Droguée à son insu «en une fraction de seconde», elle dénonce
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Le soir de l’incident, la femme de 38 ans était avec quelques amis au festival Saucette en Showssettes, sur la rue Laval, pour assister à un spectacle de drag, notamment. Un événement rempli
de plaisir qui s’est achevé vers 23 h. Ensuite, le petit groupe s’est dirigé vers un bar – dont elle tait le nom parce que c’est le geste et non l’établissement qui est à dénoncer – pour
prolonger la soirée. Une fois sur place, rapidement ils commandent une boisson alcoolisée, un verre de double gin dans son cas, sa préférence. Mais en un éclair, tout bascule. «Il y a des
gens au bar, il y a le barman, je prends mon verre, on se fait un _cheer_, je prends littéralement une gorgée, on se déplace vers le _dance floor_ et je suis absente complètement dès ce
moment-là. Cela a été instantané, confie-t-elle. Je ne me souviens même pas du goût, ça a vraiment effacé les 20, 30 minutes durant lesquelles on a été dans le bar. Je ne me souviens plus de
rien du tout.» Selon ce que sa conjointe et son entourage lui ont raconté, elle a perdu la carte au point où elle ne reconnaissait pas l’un de ses fidèles amis. Au départ, certains
croyaient qu’elle blaguait. Ses inhibitions étaient tellement diminuées qu’elle aurait même levé son chandail, avant de tomber avec lourdeur dans les bras de sa copine, incapable de se
déplacer normalement. > «Il a fallu qu’on demande de l’aide aux deux portiers pour me > sortir, mes amis n’étaient pas capables de me traîner. Ça > s’est fait dans un très, très
court laps de temps et tous les > signaux étaient là: yeux qui convulsent, aucun souvenir jusqu’au > lendemain, respiration saccadée, spasmes, je ne reconnaissais > personne,
paraît-il que j’envoyais promener la majorité des gens > autour de moi, que je ne voulais pas me laisser approcher, etc. > J’ai des _flashs_, mais vraiment très courts.» > —
Marie-Eve Marie-Eve admet qu’«officiellement», il aurait fallu qu’elle aille à l’urgence – comme recommandé dans de telles situations puisqu’on peut alors avec des analyses urinaires
déterminer de quelle substance il s’agit de même que la dose ingérée – mais elle a refusé de s’y rendre une fois devant l’hôpital, en sortant du véhicule avec sa conjointe. Elle savait
qu’elle avait été droguée, dit-elle, sans savoir s’il s’agissait de GHB, communément appelée la drogue du viol, dont il existe des dérivés. «J’ai été malade toute la nuit. Ce que j’ai reçu,
c’est une dose de cheval. Pendant 24, 36 heures, j’ai eu des maux de tête, des étourdissements, une vision un peu affectée», lance-t-elle, ajoutant avoir été «assommée» au point de dormir
pratiquement sans arrêt durant tout le week-end suivant. S’estimant chanceuse dans sa malchance, la Gatinoise pense que sans la présence, la bienveillance et la vivacité d’esprit de son
entourage, un inconnu aurait pu la déplacer ailleurs vu l’état dans laquelle elle se trouvait. Et le mot lui vient rapidement à l’esprit: viol. Elle aurait pu aisément en être victime,
confie-t-elle. DES QUESTIONS SANS RÉPONSES Depuis le début de l’année 2025, sept dossiers liés à l’administration d’une substance délétère ont été traités par le Service de police de la
Ville de Gatineau (SPVG). «Dans un bar comme celui-là, si on ne veille pas les uns sur les autres, ça peut être très rapide. On ne peut pas le soupçonner. Les témoins n’auraient pas été là
pour le voir si on m’avait déplacée puis ramenée», affirme-t-elle, avouant avoir repassé des dizaines de fois le fil des événements dans sa tête avec les témoins pour voir comment on a pu
déjouer son attention et qui pourrait avoir posé un tel geste. Dans son cas, insiste-t-elle, il n’y pas d’autre avenue possible: l’action ne peut avoir eu lieu qu’entre le moment où le verre
a été servi [au comptoir] et qu’il est arrivé entre ses mains, n’ayant n’a pas été déposé sur aucune table. «On s’est posé la question s’il y a eu des signes, si on avait pu voir quelque
chose, décrit-elle. Après, tu te mets à te poser des questions: ah oui, il nous a regardés d’une drôle de manière, il me semble que l’autre avait l’air louche, etc. Mais on ne peut pas le
savoir, juger comment ça s’est fait.» > Depuis que Marie-Eve a raconté sa mésaventure sur les réseaux > sociaux, elle a reçu de nombreux témoignages de gens à qui > c’est arrivé et
a entre autres appris que l’une des tendances > est de «tester la marchandise» sur des gens au plus grand gabarit, > comme elle. «Il est donc possible que j’ai été ciblée pour tester
la dose qui ensuite est utilisée sur une fille, une victime qui est correcte, entre guillemets, pour être traînée facilement. C’est dégueulasse quand tu y penses, car si moi j’étais
