
Lorsque vous êtes un média sur instagram, « vous n’avez peut-être qu’une ou deux secondes pour susciter l'intérêt »
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Kevin Young, « Head of audience » de _The Economist, _est chargé de développer le compte Instagram du magazine britannique. © Crédits photo : The Economist. ENTRETIEN AVEC KEVIN YOUNG
Instagram revendique plus d’un milliard d’utilisateurs mensuels actifs. Une aubaine pour les médias qui l’investissent afin de toucher une nouvelle audience, plus jeune. Exemple avec _The
Economist_, qui en a fait une pierre angulaire de sa stratégie numérique. propos recueillis par Xavier Eutrope Publié le 10 février 2021 Kevin Young est « Head of audience » de
l’hebdomadaire britannique _The Economist_. S’appuyant sur une équipe de neuf journalistes, il dirige la stratégie _social media_ du magazine, avec un objectif clair : ramener les followers
sur le site web et l’application maison. _CRÉÉ EN MAI 2014, LE COMPTE INSTAGRAM DE _THE ECONOMIST_ COMPTE AUJOURD’HUI 5,4 MILLIONS D’ABONNÉS. À QUEL MOMENT AVEZ-VOUS DÉCIDÉ QU’INSTAGRAM
DEVAIT DEVENIR UNE PART IMPORTANTE DE VOTRE STRATÉGIE NUMÉRIQUE ?_ Notre compte Instagram a été originellement créé par notre bureau photo qui le gérait comme un compte photo. C'était
très beau et très impressionnant, mais il montrait le travail de personnes travaillant à l’AFP, Getty Images, etc. Je suis arrivé à _The Economist_ il y a près de deux ans et l'une de
mes grandes priorités était de faire d'Instagram une véritable vitrine du journalisme visuel que nous produisons. J'avais auparavant créé le compte Instagram de Bloomberg et, avant
cela, travaillé sur le compte Instagram de BBC News. Il était clair pour moi qu’Instagram représentait une opportunité car nous produisons beaucoup de contenus visuels (graphiques, vidéos,
illustrations) qui, j’en étais persuadé, seraient fantastiques sur cette plateforme, tout en nous distinguant de ce qu’y faisaient les autres éditeurs. _DIRIEZ-VOUS AUJOURD’HUI QUE VOUS AVEZ
RÉUSSI À RECRUTER UNE NOUVELLE GÉNÉRATION DE LECTEURS, OU EST-IL TROP TÔT POUR JUGER CELA ? _ Je pense que nous avons réussi, oui. Je suis très fier de voir que deux tiers de nos followers
sur Instagram ont entre 18 et 34 ans, ce qui représente entre trois millions et trois millions et demi de jeunes. Avant de relancer notre compte Instagram il y a dix-huit mois, nous ne
générions aucun trafic vers notre site web depuis la plateforme. Très vite, nous avons commencé à générer des centaines de milliers de visites chaque mois sur le site, en utilisant la
fonctionnalité des liens dans la biographie du compte. Instagram est de ce point plus efficace que LinkedIn, qui est une autre de nos quatre plateformes les plus importantes. Donc non
seulement nous créons du contenu qui fait réagir notre jeune public, mais nous voyons que ces jeunes retournent sur notre site web et qu'ils lisent davantage ce que nous produisons.
_QUEL EST LE TYPE DE CONTENU SUR VOTRE FLUX QUI CONNAÎT LE PLUS GRAND SUCCÈS EN GÉNÉRAL ? _ Les contenus qui sont liés au journalisme de données ainsi que les graphiques fonctionnent bien.
Ce ne sont peut-être pas les contenus les plus likés, mais ils sont très efficaces pour aider _The Economist_ à se démarquer. Notre proposition de _data journalism_ est notre point fort et
est probablement le domaine dans lequel _The Economist _est reconnu mondialement. Selon moi, un graphique facile à comprendre, avec un titre très clair et une légende qui donne suffisamment
d’informations, retient l’attention des gens, les fera arrêter de défiler sur leur téléphone et les poussera à cliquer sur le lien de la bio. Vous n’avez peut-être qu’une ou deux secondes
pour susciter l'intérêt des gens et les encourager à lire la suite. La séquence du week-end que nous utilisons sur Instagram le dimanche est très populaire. Nous sélectionnons six
articles en nous basant sur les données d'autres plateformes sociales pour éclairer notre décision. C’est le genre de contenu qui peut aider à former des habitudes. Screenshot de
"weekend read" de The Economist UNE DES SÉQUENCES DU WEEK-END DE _THE ECONOMIST. _CAPTURE D'ÉCRAN INSTAGRAM. _COMMENT JUGEZ-VOUS LA PERFORMANCE DES CONTENUS PUBLIÉS SUR VOTRE
COMPTE INSTAGRAM ? _ Nous mesurons le trafic venant des clics sur le lien dans la bio, le nombre d'abonnements qui ont été générés après que quelqu'un a lu un article. Nous
regardons également les _likes _mais parfois le contexte évoqué dans un de nos posts fait que vous n’avez peut-être pas envie de mettre un cœur. Vous pouvez vous engager avec le contenu de
nombreuses façons différentes. Nous examinons le nombre de partages via les messages directs. Parfois, les gens prennent une capture d'écran d'un post et ils l'envoient
ensuite en DM _(direct message)_ à un ami ou à un collègue. On constate en particulier avec notre journalisme de données et nos graphiques que nos contenus sont partagés des milliers de
fois. Instagram nous indique également le nombre d'abonnés à notre compte que vous avez générés à partir d'une publication. Tout ça constitue une chaîne très importante, ce sont
des mesures que nous pouvons utiliser pour analyser les publications. Mais les renvois vers notre site web et les abonnements sont les choses les plus importantes que nous observons. _VOUS
AVEZ ÉVOQUÉ LE « LIEN EN BIO », QUI REVIENT BEAUCOUP SUR INSTAGRAM. IL N’EST PAS POSSIBLE, SUR CE RÉSEAU SOCIAL, DE PUBLIER DES LIENS CLIQUABLES AUTRE PART QUE DANS LA BIO DU COMPTE.
