
Attaque au couteau à nantes : retailleau, borne, bayrou dans la course à l'instrumentalisation sécuritaire
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Ce jeudi, à Nantes, un adolescent poignardait plusieurs élèves à l’intérieur de son établissement, le lycée privé Notre-Dame-de-Toutes-Aides, tuant une élève de seconde. Maîtrisé par des
personnels du lycée, il a été placé en garde à vue avant d’être hospitalisé après un examen psychiatrique. UN GESTE POUR L’HEURE INEXPLIQUÉ, DE PREMIERS ÉLÉMENTS QUI POINTENT UNE SOUFFRANCE
PSYCHIQUE D’après les éléments d’enquêtes relayés par _Le Monde_, les motivations qui ont conduit à cet acte restent floues, l’adolescent ayant déclaré : « _je ne peux pas dire mes
motivations parce que j’ai trop de raisons dans la tête en ce moment_. » Peu de temps avant l’attaque, il a envoyé à tous les élèves de l’établissement un « Manifeste » de 13 pages,
dénonçant un « _écocide globalisé_ », une « _violence systémique_ » et un « _conditionnement social totalitaire_ », tandis que des témoignages pointent une fascination pour « _la révolution,
les idéaux nazis_ » ou pour les attentats du 11 septembre. Des élèves de l’établissement rapportent des idées suicidaires, tandis qu’une autre fait part de son incompréhension : « _il s’en
est pris à un de ses amis._ ». Autant d’éléments qui alimentent la confusion et pointent une importante souffrance psychique, les sources policières évoqués par _Le Figaro_ évoquant un
profil « _fragile_ » voire « _dépressif_ ». L’adolescent aurait déclaré aux enquêteurs : « _j’étais dans un rêve lucide […] Je me suis mis à courir avec le couteau que j’avais à la main, un
peu déconnecté de moi-même. Je suis rentré dans une classe et là, c’est parti […] J’ai commencé à planter des gens._ » POUR RETAILLEAU, BORNE ET BAYROU, LE DRAME DEVIENT UN PRÉTEXTE DANS LA
SURENCHÈRE SÉCURITAIRE Face à ce nouveau drame qui touche un établissement scolaire, la première réaction du ministre de l’Intérieur a été de regretter amèrement que, faute de personnel
suffisant, « _on ne p[uisse] jamais placer un policier ou un gendarme derrière chaque élève_ », et de réaffirmer la nécessité de faire des fouilles de sacs devant les établissements
scolaires. Des propositions qui s’inscrivent dans la continuité de la circulaire Borne/Retailleau du 26 mars, qui demande aux préfets d’organiser des fouilles de sacs devant les collèges et
lycées sous prétexte d’éviter les agressions. Elisabeth Borne a ainsi annoncé vouloir renforcer les « _contrôles aléatoires_ » effectués par la police devant les établissements. François
Bayrou n’a pas hésité à en remettre une couche, appelant lui aussi à une « _intensification des contrôles mis en place aux abords et au sein des établissements scolaires_ », tout en évoquant
« _l’installation de portiques à l’entrée des établissements scolaires, comme dans les aéroports_. »... Pour ne pas dire comme à l’entrée des prisons ? Pour le premier ministre, le geste de
l’adolescent reflèterait la « _violence endémique_ » d’« _une partie de notre jeunesse_ », tandis que le ministre de l’Intérieur reprend la rhétorique de l’extrême-droite, évoquant l’«
_ensauvagement de la société_ ». Normalisé au sein du gouvernement par son acolyte Gérald Darmanin, le terme vise une nouvelle fois à répondre aux violences par un saut autoritaire. Pour
Retailleau, « _nous sommes dans une société qui a encouragé le laxisme, qui a voulu déconstruire les interdits, l’autorité, l’ordre, les hiérarchies et qui a accouché de toute cette
violence_. » On retrouve la rhétorique habituelle du gouvernement, où chaque jeune doit désormais être identifié à un potentiel criminel, et ce en particulier dans les quartiers populaires.
