Administrateur de copropriété, la galère!

Administrateur de copropriété, la galère!


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Car tous les C.A. de condo devraient compter une Kristine Dubeau. J’en ai rencontré une l’autre jour, je l’ai trouvée après avoir lancé un appel sur le groupe Facebook «Condo admin», elle se


nommait justement Kristine Dubeau, quel hasard! Je cherchais un administrateur (ou une administratrice) en vue d’une série sur des individus qui se dévouent pour un groupe largement


indifférent. «Des rôles ingrats», c’est comme ça que j’ai présenté mon petit projet estival au journal. J’ai voulu m’en assurer dans le dictionnaire: «Ingrat: qui ne donne pas les résultats


auxquels on s’attendait; qui ne dédommage pas de la peine qu’on s’est donnée. _Ex: une tâche ingrate_», selon une des définitions présentées par Antidote. Ce n’est pas tout à fait le sens


auquel je pensais. Il y a cette autre définition qui colle mieux à l’idée que j’avais en tête, pour autant qu’on tourne un peu la tête: «Qui n’éprouve aucune reconnaissance pour les


bienfaits reçus. _Ex: fille ingrate._» Voilà! Mon objet se définit par sa périphérie. Devant l’effort qui leur est consacré, il s’en trouve toujours quelques-uns pour savoir dire «merci»,


autant pour s’en plaindre, et, entre les deux, il y a la majorité qui s’en fout. C’est exactement ce qui se passe avec une administratrice de petite copropriété comme Kristine Dubeau.


COMMENT ÇA MARCHE, UN CONDO? Lorsqu’il s’agit d’une maison ou d’un immeuble à logements, la gestion repose sur les épaules des propriétaires. Dans le cas d’une copropriété divise, cette


responsabilité incombe au syndicat, une entité juridique représentant l’ensemble des copropriétaires. Sur le plan opérationnel, ce mandat est confié à un conseil d’administration, formé de


quelques copropriétaires élus en assemblée générale. Dans les grandes copropriétés, la gestion est souvent sous-traitée à des professionnels, mais, dans une petite comme celle où habite


Kristine Dubeau, à Longueuil, ce sont les administrateurs qui s’en chargent. Point important: une copropriété est composée d’un actif immobilier à l’intérieur duquel habite une communauté


bigarrée. Dans ce groupe, on compte toujours plusieurs spécimens dont les intérêts et les préoccupations gravitent autour de leur nombril, alors que le profil idéal pour vivre en copropriété


devrait plutôt pencher vers le «collectif». Ça complique le travail. Gérer une copropriété, c’est aussi transiger avec diverses personnalités. ADMINISTRATRICE PAR VOCATION Sur le plan


professionnel, Kristine Dubeau est gestionnaire dans une entreprise d’édition. Je n’ai pas noté le nombre d’années durant lesquelles elle a habité en copropriété, mais je peux vous dire


qu’elle s’implique depuis neuf ans dans la gestion des deux copropriétés où elle a vécu jusqu’à maintenant. Au début, c’était pour assister une présidente de syndicat sur le plan


administratif et technologique. Elle a accumulé des responsabilités avec le temps, surtout depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la copropriété (loi 16), à un point tel qu’elle


s’est rendue indispensable. Quand elle a annoncé son départ pour une autre copropriété, on l’a suppliée de conserver des responsabilités le temps de compléter une transition. «Je n’avais pas


l’intention de m’impliquer dans le syndicat de ma nouvelle copropriété, mais un des trois postes au C.A. s’est libéré, personne ne levait la main pour prendre la relève, et certains aspects


de la gestion me dérangeaient. C’est comme ça que je me suis retrouvée dans deux syndicats en même temps», raconte la femme de 47 ans. Son rôle, c’est de veiller avec ses deux collègues à


l’entretien de l’immeuble, à la gestion du budget et à l’application de la déclaration de copropriété, dont les règlements. Concrètement, cela consiste à trouver des fournisseurs pour divers


travaux, à négocier avec les assureurs, à payer des factures, à tenir un registre des tâches à faire, à rappeler à Untel qu’il est interdit de fumer le cigare dans son unité, à Chose que


son balcon risque de pourrir s’il ne retire pas son tapis, au récalcitrant qu’il doit faire ramoner sa cheminée à ses frais. Elle fait preuve de discernement, elle ne verse pas dan_s


_l’excès de zèle, elle s’affaire surtout à éduquer ses voisins. Quand même, ses interventions ne lui valent pas des câlins. Elle raconte qu’une négligence d’un copropriétaire a fait en sorte


qu’une famille d’oiseaux avait élu domicile dans l’entretoit de leur immeuble. La résolution du problème revenait au copropriétaire, mais comme il semblait démuni côté initiative, elle a


passé des heures au téléphone et sur Internet pour trouver une entreprise spécialisée capable de déloger les volatiles. «Quand je lui ai dit qu’il devait régler la facture, j’ai eu droit à


une crise monumentale.» Lors de la dernière assemblée générale, l’administratrice a été prise à partie par une copropriétaire qui s’est défoulée pendant 20 minutes. Une autre fois, un


occupant l’a appelée pour que quelqu’un vienne ramasser les circulaires parties au vent, il les voyait virevolter sur le terrain. ELLE AIME ÇA QUAND MÊME J’enfile les anecdotes négatives,


mais Kristine Dubeau réussit tout de même à y trouver son compte. L’ancienne chargée de projets met en œuvre ses compétences professionnelles, elles les peaufinent dans un contexte


différent. En plus, elle prend le temps de se tenir à jour en gestion de copropriété. Elle est abonnée à toutes sortes d’infolettres sur le sujet, elle consulte régulièrement le site


spécialisé CondoLegal, elle fréquente des groupes Facebook dédiés à la copropriété. Bientôt, les responsabilités des syndicats de copropriété seront élargies. Ils devront produire des


attestations sur l’état des lieux pour d’éventuels acheteurs d’une unité, ce qui alourdira leurs tâches. Un bon nombre d’administrateurs de copropriétés n’ont pourtant aucune compétence pour


occuper un tel poste. Ils se retrouvent sur le C.A. de leur syndicat à leur corps défendant, désespérés, car dans beaucoup de petites copropriétés, c’est chacun à son tour. -Kristine, te


rends-tu compte que tu vas être administratrice de copropriété toute ta vie, toi? -Ouin, j’en ai bien peur. SI VOUS DÉSIREZ RÉAGIR À CETTE CHRONIQUE, ÉCRIVEZ-NOUS À [email protected].


CERTAINES RÉPONSES POURRAIENT ÊTRE PUBLIÉES DANS NOTRE SECTION OPINIONS. SI VOUS VOULEZ CONTACTER DIRECTEMENT NOTRE CHRONIQUEUR, VOUS POUVEZ LE FAIRE À [email protected].