N’EST-CE PAS UN HANDICAP POUR UN MÉDIA ?_ Il y a cinq ans, les comptes photo-centrés étaient très efficaces. C'était peut-être ce que recherchaient en priorité les utilisateurs
d’Instagram. Les grands médias y allaient, publiaient des photos et étaient très contents de recueillir des _likes _et des commentaires. Je pense que notre problème est que si tout
l'engagement reste sur Instagram, sans aucune retombée sur notre site ou notre application, nous ratons des occasions de rencontre avec les lecteurs, de générer de la publicité et des
abonnements. Le fait de ne pas pouvoir insérer de lien dans nos posts a été vu comme une belle opportunité plutôt qu’un handicap. Nous avons pu observer comment d'autres éditeurs
utilisaient la fonction de lien dans la bio et nous voulions faire ça de la meilleure manière possible. Nous n'avons jamais fait de _clickbait _et nous ne voulions pas afficher des «
cliquer sur le lien en bio » dans chacun de nos posts, sans contexte. Nous avons essayé d'utiliser des légendes assez courtes en faisant en sorte d’inciter à consulter le lien dans la
biographie du compte. Pour cela, nous révélons quelques éléments de l’article, suffisamment pour intéresser les gens et utilisons ce que vous pourriez appeler des « appels à l'action »
(_call to action)_ ou des « instructions » indiquant qu’il y a autre chose d’intéressant derrière le lien. _EN NOVEMBRE 2019, VOUS EXPLIQUIEZ __AU SITE DIGIDAY__ QU'ENVIRON UN TIERS DU
TRAFIC DU SITE PROVENAIT DES PLATEFORMES SOCIALES. EST-CE TOUJOURS LE CAS, ET QUELLE EST LA PART D'INSTAGRAM ? _ Instagram génère actuellement entre 5 % et 10 % du trafic social de _The
Economist_ chaque mois. Facebook reste notre plus gros conducteur d’audience parmi les réseaux sociaux. _CE CHIFFRE CORRESPOND-IL À VOS ATTENTES ?_ Je n'avais pas d'attentes. Chez
_The Economist_, nous écrivons sur les sujets que nous jugeons importants, qu'ils soient en phase avec nos sujets de prédilection ou en lien avec de l'actualité pure. Nous
n'écrivons pas d'articles uniquement parce que nous pensons qu'ils vont générer des millions et des millions de références. _AVEZ-VOUS DES CHIFFRES À PARTAGER SUR LE
RECRUTEMENT DE NOUVEAUX ABONNÉS AU MAGAZINE VIA LES RÉSEAUX SOCIAUX EN GÉNÉRAL, ET INSTAGRAM EN PARTICULIER ? _ Il est difficile de suivre les totaux pour chaque service, car nous menons en
parallèle de nombreuses actions de marketing payant sur plusieurs plateformes. Les abonnements sont donc générés à partir de sources multiples. Je dirais que l’activité organique sur les
médias sociaux génère des dizaines de milliers d’abonnements par an, et plus de 10 % de ceux-ci proviennent d’Instagram. _VOUS AVEZ ÉGALEMENT DÉVELOPPÉ DES PARTENARIATS PUBLICITAIRES DANS
LES STORIES INSTAGRAM. QUE POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE ?_ Nous avons attiré plusieurs sponsors pour des _stories_ Instagram, cela a été notre principal domaine de développement pour la
publicité. Il y a eu des _stories _individuelles sponsorisées, parfois dans notre séquence de lecture du week-end. Certains annonceurs peuvent apparaître au milieu de cette séquence. Je
pense qu'il est important de souligner que la rédaction de _The Economist_ est indépendante et que les annonceurs n'ont aucune influence sur notre contenu ou sur les sujets que
nous choisissons de couvrir. Mais selon les termes de notre service de solutions clients, les commanditaires et les annonceurs peuvent participer à certains contenus que nous produisons pour
Instagram. _Y A-T-IL EU UN EFFET _« _COVID-19_ »_ SUR LA CONSOMMATION DES CONTENUS SUR VOTRE COMPTE INSTAGRAM ? _ Oui nous avons vu, comme beaucoup de médias, une augmentation significative
du trafic en mars, avril et mai 2020. Et les gens sont restés avec nous, ont souscrit des abonnements. Notre nombre de _followers_ a également augmenté. Nous nous sommes démarqués par nos
contenus, car nous avons quelques-uns des meilleures journalistes scientifiques au monde. Nous nous sommes penchés très longtemps sur origines du nouveau coronavirus, l'histoire des
vaccins et de leur mise au point, ainsi que beaucoup d’autres sujets. Beaucoup de gens sont venus sur le compte Instagram de _The Economist_ pour obtenir de l'information et comprendre
ce moment très déroutant. Screenshot covid-19 The Economist UNE STORY DE _THE ECONOMIST_ SUR LE NOUVEAU CORONAVIRUS. CAPTURE D'ÉCRAN INSTAGRAM. _VOUS FAITES AUSSI SUR INSTAGRAM LA
PROMOTION DE VOS PODCASTS. EST-CE EFFICACE ? _ Nous appelons ça des audiogrammes. C’est une très bonne façon d'utiliser la vidéo sur le flux Instagram et oui, c'est très efficace.
