Immigration: dénoncer l'accord franco-algérien de 1968 est-il une solution?

Immigration: dénoncer l'accord franco-algérien de 1968 est-il une solution?


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C’est un pavé dans la mare qu’a lancé Edouard Philippe dans l’Express. L’ancien Premier ministre appelle à remettre en cause l’accord franco-algérien de 1968 qui prévoit des avantages


spécifiques pour les immigrés algériens. Avec un objectif clair : se placer sur orbite pour 2027. Mais au-delà de cet effet politique, le dossier mérite d’être ouvert. Pourquoi ? Auteur


d’une note sur le sujet qui fait grand bruit, l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, nous a lancé cette formule, à Pascal Airault, journaliste spécialiste du Maghreb à


l’Opinion, et moi : « J’ai dévoilé un secret de famille que les Algériens connaissent bien mais que les politiques français maîtrisent mal ». QUEL « SECRET DE FAMILLE » CONTIENT L’ACCORD


FRANCO-ALGÉRIEN DE 1968 ? 1968, on est six ans après les accords d’Evian qui prévoyaient une quasi libre circulation entre la France et l’Algérie. Dans les deux sens. Avec une forte demande


de main d’œuvre de la part de la France. Une immigration familiale qui s’installe. Assez vite, les données du sujet évoluent. L’accord de 1968 a pour but de réguler ce flux migratoire. Et


d’accorder un traitement favorable aux Algériens installés en France. Des dérogations au droit commun sont donc prévues. Par exemple, un permis de séjour de 5 ans dès l’obtention d’un


emploi, une souplesse pour le regroupement familial, une régularisation qui est de droit après dix ans de résidence en France. C’est tout un pan des règles pour le séjour en France qui est


spécifique. Et c’est important en termes de volumes puisque les Algériens forment la première communauté étrangère en France : 887 000, selon l’Insee et sont, après le Maroc, la deuxième


nationalité pour les titres de séjour délivrés. Mais, et c’est là une partie du « secret de famille », il y avait une contrepartie à ce traité : l’Algérie s’engageait à faciliter le retour


de ces ressortissants expulsés par la France. Contrat loin d’être rempli et qui oscille au gré des hauts et des bas diplomatiques. A QUOI FAUT-IL S’ATTENDRE SI L’ACCORD EST DÉNONCÉ? A une


déflagration diplomatique, c’est certain. La presse algérienne n’a d’ailleurs pas tardé à réagir à l’interview d’Edouard Philippe. Sur la scène intérieure, les avis divergent à propos des


conséquences d’une remise en cause. Premier point, évident : les relations entre les deux pays sont tellement imbriquées que les flux migratoires ne seraient pas brutalement stoppés. Ce


n’est d’ailleurs pas le but. Les responsables politiques qui plaident pour une remise à plat, tels Manuel Valls ou Hubert Védrine dans l’Opinion, disent qu’il faut repartir sur des bases


plus saines avec Alger. « Nous devons avoir ce bras de fer avec l’Algérie », nous dit, par exemple, Manuel Valls. Deuxième point, sur le plan technique, les avis divergent. « On reviendra à


la libre circulation des accords d’Evian. Il n’y aurait plus de frontière, pas plus qu’entre la Corrèze et le Cantal !», affirme le chercheur Patrick Weil, très critique sur une


dénonciation. « Faux, on appliquera les règles de Schengen et on négociera avec Alger », répliquent les partisans d’une remise à plat. Mais plus globalement, c’est la possibilité d’une telle


renégociation qui est très aléatoire. En général, la volonté du ministère de l’Intérieur se heurte vite aux impératifs du Quai d’Orsay. POURQUOI CE DOSSIER TOMBE MAL POUR LE GOUVERNEMENT ?


Gérald Darmanin est en plein brainstorming sur l’immigration. Et surtout, en pleine tentative de trouver un accord avec Les Républicains. Alors, même si le ministre de l’Intérieur connaît


bien les défauts de l’accord franco-algérien, cette incursion d’Édouard Philippe lui complique la tâche. Elle fait apparaître son projet comme « insuffisant » et incomplet. Ce dossier


interfère aussi avec l’agenda diplomatique. Et une « dynamique positive » depuis la visite d’Emmanuel Macron en août dernier et la préparation d’une prochaine visite en France du président


Abdelmadjid Tebboune. Au lendemain de l’interview d’Edouard Philippe, le gouvernement était d’ailleurs peu pressé de répondre. « Pas de commentaire », disait-on chez Gérald Darmanin en


renvoyant vers le Quai d’Orsay.