L’Union africaine impuissante face au conflit en RDC

L’Union africaine impuissante face au conflit en RDC


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Le 25 janvier, le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki, a exprimé sa « profonde inquiétude » à l'égard de l'embrasement dans l'est de la


République démocratique du Congo (RDC). Le lendemain soir, les soldats du groupe armé du M23 (« Mouvement du 23 mars ») entraient dans la ville de Goma, le chef-lieu de la province du


Nord-Kivu. Deux jours plus tard, le 28 janvier, le conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'instance panafricaine se réunissait en urgence, en présence de Kacou Houadja Léon Adom, le


ministre des Affaires étrangères de la Côte d'Ivoire qui assurait la présidence tournante du CPS en janvier, ainsi que de Bankole Adeoye, le commissaire aux Affaires politiques, à la


Paix et à la Sécurité de l'UA.


Le communiqué issu de ce rendez-vous condamne le M23 et son principal soutien, le Rwanda. Le CPS exige en outre la mise en œuvre de l'accord de cessez-le-feu conclu le 30 juillet 2024 


entre Kigali et Kinshasa sous la médiation de l'Angola. Mais aussi la poursuite du « plan harmonisé pour la neutralisation des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda et leur


désengagement », adopté par les délégations rwandaises et congolaises le 26 novembre dans la capitale angolaise, Luanda. Comme pour les autres conflits qui ravagent le continent, en


particulier la guerre qui oppose au Soudan les Forces armées soudanaises aux Forces de soutien rapide depuis le 15 avril 2023, le rôle de l'UA devrait rester limité. Lors du dernier


sommet de l'instance, en février 2024, Moussa Faki avait d'ailleurs regretté que 93 % des décisions restent lettre morte.


« L'UA est dépassée par les événements dans son moment de transition », résume Ueli Staeger, spécialiste de l'UA à l'université d'Amsterdam. L'embrasement en RDC


coïncide avec un moment phare du calendrier de la commission de l'instance qui s'apprête à élire son nouveau patron lors du sommet des 15 et 16 février prochains. Aucun signe


d'apaisement ne transparaît dans la mesure où les combats ont repris le 5 février, malgré le cessez-le-feu unilatéralement déclaré par le M23 deux jours plus tôt.


« L'argument selon lequel le conflit en RDC est trop complexe n'est pas recevable. Il a été créé de toutes pièces par l'homme », insiste Patricia Agupusi, professeure adjointe


de sciences sociales au Worcester Polytechnic Institute. Or derrière les affrontements entre le M23 et l'armée congolaise plane le spectre de nombreux intérêts externes. Le Nord-Kivu


regorge en effet de minerais, dont de l'or, de la cassitérite, du coltan, du cobalt et des diamants. « Les pays membres de l'UA dépendent eux-mêmes de ces intérêts extérieurs, cela


inclut les médiateurs », regrette Patricia Agupusi, qui attend peu de la rencontre prévue le samedi 8 février entre le président rwandais, Paul Kagame, et le président congolais, Félix


Tshisekedi, à Dar es-Salaam, en Tanzanie. 


Les deux chefs d'État avaient déjà échangé en février dernier, en marge du sommet de l'UA, sans parvenir à désamorcer les tensions. Le rendez-vous de ce samedi est coorganisé par


la Communauté des États d'Afrique de l'Est (EAC) et de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC). « Ces organisations régionales agissent de concert avec


l'UA, qui s'assure que leurs actions respectent ses principes, ses standards et ses directives politiques. Ce principe de subsidiarité fait partie intégrante de l'architecture


de paix et de sécurité de l'UA », décrypte Nadia Nata, consultante indépendante sur les questions de paix et de sécurité en Afrique.


À LIRE AUSSI EN RD CONGO, AVEC LE M23, LES NOUVEAUX MAÎTRES DE GOMAPour la chercheuse, il serait injuste d'accuser l'instance panafricaine d'inaction. « Depuis trois ans, les


communiqués et actions ont constamment alerté sur le risque d'escalade, sur l'aggravation de la situation sur le terrain, sans oublier sa solidarité vis-à-vis de la population,


tout en rappelant aux États membres de respecter la non-ingérence et le maintien de la paix. Ce serait un peu facile de dire que tout ce qui a été fait par l'UA est totalement vain ; 


sinon, on pourrait adresser les mêmes reproches à l'ONU… »


À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre En septembre 2023, le président Tshisekedi a réclamé le départ de la mission de maintien de la paix de l'ONU (Monusco) sur son territoire,


déplorant que les Casques bleus n'aient « pas réussi à faire face aux rébellions et conflits armés qui déchirent ce pays et la région des Grands Lacs ni à protéger les populations


civiles ». Outre les accords chapeautés par l'Angola, le CPS a appelé, à l'issue de sa réunion d'urgence, à la reprise du processus de Nairobi, qui se concentre, depuis 2022,


sur des consultations entre le gouvernement congolais et les groupes armés locaux.


Devant ces échecs successifs, Patricia Agupusi, la professeure au Worcester Polytechnic Institute, appelle à un changement de méthode. « L'UA et l'ONU doivent travailler à


l'amélioration de la gouvernance en RDC à travers des consultations profondes entre les plus de 120 différents groupes armés impliqués dans le conflit, explique-t-elle. Puis ces deux


instances doivent dialoguer avec les peuples pour préserver les intérêts de ces derniers afin d'instaurer un nouveau contrat social sur la manière dont ils peuvent bénéficier des


ressources naturelles présentes dans le Nord-Kivu. » D'après le bilan provisoire de l'ONU, l'offensive du M23 sur Goma a fait près de 3 000 morts.