
Colère des agriculteurs : Gabriel Attal promet une « exception agricole française », mais ne convainc pas
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GABRIEL ATTAL PROMET UNE « EXCEPTION AGRICOLE FRANÇAISE », MAIS NE CONVAINC PAS
Peut-on résoudre, en un discours, vingt ans d'erreurs de politiques publiques ayant progressivement conduit la « ferme France » au bord de l'implosion ? Les plus aguerris des
syndicalistes agricoles n'attendaient pas grand-chose de la déclaration du jeune Premier ministre devant l'Assemblée nationale, lue avec conviction, mais sous les huées incessantes
de l'opposition. « La crise est trop profonde, les revendications trop grandes pour qu'il puisse nous faire des annonces dans le cadre d'une déclaration de politique générale
», admettait mardi soir le président de la FDSEA des Yvelines, Cyrille Milard. Tout en regrettant que Gabriel Attal n'ait pas su trouver les mots qui auraient apaisé les tensions – au
moins pour quelques heures. « Au moment où je vous parle, les gars sont en train de bloquer la Francilienne. Certains arrivent d'autres départements, ils ont fait 350 kilomètres en
tracteur et se sont galvanisés pendant dix heures. Le préfet hurle… Mais je ne suis pas sûr de pouvoir tenir les troupes. Il va rapidement falloir du concret… »
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Du concret : c'est ce qui, précisément, faisait défaut. Certes, Gabriel Attal a promis un « réarmement agricole ». Mais après les réarmements civique, démographique et économique promis
par Emmanuel Macron sans que l'on sache à quels moyens porterait l'ambition, la formule est tombée à plat. Ont suivi une série d'annonces très sectorielles, la plupart déjà
annoncées le 26 janvier en Haute-Garonne, pour obtenir la levée du premier barrage : doublement des contrôles d'application de la loi Egalim, dispositifs fiscaux spécifiques pour
l'élevage ou les transmissions, remboursements accélérés de la TICPE (la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), ouverture d'un guichet pour indemniser 90 %
des frais vétérinaires des éleveurs frappés par la maladie épizootique hémorragique (MHE), fonds d'urgence pour la viticulture en crise, des aides PAC et des aides à
l'installation des jeunes versées « dans les prochaines semaines »… À l'évidence, Gabriel Attal a botté quelques fondements pour réveiller son administration, en retard de
plusieurs mois dans le traitement des dossiers. Et après ? Les normes seront « simplifiées »… mais pas supprimées ni modifiées. Pas encore…
En effet, le gouvernement, entré en phase intense de négociation avec les syndicats, FNSEA en tête, résiste. « Pour l'instant, il n'est pas question pour eux de revenir sur toutes
les normes que la France a décidé seule d'appliquer, et qui créent une distorsion de concurrence avec nos voisins européens », explique un syndicaliste proche des discussions. Or ce
sont elles qui cristallisent en partie l'exaspération, comme ces pesticides interdits en France, mais pas en Europe, ou ces zones de non-traitement plus étendues en France que nulle
part ailleurs. Pas un mot, non plus, sur la volonté du gouvernement de faire appliquer les conclusions du Varenne de l'eau, achevé il y a deux ans, et qui actait la construction de
retenues de substitutions… Quasiment aucune n'a vu le jour. Emmanuel Macron, cette semaine, tentera d'obtenir de l'Europe un assouplissement de l'obligation de laisser 4
% des terres en jachère, et des garanties sur la traçabilité des produits importés d'Ukraine ou sur l'accord Mercosur. « Ce sont des sujets importants, mais il s'agit tout
juste d'adaptations. On est loin d'un changement de logiciel, pour rompre avec la politique de décroissance agricole portée par l'Union », juge le journaliste Gil
Rivière-Wekstein, fondateur de la revue _Agriculture & Environnement_.
À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre Quelle sera la ligne de Gabriel Attal ? Pour l'instant, les agriculteurs l'ignorent. Le Premier ministre a promis d'« inscrire
l'objectif de sécurité alimentaire dans la loi »… Mais il y figure déjà ! « C'est écrit en toutes lettres dans l'article L1 du Code rural », souligne Carole Zakine, docteure
en droit de l'environnement. Tout aussi sibylline est jugée la promotion d'un principe d'« exception agricole française ». Un ovni qui, faute d'être explicité, a laissé
tous les observateurs perplexes. S'agira-t-il d'utiliser ce concept comme l'est celui d'« exception culturelle », pour imposer des restrictions propres à la France quand
seront signés des accords européens de libre-échange ? Ou de reconnaître la spécificité du secteur agricole, en droit ? « Depuis 1976, la protection de l'environnement est inscrite dans
la loi comme un principe d'intérêt général, à raison », explique Carole Zakine. « Mais l'agriculture ne l'est pas. Si bien que lorsqu'il faut arbitrer, en période de
sécheresse, entre la nécessité de nourrir et celle de préserver un milieu aquatique, les juridictions arbitrent en faveur de l'environnement, qui a juridiquement la préséance. Est-ce
que Gabriel Attal veut modifier cette hiérarchie ? » s'interroge la spécialiste.
Contactés, ni Matignon ni le cabinet du ministre de l'Agriculture n'ont souhaité clarifier l'expression. Les négociations entre les syndicats agricoles et les services du
Premier ministre ont repris mardi soir, afin de dégager une liste d'annonces plus significatives, qui pourraient être détaillées jeudi… Avant qu'Emmanuel Macron n'annonce,
dans la soirée, les assouplissements « arrachés » de Bruxelles. « Les agriculteurs doivent comprendre qu'on ne peut pas bricoler des mesures aussi structurantes en trois jours, mais que
cela n'enlève rien à notre détermination à le faire ! » plaide un conseiller du pouvoir. « Le Salon de l'agriculture est dans moins d'un mois, sachons utiliser ce temps avec
intelligence. » Des mots d'apaisement qui n'ont pas encore trouvé leur chemin jusqu'aux autoroutes parisiennes.