Qui a inventé la journée internationale des droits des femmes?

Qui a inventé la journée internationale des droits des femmes?


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QUI A INVENTÉ LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES ? FOCUS - Instaurée le 8 mars par l'ONU en 1977, cette journée de lutte pour les droits de la femme a en réalité des


origines bien plus anciennes et complexes. Publicité Sommaire * Prostestation contre «_l’Année de la femme_» * Des origines complexes * En France, une première manifestation en 1913 *


Instauration d'un mythe Ce mercredi 8 mars, des milliers de manifestants se réuniront dans la rue pour lutter pour le droit des femmes. Mais d'où vient cette idée ? De quand


date-t-elle ? Et pourquoi le 8 mars ? PROSTESTATION CONTRE «_L’ANNÉE DE LA FEMME_» En France, le 8 mars a été récupéré par le Mouvement de libération des femmes (MLF), institution féministe


historique marquée à gauche, pour manifester contre l'instauration de «_l'Année de la femme_» par l'ONU en 1975. Pour Marie-Jo Bonnet, pionnière du MLF, c'était alors


comme une évidence de manifester. Elle écrit dans son livre _Mon MLF _: «_Nous avons toutes été d'accord (...) ce 8 mars 1975 pour refuser “de nous laisser enfermer dans une année


gadget, dans un programme, un cadre, une date”_». Sylvie Chaperon, historienne et spécialiste de l'histoire des femmes, rappelle que ce rejet ne «_concerne pas toutes les féministes car


certaines étaient enthousiastes à cette idée d'institutionnalisation. C'était les plus radicales qui ne souhaitaient pas l'année de la femme_». Deux ans plus tard, l'ONU


 promulgue le 8 mars comme journée internationale des droits des femmes. «_Historiquement on fait référence au soulèvement des femmes russes le 8 mars 1917_», affirme Carlotta Gradin,


vice-présidente plaidoyer d'ONU Femmes France. En France, c'est en 1982 que cette date est officiellement reconnue, sous l'impulsion d'Yvette Roudy alors ministre


déléguée aux droits des femmes. Cependant, l'histoire de cette journée internationale a des origines complexes et suit une multitude d'histoires. DES ORIGINES COMPLEXES «_On a


commencé nos recherches en pensant que ça allait être facile de retrouver son origine, on était loin d'imaginer que ça allait être une véritable enquête !_», s'amuse Liliane


Kandel, sociologue et essayiste féministe. En 1975, Françoise Picq, trois autres camarades et elle doivent écrire pour le premier numéro du magazine _Histoire d'Elle _sur


l'histoire de la journée internationale des droits de la femme. Pour tout comprendre, il faut remonter au début du XXe siècle. C'est Clara Zetkin, figure allemande du féminisme


socialiste , qui propose la création d'une journée des femmes lors du congrès socialiste de 1910 à Copenhague, sur le modèle du Women's day des femmes socialistes américaines. Pour


Liliane Kandel, «_ces femmes qui participaient au mouvement étaient partie prenante de l'aile dure de la sociale démocratie allemande qui pensait que la lutte des classes devait être


supérieure à n'importe quelle autre lutte, dont le féminisme_». Dans ce contexte marxiste, elles s'opposaient notamment au féminisme bourgeois qui revendiquait le droit de


suffrage. «_C'était une question de priorité, pour Clara Zetkin et les autres, il n'y avait pas d'émancipation possible des femmes sans une révolution socialiste, alors que


pour les bourgeoises cela passait par le droit de vote_», explique Liliane Kandel. «_Le fait que certaines féministes bourgeoises soient prêtes à accepter le suffrage censitaire rendait


l'union impossible_», affirme Sylvie Chaperon. EN FRANCE, UNE PREMIÈRE MANIFESTATION EN 1913 L'année suivante, le parti social-démocrate allemand décida d'organiser la


première édition le 19 mars 1911. Pour Liliane Kandel, Cette date a une forte empreinte socialiste puisqu'elle «_correspond à la révolution allemande en 1848 à Berlin et à la Commune de


Paris». _Dans les premières années qui suivirent, des manifestations eurent lieu en Autriche, en Allemagne , au Danemark, en Suisse... à des dates variables selon les pays. En France une


première manifestation a été organisée en 1913. Parallèlement, le 8 mars 1917 (23 février du calendrier russe), les femmes de Saint-Pétersbourg descendent dans les rues pour manifester


contre la vie chère et le retour des soldats. «_Pour Trotski, il s'agit du premier acte de la révolution russe_», affirme Liliane Kandel. Cette date devient alors une fête communiste


qui célèbre la révolution et les luttes de libération partout dans le monde. Chaque 8 mars, «_des meetings importants on eut lieu dans lequel les femmes sont mises à l'honneur sans pour


autant qu'on leur attribue une parole politique véritable ». _«_La date va s'imposer petit à petit pour célébrer cette journée_», déclare Sylvie Chaperon. «_Après la Seconde


Guerre mondiale, une association féministe appelée Union des femmes française est _ _créée en 1944 afin, entre autres activités, d'organiser les 8 mars. L'association se présentait


comme indépendant mais elles obéissaient tout de même au mot d'ordre communiste_», poursuit-elle. INSTAURATION D'UN MYTHE On pourrait alors attribuer la décision de célébrer cette


fête du 8 mars en référence à ce soulèvement des femmes communistes, comme l'a fait l'ONU. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. En 1955, une tout autre version est née


dans la presse communiste française et s'est rapidement répandue dans différents pays. Cette année-là, on retrouve dans les pages de l'_Humanité_ cette phrase : «_Il était une fois


à New York, en 1857, des ouvrières de l'habillement. Elles travaillaient dix heures par jour dans des conditions effroyables, pour des salaires de misère. De leur colère, de leur


misère naquit une manifestation..._». Il s'agit en réalité d'un mythe que les deux historiennes Françoise Picq et Liliane Kandel ont révélé lors de leurs recherches. Elles


démontrent qu'il n'existe aucune référence à ces manifestations du 8 mars dans la presse américaine ou dans les archives des mouvements ouvriers et féministes des États-Unis. Selon


Sylvie Chaperon, «_l'idée était de faire une sorte de main tendue vers le bloc de l'Ouest et surmonter la marginalisation des mouvements communistes qu'imposait la Guerre


froide_». S'il est aujourd'hui admis que cette origine était fausse, elle a pourtant servi de référence jusque dans les années 80. Comme fin mot de l'histoire, on peut dire


qu'il n'y a pas eu d'événement fondateur particulier mais plutôt des événements indépendants qui se sont entremêlés et ont abouti à la journée que nous connaissons


aujourd'hui. Il reste que, pour Carlotta Gradin, «_on ne peut pas s'arrêter à une journée. Il est fondamental d'agir et de sensibiliser surtout dans un contexte de recul du


droit des femmes dans certains pays_».