
Martyre de l’a10 : le sort de ses parents au cœur d’un délicat imbroglio judiciaire
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MARTYRE DE L’A10 : LE SORT DE SES PARENTS AU CŒUR D’UN DÉLICAT IMBROGLIO JUDICIAIRE DÉCRYPTAGE - La récente mise en examen des parents pour «tortures ou actes de barbarie» est loin de clore
ce feuilleton judiciaire. Publicité Comment qualifier l’inqualifiable ? L’affaire de la «petite martyre de l’A10» vient de connaître une avancée primordiale. Le 13 septembre, la mère de la
fillette a été mise en examen de manière supplétive pour «_tortures ou actes de barbarie sur mineur de 15 ans_», fait savoir le parquet de Blois au _Figaro_, confirmant une information du
_Parisien_ . Selon nos informations, le père a été mis en examen du même chef le 19 septembre et l’information judiciaire a depuis été clôturée. Mais 36 ans après la découverte du corps
mutilé de la petite Inass, 4 ans, le long de l’A10, l’heure du procès n’a pas encore sonné, en raison d’un délicat imbroglio juridique. ENQUÊTE SUR L'INCONNUE DE L'A10 Après trente
ans de persévérance, l’annonce, en juin 2018, de l'arrestation des parents de la petite inconnue de l'A10 a suscité un immense soulagement pour chaque gendarme et magistrat ayant
travaillé sur le dossier. Tous gardaient en mémoire ce petit corps martyrisé abandonné sur le bas-côté de la route, portant des traces de morsures humaines et de brûlures. «_On pouvait enfin
rendre justice à cette petiote, la réhumaniser_», confiait le procureur de Blois Frédéric Chevallier, lors d’un entretien avec _Le Figaro_ . CONTUSIONS, MUTILATIONS, FRACTURES Dans un
premier temps, Halima T. et Ahmed T. ont été mis en examen pour «_meurtre_», «_recel de cadavre_» et «_violences habituelles sur mineur de moins de 15 ans_», et placés en détention
provisoire. En juin 2019, Maître Frank Berton, représentant le père de la fillette, obtient la remise en liberté et le placement sous contrôle judiciaire de son client. Pour des raisons de
santé, la mère, âgée de 69 ans, est à son tour libérée en août 2020 et assignée à résidence sous surveillance électronique. L'instruction se poursuit, notamment par l'audition des
six autres enfants de la fratrie, afin de faire la lumière sur ce couple enfermé dans le secret pendant trois décennies. Avec en creux une épineuse question : comment qualifier les violences
dont a été victime Inass ? À l’été 2022, le parquet de Blois demande au juge d'instruction de retenir les faits de «_meurtre sur mineur de moins de 15 ans_» pour la mère et
«_complicité de meurtre_» pour le père. Aux yeux du parquet, la volonté de tuer d’Halima T. ne ferait aucun doute. Il s’appuie sur le rapport d’autopsie du médecin légiste, qui a dressé un
terrible inventaire des sévices subis par l’enfant : des contusions sur la peau liées à des «_gifles, coups de poing et de pied_» mais aussi avec des objets, «_une vingtaine de lésions de
morsure_» avec des mutilations à la poitrine, des cicatrices de brûlures au cou ou au périnée, des fractures d’âges et de localisation différentes… «_Ces lésions traumatiques couvrent la
quasi-totalité de la surface corporelle et ne peuvent s’expliquer que par la survenue de violences multiples et répétées dans le temps_», considère le médecin légiste. Les violences sont
tellement graves et étendues dans le temps que la mère ne pouvait ignorer qu’elles aboutiraient à la mort de son enfant, estime le parquet. UNE VOLONTÉ DE TUER ? Mais en novembre 2022, le
juge d'instruction rend une ordonnance de mise en accusation qui ne suit pas les demandes du parquet. Le magistrat requalifie les faits en «_violences volontaires ayant entraîné la mort
sans intention de la donner (…)_» sur un mineur par un ascendant pour la mère, et de «_complicité_» pour le père. Selon son analyse, l’absence de violence sur un organe vital pose le doute
sur l’intention réelle de la mère. La nuance est cruciale : la peine encourue passerait de la perpétuité à 20 ans de prison, ce qui pousse aussitôt le parquet de Blois à faire appel de cette
ordonnance. Pour tous ceux qui ont été marqués par le sort d’Inass, cet appel repousse le moment de lui rendre enfin justice. En avril dernier, la chambre de l'instruction de la cour
d'appel d'Orléans demande cette fois la mise en examen supplétive des parents pour «_actes de torture et de barbarie_». «_Ce chef d’accusation_ _se distingue des violences
classiques par l’atteinte qui est faite à la dignité de la personne, ce qui est de toute évidence le cas ici_», observe auprès du _Figaro_ l’avocate Me Agathe Morel, représentant
l’association Enfance et Partage, constituée partie civile. La chambre de l'instruction ne peut en effet pas demander un renvoi pour un crime pour lequel les mis en cause n'ont pas
été mis en examen. La peine encourue lorsque ces actes ont entraîné la mort est alors la même que pour le meurtre aggravé : la perpétuité. À la suite de la mise en examen supplétive des
parents en septembre et de la clôture de l’instruction le 5 octobre, toutes les parties vont bientôt être reconvoquées devant la chambre de l'instruction pour un nouveau débat. Puis,
celle-ci rendra sa décision sur la mise en accusation d'ici à la fin de l'année. Mais selon toute vraisemblance, le périple judiciaire ne devrait pas s’arrêter là. APPLIQUER LE
CODE PÉNAL DE L'ÉPOQUE Si la chambre de l’instruction retient les «_actes de torture et de barbarie_» comme chef d’accusation, un obstacle pourrait de nouveau se poser. L’application de
la loi dans le temps dispose que l’on doit juger en appliquant les textes du Code pénal en vigueur lors de la commission des faits. Or, en 1987, les «_actes de torture et de barbarie_» ne
constituaient pas une infraction autonome. Selon nos informations, la défense n’exclut pas de se pourvoir en cassation, ce qui retarderait alors de nouveau de plusieurs mois la tenue d’un
procès. Ce pourvoi laisserait la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire trancher sur le texte de loi à appliquer pour juger les parents de la petite inconnue de l’A10. Sans présager de
la décision des juges, Me Morel fait remarquer qu’en 1987, l'article 303 du Code pénal, abrogé depuis, prévoyait que «_seront punis comme coupables d’assassinat, tous malfaiteurs,
quelle que soit leur dénomination, qui pour l’exécution de leurs crimes, emploient des tortures ou commettent des actes de barbarie_». La peine de prison était alors la même : la perpétuité.