de dégoter le nouveau _Games of Thrones_, preuve que la
production de séries créatives et confidentielles n’est plus à l’agenda de la firme. Cette mutation illustre le basculement d’un paradigme où la prescription en matière de série se faisait
par des acteurs tels que les chaînes câblées, vers celui où elle s’effectue via un calcul rationnel du retour rapide sur investissement, au risque d’aboutir sur une homogénéisation de la
production. QUELLES MUTATIONS DU PAYSAGE AUDIOVISUEL ? Le monde de l’audiovisuel ne peut rester de marbre face à cette entrée des géants du web dans son pré carré. Car si un milliard de
dollars d’investissement représente peu au regard de la trésorerie d’Apple, estimée à 247 milliards de dollars, cela constitue une manne financière considérable pour des acteurs tels que
HBO, Canal+ ou France Télévisions, dont les 420 millions d’euros consacrés à la création représentent la moitié des investissements des chaînes de télévision françaises dans la production.
Le marché audiovisuel français sera-t-il épargné par l’arrivée de ces nouveaux entrants ? « En France, le lobby audiovisuel a une capacité d’intervention sans commune mesure avec son poids
économique. Il continue à se faire entendre » estime ainsi Jean-Paul Simon, consultant. Si l’industrie audiovisuelle française peut, certes, se prévaloir d’un certain poids, ses moyens
financiers sont à comparer avec ceux des nouveaux acteurs. Les dépenses annuelles d’Amazon Studios en acquisitions et contenus originaux devraient s’élever à 8,3 milliards de dollars à
partir de 2022. Chiffre d’autant plus impressionnant que la stratégie habituelle d’une entreprise comme Amazon, lorsqu’elle s’attaque à un secteur, est sans concession : casser les prix,
bousculer ses codes, pour ensuite en devenir le maître. Avec 8 milliards d’euros d’investissement et le succès rencontré par ses séries, Netflix est actuellement le plus grand péril menaçant
le monde de la production audiovisuelle. l’entreprise a atteint les 125 millions d’abonnés dans le monde, dont 3 millions en France. Ce succès contraste avec la chute du nombre de clients
de Canal+, qui a perdu près de 300 000 abonnés l’année dernière. Au regard de ce déséquilibre entre acteurs européens et américains, il était urgent de réviser la directive « service des
médias audiovisuels » (Directive 2010/UE/13), régulant le secteur audiovisuel en Europe. Jusqu’à présent, ce texte, adopté en 2007, excluait de son champ d’application les services de vidéo
à la demande, favorisant des acteurs américains disposant pourtant de moyens largement supérieurs à ceux du marché européen. L’accord trouvé le 26 avril 2018, dont le texte n’est pas encore
disponible, changera la donne. Désormais, les règles applicables en matière de contributions financières pour les services de vidéo à la demande seront celles du pays ciblé et non plus
celles du pays d’origine de la plateforme, contraignant des acteurs tels que Netflix à financer la création européenne. Même établis à l’étranger, ces services ne pourront plus se soustraire
aux politiques nationales de soutien à la création. Selon le journal _Les Échos_, cette contribution pourrait s’élever à 100 millions d’euros pour la production hexagonale. Les services de
vidéo à la demande sont désormais astreints à des objectifs de diversité culturelle, notamment via l’instauration d’un quota de 30 % d’œuvres européennes dans les catalogues des services de
médias audiovisuels à la demande. Des incertitudes demeurent, comme sur la qualification de certains acteurs par exemple : Facebook sera-t-il considéré comme un réseau social,
potentiellement non concerné par ce quota de 30 %, ou comme un service de vidéo à la demande, tenu à cette obligation ? Cette mise en place de quotas n’est pourtant pas de nature à rassurer
quant aux craintes d’un marché homogénéisé. « Les plateformes vont certes proposer des films français indépendants, mais qui ne se verront pas car ils ne seront pas mis en avant» s’inquiète
Thomas Paris. Face à ces craintes, Amazon a déjà la parade : « Si notre service est mondial, ce n'est pas le cas de nos abonnés : ils sont locaux. Nous devons donc avoir une stratégie
multi-locale, pour laquelle nous cherchons les meilleurs artistes de chaque pays » expliquait Roy Price, l’ancien vice-président d’Amazon lors du MIPTV 2017. Cette stratégie multi-locale
s’illustre par les productions _You're wanted_ à destination du marché allemand, _Deutsch-les-Landes_ pour le public français, ou encore par la vingtaine de programmes conçus
spécialement pour le Japon. « Quand Netflix produit Marseille, c'est une image que les États-Unis aiment avoir de la France. On touche ici à la limite à la diversité. Il y a une vraie
interrogation, car on ne sait pas comment cela va évoluer. Si ces acteurs ont une réelle stratégie de soutien de la production locale pour en faire une > Quand Netflix produit Marseille,
c'est une image que les États-Unis > aiment avoir de la France. production d’ampleur internationale, cela peut être une vraie bouffée d'oxygène. Mais s’ils cherchent à faire des
produits qui soient visibles partout et notamment aux États-Unis, on risque d'avoir une perte de dynamisme, de diversité et de créativité du marché » alerte Thomas Paris. Difficile à
ce jour d’apprécier les conséquences tangibles de la production par les GAFA de contenus audiovisuels. « Amazon est le seul parmi eux qui investisse réellement, ce qui alimente le système de
production en amont. Finalement, Amazon donne des ressources au système de production audiovisuelle américain, il ne le bouleverse pas » estime ainsi Alain Busson, professeur émérite
d’économie à HEC Paris. Pour lui, le réel sujet d’inquiétude concerne davantage l’emprise de ces entreprises américaines sur de nombreux autres secteurs, permise par l’économie de ces
plateformes. En effet, Facebook, Google et Amazon achètent principalement des entreprises technologiques pour développer leur écosystème et leurs fonctionnalités, pas des fournisseurs de
contenus. De même c’est davantage le marché publicitaire que celui de la production audiovisuelle que sont venus bousculer Facebook et Google. Pour l’instant. -- Crédit photo : [_Clap et
bobine de film_]. Jag_cz/iStock