
La cour d’appel ordonne la fermeture des puits d’hydrocarbures
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Les compagnies souhaitaient maintenir ces puits en mode potentiellement actif en attendant la fin du litige, un recours qui durera encore au moins deux ans avant qu’une décision ne soit
rendue sur le fond, à moins qu’une partie n’abandonne la lutte. Aucun signe ne penche toutefois vers un abandon. La Cour d’appel ordonne donc aux compagnies de fermer entre cette année et
2027 les puits présentant des risques pour la santé des citoyens habitant à proximité, et entre 2027 et 2029, les autres puits. Le litige entre les firmes pétrolières et l’État québécois a
pris forme progressivement en 2018 avec l’entrée en vigueur de la Loi sur les hydrocarbures, sous le régime du Parti libéral. Ses règlements d’application gardaient une porte ouverte pour
les forages, mais ils restreignaient jusqu’à un certain point les activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures. > En 2022, le gouvernement de la Coalition avenir Québec a
adopté la > Loi visant à mettre fin à la recherche et à la production > d’hydrocarbures. Cette loi est venue interdire les activités > d’exploration et d’exploitation
d’hydrocarbures sur tout le > territoire du Québec. Elle a révoqué les licences des entreprises et elle a aussi mené à l’établissement d’un programme d’indemnisation, porteur d’une somme
de 100 millions de dollars lors de l’entrée en vigueur de la loi. Le Centre québécois du droit à l’environnement, le CQDE, a adopté cette cause, précise son porte-parole, l’avocat Marc
Bishai. «Notre organisme est intervenu afin de faire entendre la voix citoyenne dans cette cause. Nous trouvons qu’un troisième pôle est important dans ce litige. C’est la voix citoyenne qui
a changé la perspective dans cette cause au cours des 15 dernières années», soutient M. Bishai. «Notre rôle en est un d’intervenant. On représente les citoyens. Le gouvernement,
heureusement, se défend bien […] C’est rassurant de voir que le gouvernement défend sa loi avec vigueur», ajoute l’avocat du CQDE. LE FOND DU LITIGE La période 2013-2018 a été marquée par
une cause assez médiatisée à l’époque, la poursuite de la firme Gastem contre le village gaspésien de Ristigouche Sud-Est. La compagnie alléguait que la municipalité avait adopté de façon
intempestive et abusive un règlement de protection de son eau potable en interdisant tout forage pétrolier à moins d’un kilomètre d’un puits artésien. > En février 2018, la Cour
supérieure a débouté Gastem et l’a > forcée à verser 164 000$ à la municipalité pour rembourser ses > frais légaux et payer une firme de relations publiques qui > l’avait aidée dans
une campagne de financement populaire. > L’État québécois avait alors refusé d’aider > Ristigouche-Sud-Est, qui comptait 158 citoyens. Gastem n’a jamais > remboursé le village.
C’est dans cette mouvance que le gouvernement a adopté sa Loi sur les hydrocarbures et que des firmes pétrolières et gazières détentrices de permis d’exploration ont intenté une première
action en justice contre l’État québécois en raison des restrictions qui y étaient contenues. Les compagnies réclamaient des dommages-intérêts. Ces firmes, dont Gaspé Énergies et Questerre,
allèguent être collectivement titulaires de 101 permis d’exploration et de production. Elles disent aussi posséder 53 puits forés en lien avec ces licences. Ces permis ont été délivrés en
vertu de la Loi sur les hydrocarbures. Les mêmes compagnies ont monté leur contestation d’un cran lors de l’adoption de la Loi visant à mettre fin à la recherche et la production
d’hydrocarbures au Québec. Cette fois, elles invoquent l’article 6 de la Charte québécoise qui protège le «droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la
mesure prévue par la loi». Les compagnies allèguent qu’elles sont victimes d’une «expropriation déguisée». > Elles évaluent leurs pertes potentielles à quelques milliards de >
dollars, la somme qui aurait été hypothétiquement touchée comme > ventes si des découvertes majeures de pétrole et de gaz avaient > été réalisées en sol québécois. Les entreprises
contestent ainsi dès 2022 la constitutionnalité de plusieurs articles de cette «loi sur la fin des hydrocarbures». Dans cette même requête, les firmes ont demandé au tribunal de façon
préliminaire de suspendre l’effet des articles de la loi les obligeant à fermer leur puits, avant l’audience portant sur le fond de l’argumentaire, nommément le débat constitutionnel. Les
entreprises ne voulaient pas être obligées de fermer leurs puits pendant que le dossier cheminait en cour. Le 25 janvier 2024, la Cour supérieure leur a accordé cette suspension, un verdict
que l’État québécois a porté en appel. La permission d’en appeler a été accordée le 17 avril 2024, l’audience s’est tenue le 10 octobre 2024 et la Cour d’appel a infirmé, dans le jugement du
22 mai, la décision de la Cour supérieure. Les firmes pétrolières et gazières doivent maintenant fermer leurs puits. Aucune firme de ce groupe n’a jusqu’à maintenant postulé pour se
prévaloir du programme d’indemnisations de 100 millions de dollars. LA SUITE DES CHOSES Me Marc Bishai croit que, si les étapes procédurales avancent sans anicroches, les entreprises et le
gouvernement devraient avoir terminé de préparer le dossier et seront prêts à demander une date d’audience pour plaider la question constitutionnelle avant la fin de 2025. «Cette audience
sur le fond devrait avoir lieu au plus tôt en 2026 ou en 2027, et un jugement sera en principe rendu dans les six mois suivants», avance-t-il. Il est prévisible, si l’une ou l’autre des
parties est insatisfaite du prochain verdict, qu’une permission d’en appeler s’ensuive, dit-il. Si cet éventuel jugement conclut que la loi mettant fin aux activités d’hydrocarbures est
inconstitutionnelle, il faudra établir si les entreprises ont droit à des indemnisations et des dommages-intérêts, et, si oui, déterminer ces montants. > «Il faut garder en tête que ce
dossier risque de durer au minimum > plusieurs mois, peut-être quelques années», conclut Me Bishai. «La participation du CQDE à la cause ne découle pas seulement de nos efforts contre la
lutte aux changements climatiques, mais de la volonté de s’économiser un grand passif environnemental, quand on pense aux vieilles mines et aux vieux puits», ajoute-t-il. Plusieurs dizaines
de puits ont été forés avant l’adoption d’une loi québécoise spécifique à l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures. Ces puits fuient dans bien des cas. La portée des règlements menant
à leur fermeture reste floue pour le moment.