Tout d'abord, c'est une bonne tactique de sensibilisation de notre public à nos podcasts. En général, nous sélectionnons un segment d'une interview avec une personne célèbre
qui a été invitée dans l’un de nos podcasts. On peut faire l’hypothèse que les audiogrammes sont un bon moyen de donner aux gens des idées de podcasts à écouter le week-end. _VOUS AVEZ
MENTIONNÉ LES AUTRES PLATEFORMES SUR LESQUELLES _THE ECONOMIST_ EST PRÉSENT. LE DÉVELOPPEMENT D’INSTAGRAM EST-IL UN PROJET AUTONOME, PARTICULIÈREMENT IMPORTANT DANS VOTRE STRATÉGIE, OU
S'AGIT-IL PLUTÔT D'UN OUTIL COMPLÉMENTAIRE ? _ Il y a deux façons de répondre à cette question, la première est en termes de charge de travail. En tant qu'équipe, notre
stratégie sur Instagram est pensée en même temps que celles pour LinkedIn, Twitter et Facebook. Nous avons synchronisé notre calendrier de publication sur LinkedIn et Instagram, c’est-à-dire
huit messages par jour sur chacune des deux plateformes. Sur Instagram, nous postons des articles que nous venons de publier, tandis que sur LinkedIn nous favorisons nos archives ainsi que
la vidéo. Mais nous utilisons presque les mêmes mots sur les deux réseaux, parce qu’Instagram et LinkedIn sont toutes deux des plateformes très conversationnelles, qui incitent à
l'engagement des publics. L’algorithme de LinkedIn semble favoriser les commentaires et l'engagement sur les histoires en plus des clics. Nous pouvons souvent commencer un débat
sur LinkedIn en adoptant le même langage que sur Instagram. La deuxième partie de ma réponse est qu’Instagram en tant que tel est une plateforme très importante. Notre site web et notre
application sont nos extensions numériques les plus chères à nos yeux, car elles nous appartiennent. Mais nous devons et voulons utiliser les médias sociaux pour atteindre la prochaine
génération de lecteurs et d’abonnés de _The Economist_. _SI JE NE ME TROMPE PAS, _THE ECONOMIST_ A ÉTÉ PRÉSENT SUR SNAPCHAT MAIS N’Y EST PLUS, POURQUOI ?_ Nous étions en effet sur Snapchat,
mais nous ne produisons pas de contenu sur la plateforme pour le moment. Toutes les plateformes sociales avec un grand nombre d'utilisateurs intéressent les éditeurs. Équilibrer nos
ressources et déterminer où devraient être nos priorités est donc primordial. Pour nous, il est très important de ramener les gens sur notre site web. Les quatre plateformes sur lesquelles
nous nous concentrons aujourd’hui (Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn) nous permettent de le faire, pas Snapchat qui favorise l'engagement sur la plateforme et conduit les
utilisateurs à y rester. Nous n'excluons cependant pas de travailler avec Snapchat à l'avenir. NOUVEAUX FORMATS DE L’INFO : WORK IN PROGRESS - ÉPISODE 2/5 Nouveaux formats de
l’info, 2e épisode : les réseaux sociaux sont devenus des lieux de présence obligatoire pour les médias. Depuis quelques années, Instagram monte en puissance. Pour un média écrit, quelle
logique adopter pour exister sur une plateforme intimement liée à l’image ? NOUVEAUX FORMATS DE L’INFO : WORK IN PROGRESS - ÉPISODE 1/5 Nouveaux formats de l’info, 1er épisode : depuis
quelques temps, les stories ont le vent en poupe. Ce format adapté à la navigation mobile, constitué de panneaux contenant images, vidéos et sons s’est popularisé. Pour un média, comment
s’en emparer et créer une expérience intéressante pour les lecteurs ?