Macron annonce l'entrée «dans une économie de guerre» et demande «une réévaluation» de la loi de programmation militaire

Macron annonce l'entrée «dans une économie de guerre» et demande «une réévaluation» de la loi de programmation militaire


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«Nous allons devoir durablement nous organiser», a estimé le président de la République en inaugurant ce lundi le Eurosatory, près de Paris. Publicité La formule fait choc. Trois mois et


demi après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le chef de l'État Emmanuel Macron a souligné lundi les défis posés au secteur de la défense, celui «_ d'une


entrée dans une économie de guerre_». «_Nous allons devoir durablement nous organiser_», a-t-il déclaré en inaugurant le Eurosatory près de Paris, «_aller plus vite, réfléchir différemment


sur les rythmes, les montées en charge, les marges pour reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos armées, pour nos alliés, pour celles et ceux que nous voulons aider,


une économie où nous ne pouvons plus vivre avec la grammaire d'il y a même un an_», a-t-il prévenu. L'industrie de la défense doit se déshabituer au temps de paix pour accroitre


ses cadences. La formule est un avertissement. Le gouvernement envisage aussi, selon _Le Monde_, une modification législative pour pouvoir réquisitionner, dans certaines circonstances, des


entreprises civiles à des fins militaires. Pendant des décennies de paix, les industriels de la défense, ainsi que les états-majors, se sont habitués à produire des équipements à haute


valeur ajoutée en quantités limitées. En temps de guerre, où ces armes sont potentiellement utilisées, il faut produire plus vite. La question se pose notamment pour les munitions, dont les


stocks sont taillés au plus juste, voire au minimum. Mais si les économies occidentales veulent soutenir l'effort de guerre ukrainien dans la durée, elles vont devoir changer de


braquet. La semaine dernière, Kiev a affirmé avoir épuisé ses stocks hérités de l'ère soviétique. L'armée ukrainienne est désormais dépendante de l'aide extérieure. Les forces


russes l'ont compris en ciblant régulièrement la logistique arrière de son ennemi. Dans ce combat, le soutien américain est sans commune mesure avec celui, échantillonnaire, des


Européens. Depuis le 24 février, Washington a fourni pour 4,6 milliards de dollars d'aide à l'Ukraine. Si Emmanuel Macron veut demander un effort aux industriels de la défense, le


président a aussi suggéré un examen du budget militaire de la France. Depuis 2017, celui-ci est en hausse pour atteindre 40,9 milliards d'euros cette année. Le prochain budget, inscrit


dans la Loi de programmation militaire, prévoit une augmentation de 3 milliards. «_ J'ai demandé au ministre et au chef d'état-major des Armées de pouvoir mener dans les semaines


qui viennent une réévaluation de cette Loi de programmation militaire à l'aune du contexte géopolitique _», a demandé le chef de l'Etat. «_ Quand la menace augmente, les moyens


doivent suivre _», a-t-il ajouté. Si la LPM 2019-2025 a permis de «_ réparer _» certaines lacunes, comme disent les militaires, elle n'a pas comblé toutes les failles du modèle français


d'armée. La liste des besoins est interminable : munitions, drones, guerre électronique, avions de transport… DEUX POINTS DE DIFFICULTÉ Depuis le début de la guerre, le ministère des


Armées examine les points de faiblesse de sa chaine industrielle. «_ Il reste deux points de difficulté sur lesquels il faut continuer à progresser, à la lumière des perspectives de conflits


de haute intensité _», assurait pour sa part en mai le délégué général à l'armement Joël Barre, lors d'une audition au sénat : «_ Il s'agit du maintien en condition


opérationnelle de nos équipements, de la performance des disponibilités, en particulier pour les aéronefs, et de la mise à niveau des stocks de munitions et de rechanges _». «_Dans le cadre


du conflit ukrainien, nous avons engagé avec nos industriels un exercice d'identification des capacités d'accélération de production industrielle _», ajoutait-il. «_ Il


s'agissait de voir avec Safran, Thales, Nexter, ou encore MBDA comment nous pourrions préparer une éventuelle montée en cadence de nos capacités de production, et d'identifier les


éventuels goulets d'étranglement susceptibles de se trouver dans les chaînes d'approvisionnement ainsi que les dépendances à des fournitures étrangères susceptibles de poser des


problèmes critiques en cas de crise. Nous étudions les possibilités de constituer des stocks de composants à longs délais d'approvisionnement. En moyenne, la moitié du cycle de


production de nos commandes correspond à de l'approvisionnement long, ce qui est très significatif _», expliquait Joël Barre. Créer des stocks permettrait de lisser la production et


d'éviter les ruptures dans le rythme de production. À deux semaines d'un sommet de l'OTAN, d'un conseil européen et de la fin de la présidence française de l'Union


européenne, Emmanuel Macron tente de pousser une nouvelle fois son ambition d'autonomie stratégique européenne. Les augmentations de dépenses militaires, décidées partout au sein de


l'Union, devraient soutenir la base industrielle européenne, espère-t-il. «_ Dépenser beaucoup pour acheter ailleurs n'est pas une bonne idée _», a-t-il martelé. «_ L'heure


est à la mise en place d'une préférence européenne _», a-t-il dit. Mais l'urgence et la concurrence ne jouent pas en faveur des Européens, aux industries de défense fragmentées. À


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