complètement sonnée, si ça avait été administré à une femme plus petite, il aurait possiblement eu des risques de surdose, lance-t-elle. C’est ça qui est dramatique, c’est un bar qu’on
connaît, un milieu que je fréquente, des endroits où je suis à l’aise de sortir. On se dit toujours que ça ne nous arrivera pas.» UN SEUL REGRET Son regret: avoir attendu plus de deux jours
avant de se présenter au poste de police pour porter plainte et remplir un rapport. Le problème, c’est que les jours suivants étaient pénibles, notamment au niveau cognitif, dit la mère de
famille. Or, il ne faut pas sous-estimer l’impact qu’a la dénonciation d’un tel événement, à son avis, avec le recul. «J’ai l’impression qu’il y a une honte. C’est rattaché quand même à une
situation de_ party_, alors quand tu sors, tu sais que tu vas consommer de l’alcool, déjà tu sais que tu es en situation de méfait même si le méfait est légal (rires). Tu peux te dire:
“c’est de ma faute, j’ai pas surveillé mon verre, j’ai trop bu, j’étais pas bien entourée, à quoi ça sert, etc”, dit-elle. Mais plus le nombre est grand [de plaintes], plus la cause est
priorisée.» Il ne faut pas non plus être gêné de n’avoir que très peu, voire aucun souvenir précis des événements, ajoute Marie-Eve. «Moi, de minuit à midi ce jour-là, j’ai seulement de très
vagues souvenirs. C’est sûr que c’est intimidant de s’asseoir devant un policier et dire: j’ai reçu la drogue du viol et je ne me souviens plus de rien. Tu te rends vulnérable à cette
situation-là, explique-t-elle. Ça sert à noter qu’il y a eu une infraction, un méfait. Que tu ne te rappelles de rien, ce n’est pas grave.» Se décrivant comme une fière ambassadrice du
Vieux-Hull, la Gatinoise confie que l’idée de fréquenter moins le centre-ville et de rester à la maison par prudence dans les prochains mois lui a traversé l’esprit le temps d’un instant,
mais une fois le choc passé, elle a changé d’idée. Hors de question de céder à la peur et à l’angoisse. > «Je n’ai rien vu. Alors la seule chose que ça peut voir comme > impact sur
moi, c’est de diminuer mes sorties, mes > fréquentations, mais je n’ai pas le goût de cela. J’ai le > goût de faire confiance, je peux difficilement être encore plus > vigilante.
C’est vraiment une situation d’infortune qui s’est > passée en une fraction de seconde. Et je ne veux même pas appeler > ça un manque de vigilance, c’est un geste qui a été camouflé
> que personne n’aurait pu prévoir.» > — Marie-Eve Son conseil pour les gens lors de telles sorties, maintenant qu’elle a vécu cet incident? «Il faut sortir entouré, rester en groupe,
s’assurer que chacun veille sur l’état naturel de consommation des uns et des autres. [...] Et si on soupçonne quoi que ce soit, on sort la personne, on la met en sécurité», répond-t-elle.
Dans une société de plus en plus individualiste et méfiante, Marie-Eve souhaite à tout prix ne pas verser dans la paranoïa. «La méfiance n’est pas une bonne chose au niveau sociétal, il faut
quand même se permettre de vivre, d’être moins individualiste, de se rassembler, de vivre de belles expériences, s’exclame-t-elle. C’est plate à dire, ça crée un certain voile de prudence
supplémentaire, mais dans notre société, si on fait juste avoir peur de tout ce qu’on pourrait vivre, on ne fera rien.» CONSEILS DE PRÉVENTION Le gamma-hydroxybutyrate, ou GHB, appartient à
la catégorie des dépresseurs. Il agit sur le système nerveux central en engourdissant le cerveau et en ralentissant le fonctionnement du corps. La substance a parfois un goût légèrement salé
et savonneux, qui disparaît lorsqu’elle est mélangé à une boisson, de sorte qu’elle est très difficile à détecter lorsqu’elle est dissoute dans un verre de boisson alcoolisée, car elle ne
sent et ne goûte rien. Par ailleurs, à l’approche des bals des finissants, le SPVG encourage les parents à ouvrir un dialogue avec leurs ados au sujet à la fois des conséquences possibles de
laisser une consommation sans surveillance mais aussi, à l’inverse, des conséquences possibles d’administrer une substance délétère dans la consommation d’autrui, un acte passible
d’accusations en vertu du Code criminel. Règle générale, jeune ou pas, la police recommande entre autres de planifier sa soirée avec le groupe qui nous accompagne avec par exemple un contrat
verbal; de n’accepter aucune consommation d’un inconnu; de garder un œil vigilant sur son verre et son entourage; de même que ne pas goûter à la consommation d’autrui, et ce même si on
connaît la personne, la plupart des victimes d’agression sexuelle connaissant leur agresseur. Pour qu’une trousse urinaire soit réalisée à l’hôpital, l’intoxication doit avoir eu lieu dans
les 48 dernières heures, la personne victime doit donner son consentement pour l’analyse toxicologique et le partage des informations avec le service de police et cette dernière ne doit pas
avoir subi une agression sexuelle ou avoir des doutes à cet effet.