
Notre critique du répondeur: la voix royale
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CRITIQUE - Dans cette comédie de Fabienne Godet, Denis Podalydès incarne un écrivain qui engage un imitateur pour répondre au téléphone à sa place afin de pouvoir écrire tranquillement. Un
pari osé mais réussi. Publicité Dans _Voix off_ (Mercure de France), Denis Podalydès fait part de son sentiment la première fois qu’il a écouté son enregistrement de l’_Apologie de Socrate_,
de Platon, un livre audio pour les Éditions Thélème. _« Déception, migraine, aphasie solitaire, _écrit le sociétaire de la Comédie-Française en 2008. _Ma voix n’est pas telle que je
l’entends, telle que je la veux, telle que je la profère, de l’intérieur de la tête, de la gorge, de la bouche. Trahison. Elle ne parle pas comme les autres, n’édifie ni ne figure aucun
monde, aucun paysage. Me faudra-t-il attendre, vieillir un peu, connaître quelques épreuves ? Que la voix s’aggrave, que le rythme se précise, que la langue se délie ? Attendre que les
années passent, que ma propre voix me devienne étrangère, celle d’un autre ? »_ Les années ont passé et la voix de Podalydès a vécu, sinon des épreuves, du moins l’épreuve du temps. Timbre
plus grave, rythme plus précis, légèrement nasillarde, elle est aujourd’hui reconnaissable entre mille – on parvient même à la distinguer de celle de son frère Bruno. Elle est devenue
inimitable, c’est-à-dire parfaitement imitable. On devine que l’acteur a accepté _Le Répondeur_ pour voir – et entendre – ce que cela fait, sa voix dans le corps d’un autre. STRATAGÈME
COMPLIQUÉ Tout ça peut sembler très conceptuel. Ça ne l’est pas : _Le Répondeur_ a obtenu le prix du public au Festival de comédie de l’Alpe d’Huez. Le film de Fabienne Godet, adaptation du
roman de Luc Blanvillain (Quidam éditeur), est l’histoire de Pierre Chozène, un romancier un peu célèbre – il a obtenu le prix Goncourt en 2009, pure fiction puisque le lauréat, cette
année-là, est une lauréate : Marie Ndiaye pour _Trois femmes puissantes_. Son métier n’est pas banal. Son existence n’en est pas moins la même que celle d’un homme ordinaire, détenteur d’un
téléphone portable, dérangé par les fâcheux ou simplement son entourage - son éditeur, sa fille Elsa, son ex-femme… Pierre a besoin de solitude et de tranquillité pour écrire son prochain
livre, un texte sur son père, loin d’être le plus grand admirateur de son œuvre. Plutôt que résilier son abonnement auprès de son opérateur, Chozène choisit un stratagème compliqué : confier
son téléphone portable à quelqu’un d’autre, capable d’imiter sa voix. Ce quelqu’un d’autre se nomme Baptiste, imitateur qui vivote de son art à Paris, se produisant devant un public
clairsemé. Salif Cissé (_À l’abordage_) a plus le physique d’un pilier de rugby que celui d’un Thierry Le Luron mais il est crédible puisqu’il est doublé par Michaël Gregorio, imitateur
professionnel qui chante plus qu’il ne parle. Baptiste, d’abord réticent, accepte la proposition de Chozène, et son argent. De simples fiches lui donnent des informations rudimentaires sur
le répertoire de l’écrivain. Charge à Baptiste, double vocal, Frankenstein téléphonique, de temporiser, de broder, d’improviser. LAUREL ET HARDY COMPLICES DANS LE MENSONGE L’argument est
invraisemblable et sera sans doute obsolète dans un futur proche quand l’intelligence artificielle reproduira la voix de n’importe quel utilisateur de portable pour répondre à sa place. En
attendant, il est un bon moteur de comédie et source de quiproquos. Marivaux l’aurait peut-être imaginé s’il avait été un dramaturge du XXIe siècle. Bizarrement, Baptiste ne met pas à profit
le réseau de Chozène (un prix Goncourt fréquente pourtant du beau monde) pour donner un coup de pouce à sa carrière. Mais il se rapproche d’Elsa (Clara Bretheau), la fille de Pierre,
artiste peintre, dont il devient le modèle. Il permet aussi à Pierre de renouer avec une ancienne amante, Clara (Aure Atika). La supercherie ne tiendra qu’un temps. On guette le faux pas du
duo formé par Baptiste et Pierre, Laurel et Hardy complices dans le mensonge. On ne se lasse pas d’entendre la voix de Denis Podalydès lui devenir étrangère, prodige aussi drôle que
fascinant. La note du _Figaro_ : 3/4