A la différence que, pour cette fois, le gouvernement n’a pas pu jouer la carte de la « radicalisation » au vu du profil de l’établissement – privé catholique sous contrat – et de
l’agresseur. PROBLÈME PSY ET MAL-ÊTRE À L’ÉCOLE, UNE ATTAQUE QUI FAIT ÉCHO À D’AUTRES VIOLENCES Cette attaque fait écho à d’autres drames, qui ont bouleversé le milieu scolaire ces dernières
années. En 2023, Agnès Lassalle, enseignante à Saint-Jean-de-Luz, était poignardée à mort par un élève de son établissement, qui aurait entendu une voix lui disant de tuer. Le drame avait
déjà mis cruellement en lumière la question de la souffrance psychique et de son absence de prise en charge. De même, la multiplication des rixes aux abords des établissements exprime une
forme de banalisation de la violence, qui a conduit à la mort de plusieurs adolescents ces derniers mois. L’école est un reflet et un réceptacle des violences qui traversent la société, qui
se multiplient en même temps que s’approfondissent les différentes crises. Loin de relever purement de l’individu, les problèmes psy ont une composante sociale, et sont alimentés par le
contexte général. Les études pointent ainsi une dégradation de la santé mentale de la jeunesse, qui s’est accrue depuis le covid, certaines affirmant que plus de la moitié des moins de 25
sont en état de détresse psychologique, tandis qu’une enquête menée en 2024 par Le Poing Levé témoigne du mal-être profond des étudiant·es. La crise économique et les politiques
austéritaires, en renforçant la pauvreté et la précarité, alimentent la dégradation de la santé mentale, d’autant plus que la médecine scolaire est loin d’avoir été épargnée par les coupes
budgétaires. En 2024, on comptait 900 médecins scolaires, 7500 infirmières et 3300 psychologues de l’Education nationale pour… 12,9 millions d’élèves ! REFUSER L’OFFENSIVE SÉCURITAIRE : ON
NE MET PAS FIN AU MAL-ÊTRE EN METTANT UN FLIC DERRIÈRE CHAQUE ÉLÈVE ! Interrogée suite aux différentes annonces de Retailleau, Bayrou et Borne, la secrétaire générale du SNES-FSU, syndicat
majoritaire chez les enseignants, ne remet pas en cause sur le fond les « _propositions du gouvernement_ », à savoir les fouilles de sacs et les installations de portiques de sécurité, mais
souligne que ceux-ci « _ne se suffiront pas à eux-mêmes_ ». Un moyen de se délimiter de Baytou et Retailleau, en posant la question de l’accompagnement des jeunes en souffrance, sans pour
autant remettre en cause la logique sécuritaire. Loin de constituer une issue, les « solutions » sécuritaires participent du problème et ne font qu’alimenter les tensions, rapprochant de
plus en plus les écoles d’annexes du commissariat ou de la prison. Alors que les enseignant·es et leurs organisations syndicales pointent depuis des années le manque de moyens matériel et
humain et ses conséquences, élèves et personnels étant de plus en plus parqué dans des établissements surchargés et vétustes, il s’agit désormais de les convaincre que la seule piste de
résolution est celle de « l’autorité ». Une « autorité » qui accompagne, à nouveau, un contexte où il s’agit de faire accepter sans rechigner des politiques antisociales, mais où le
militarisme est aussi à l’ordre du jour. Si Elisabeth Borne et Emmanuel Macron louent aujourd’hui le courage des enseignant·es de Notre-Dame-de-Toutes-Aides, c’est essentiellement pour
tenter de rallier à un secteur de personnels de l’éducation autour d’un programme autoritaire, pour mettre toujours plus les élèves au pas. N’oublions pas que les premiers responsables des
violences sociales, ce sont ceux qui, par leurs politiques, les entretiennent. C’est pourquoi, tout en apportant notre soutien aux familles des victimes, nous devons refuser les discours qui
visent à criminaliser la jeunesse et les politiques sécuritaires, qui ne sont au service que du pouvoir et de ceux qu’il défend.