Une pandémie mondiale et ravageuse : l’hypothèse est devenue réaliste

Une pandémie mondiale et ravageuse : l’hypothèse est devenue réaliste


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La destruction des milieux naturels facilite la diffusion des virus. Les spécialistes s’inquiètent de plus en plus de la possibilité d’une pandémie mondiale et incontrôlable.


À propos du livre de David Quammen, Spillover : Animal Infections and the Next Human Pandemic, New York : Norton, 2012, 592 p.


Journaliste scientifique récompensé à plusieurs reprises et auteur de divers ouvrages, de fiction ou d’analyse, David Quammen s’était illustré, il y a une quinzaine d’années, par son récit


trépidant de l’évolution de la biodiversité insulaire, The Song of the Dodo : Island Biogeography in an Age of Extinction (Touchstone, 1996).


Dans Spillover, il nous alerte à nouveau sur les risques pour l’humanité d’une surexploitation de son environnement.


Il montre en effet combien l’espèce humaine a « proliféré », comptant aujourd’hui plus de sept milliards d’individus, et s’est étendue et installée partout où il lui était possible de le


faire sur Terre. Nous (les humains) nous comportons ainsi comme une « épidémie » (an outbreak) : notre espèce a connu une forte et large expansion.


Mais les épidémies ont une fin, rappelle Quammen, parfois graduelle, parfois brutale. Et le plus grand risque, selon lui, pour l’homme, est celui d’une nouvelle grande pandémie (The Next Big


One) qui pourrait faire des ravages à travers le monde — probablement un coronavirus (comme le SRAS, le syndrome respiratoire aigu et sévère), car ils mutent rapidement et échappent


aisément aux traitements, et sans doute véhiculé par une autre espèce animale.


Un virus porté par un animal et se transmettant à l’homme (« débordant » vers l’homme, d’où le titre « Spillover »), c’est une « zoonose ». Selon l’auteur, 60 % des maladies infectieuses


humaines ont pour origine un animal (toutes les grippes, la fièvre du Nil occidental, la maladie de Lyme, la peste bubonique…) et les zoonoses ont un bel avenir devant elles.


Sans sombrer dans un scénario catastrophe sur le thème de la pandémie dévastatrice, déjà largement traité ces deux dernières décennies, l’auteur alerte sur un point essentiel selon lui :


l’étude des virus doit aussi inclure l’écologie, c’est-à-dire l’étude des milieux dans lesquels ils évoluent et des interactions notamment animales existant dans ces milieux.


Car en essaimant à travers toute la planète, l’espèce humaine a altéré les habitats, y compris à l’échelle microscopique, et le monde naturel, quand il n’a pas disparu, s’y réorganise de


manière totalement imprévisible.


De fait, des maladies jamais détectées qui sommeillaient dans les écosystèmes « intacts » peuvent émerger sous l’effet des perturbations écologiques générées par les activités humaines. En


outre, ayant modifié les relations et interactions du milieu, et s’y étant introduit, l’homme est aussi devenu une cible alternative pour des microbes « opportunistes ». L’évolution,


rappelle l’auteur, n’a pas d’objectifs ; elle n’a que des résultats.


Or, compte tenu d’une part de la propension des hommes à tester toutes sortes de saveurs alimentaires (donc à goûter diverses espèces animales), et d’autre part de la multiplication et de la


facilité des déplacements internationaux, la contamination et l’extension d’une maladie ainsi contractée peuvent aller très rapidement.


S’appuyant sur de multiples études de cas réalisées aux quatre coins du monde (Chine, Congo, Bangladesh…), l’auteur rappelle aussi le cas du SRAS et les leçons à en tirer, parmi lesquelles


la chance que ce virus ait produit ses symptômes avant le pic infectieux, ce qui a permis d’isoler les patients atteints et d’éviter une pandémie plus grave.


Pour beaucoup d’autres virus, les symptômes surviennent alors que le patient est déjà très contagieux, et l’on ne peut alors éviter l’épidémie puis la pandémie (c’est-à-dire son extension à


une zone géographique très large).


Les virus mutent constamment ; beaucoup s’éteignent. Les souches dont il faut se méfier, insiste Quammen, sont celles qui parviennent à survivre dans un milieu modifié et à s’y répliquer. Ce


sont elles qu’il faut étudier afin de les affronter le cas échéant.


Et à ceux qui rappellent que l’on meurt beaucoup moins qu’avant de maladies infectieuses et que l’on sait y faire face, l’auteur rappelle l’exemple du VIH (virus de l’immunodéficience


humaine)-sida, qui a déjà fait plus de 30 millions de morts (auxquels il faut ajouter 34 millions de personnes toujours infectées) et que l’on peine encore à traiter et contenir.


Sans doute l’auteur ne s’attarde-t-il pas suffisamment sur l’intérêt et la technique des traitements antirétroviraux, mais sa mise en garde contre la pénétration de l’homme dans les


écosystèmes (via la déforestation, les forages miniers, gaziers ou pétroliers, la modernisation agricole, etc.) et l’altération qui en découle, y compris pour la « petite » communauté des


virus, vaut sans doute la peine d’être entendue.


Source : : Publié dans et transmis amicalement par Futuribles, n° 397.