Dépenses honteuses, habitudes de paiements, détail des économies... La rétrospective d’une néo-banque fait grincer des dents

Dépenses honteuses, habitudes de paiements, détail des économies... La rétrospective d’une néo-banque fait grincer des dents


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Calqué sur la rétrospective de Spotify, le «récap» lancé par la banque en ligne britannique n’a pas fait l’unanimité auprès de ses clients. Certains n’ont pas apprécié de se voir ainsi


épinglés dans leurs habitudes de consommation. Publicité Sur le papier, l’idée était bonne. Reprenant le principe de la «_rétrospective musicale_» proposée par la plateforme de streaming


Spotify et bien d’autres, la néobanque Monzo a décidé de concocter une petite synthèse personnalisée pour chacun de ses clients. Un bulletin ludique dans lequel la banque en ligne passe au


crible les données de paiement de ses clients pour leur indiquer où et quand ils ont le plus dépensé d’argent en 2023, mais aussi le détail de leurs économies... Les résultats agrégés


permettent ainsi de mettre en évidence un pic de dépenses réalisées dans les cinémas le 22 juillet, date de sortie des films _Oppenheimer_ et _Barbie_ , mais aussi de souligner le taux très


élevé de transactions nocturnes à Leicester, sacrée «_capitale anglaise de la fête_» par la banque. Sauf qu’à en croire les commentaires laissés sur les réseaux sociaux, certains clients se


seraient bien passés de ces révélations. Tout en partageant les résultats de leur rétrospective, de nombreux internautes se sont agacés des conclusions tirées par la banque en ligne sur X


(ex-Twitter). «_Pourquoi Monzo pense-t-il que j’ai besoin d’un récapitulatif de toutes mes habitudes honteuses ?_», a ainsi grincé un client anglais en apprenant qu’une bonne partie de ses


revenus annuels avait été dilapidée dans un bar londonien. Comme lui, des dizaines d’autres clients se sont émus de l’image renvoyée par la synthèse de leurs dépenses. En découvrant qu’elle


faisait partie des 5% de clients ayant le plus dépensé au distributeur automatique de boissons et de nourriture, une Britannique a indiqué avec humour «_qu’il s’agissait certainement de la


chose la plus triste_» qu’il lui soit jamais arrivé. «_Merci Monzo_», a-t-elle conclu ironiquement. Un jeune Américain n’a quant à lui pas digéré d’être rappelé à l’ordre pour ses commandes


à rallonge passées chez McDonald. «_Qui a décidé de laisser Monzo Bank concevoir une rétrospective? Ils m'ont juste traité de gros sans raison_», a-t-il pesté le 25 décembre. LES


RÉTROSPECTIVES, TERRAIN GLISSANT POUR LES ENTREPRISES Si ces réactions négatives ne sont pas forcément représentatives des 7 millions de clients de Monzo, elles en disent long sur les


limites des rétrospectives personnalisées, nouvelle marotte des entreprises. Dans un article que le _Figaro_ avait consacré sur le sujet le 23 décembre, une enseignante en marketing estimait


que les rétrospectives n’ont d’intérêt que si «_les marques en question ont des valeurs ou des affects positifs à véhiculer_». «_Les jeunes, en particulier, aiment à promouvoir leur


consommation responsable_», remarquait l’experte, citant l’exemple de la Retrainspective lancée par la SNCF. À l’inverse, les actes d’achats polluants ou peu éthiques ne font pas vraiment la


fierté des consommateurs. «_On imagine mal UberEat nous rappeler toutes les fois où nous n'avons pas eu la force de nous lever de notre canapé_», plaisantait alors la spécialiste. Il


semble bel et bien que Monzo soit tombé dans cet écueil... Pour Patrice Bernard, consultant financier et auteur du blog «_C’est pas mon idée_», le faux pas de la banque en ligne tient à la


difficulté de son sujet, l’argent. «_Ces manifestations reflètent l'immense_ _diversité de ressenti_ _des consommateurs quand il est question de leur argent, démultipliée


lorsqu'ils sont confrontés à leurs comportements et leurs contradictions en la matière_», note le spécialiste. La mésaventure de Monzo témoigne aussi de la lucidité accrue des clients,


désormais capables de discerner l’opération marketing derrière le cadeau personnalisé. «_C’est un avertissement pour l'ensemble du secteur financier quant au danger d'appréhender


tous les clients comme un groupe homogène, sur lequel les efforts de personnalisation servent uniquement des objectifs de marketing_», estime-t-il. Sans compter le sujet brûlant des données


personnelles, puisque chaque rétrospective de ce type rappelle le nombre colossal de data collectées par les géants de la tech. Pour les néo-banques, la question se pose avec d’autant plus


de prégnance que les données financières restent considérées comme des données sensibles. Pour l’heure, Monzo ne semble pas particulièrement préoccupé par la controverse née de son


opération. À ceux qui ne satisferaient pas des résultats de leurs rétrospectives, la fintech laisse entendre que les chiffres sont les chiffres. «_Nous sommes désolés d'apprendre que


vous n'êtes pas fan de votre année dans l'ère Monzo, mais nous ne pouvons pas réanalyser vos résultats_», lit-on sur son Internet. À rebours du «bad buzz», Monzo compte même sur


son initiative de fin d’année pour recruter de nouveaux clients en 2024. «_Commencez à dépenser et à économiser sur Monzo pour obtenir votre récap l’an prochain_», incite la néobanque.


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