
« contre les licenciements, on doit se battre nationalement ». Entretien avec un gréviste de cf group france
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François Gall, gréviste de l’usine de CF groupe à Buhl (Alsace), s’est mobilisé avec ses collègues contre un plan de licenciement en cours depuis presque deux ans. Pour _Révolution
Permanente_, il revient sur une grève démarrée le mercredi 5 mars et qui a duré plus de deux semaines pour s’opposer à la casse sociale et dénoncer des élus du CSE du côté de la direction.
Si les salariés ont arraché l’augmentation de l’indemnité de la prime supra-légale de 5 000 euros à 10 000 euros, sans toutefois conserver leurs emplois, le gréviste revient sur la nécessité
de continuer la lutte nationalement. RÉVOLUTION PERMANENTE : PEUX-TU NOUS RACONTER COMMENT LA GRÈVE A DÉMARRÉ ? COMMENT TU AS FAIT POUR CONVAINCRE TES COLLÈGUES DE RENTRER EN GRÈVE ?
FRANÇOIS GALL : La colère est d’abord venue du fait que le plan de licenciement a été négocié sans jamais nous consulter. Au début, on nous a dit que c’était confidentiel, qu’on ne pouvait
rien nous dire. Puis, on a très vite compris que nos « représentants » CSE ne voulaient pas se battre pour le maintien des emplois. Ils nous parlaient du contrat de sécurisation
professionnelle (CSP) mais à aucun moment, ils ne sont venus nous voir pour savoir ce que les salariés voulaient réellement. Pourtant, nous voulions préserver tous les emplois. Et c’est pour
cette raison que nous sommes partis en grève contre l’ensemble des acteurs de la boîte, y compris les syndicalistes censés nous représenter. Même au niveau de l’indemnité supralégale, c’est
le patronat qui décidait sans les salariés. Le plan social menaçait plus de 15 salariés de licenciement. Dans l’entreprise, nous étions 20 en CDI à Buhl, mais plus de 304 sur les autres
sites de production. Le site Pia près de Perpignan va totalement fermer et le site de Brécé en Bretagne va voir son effectif diminuer fortement. On savait que pour gagner le maintien de tous
les emplois, c’était compliqué, mais on a aussi fait grève pour notre dignité. On était révolté que la prime supralégale qu’ils proposaient soit seulement de 5 000 euros alors que certains
ont une vie de travail derrière eux. Pour convaincre de la grève, j’ai discuté avec mes collègues un par un, pour qu’ils luttent et se fassent respecter jusqu’au bout. La mise en place d’une
caisse de grève a aidé et la solidarité des gens qui passait nous donner à manger pendant la grève donnait aussi beaucoup de moral. RP : PEUX-TU NOUS NOUS EXPLIQUER QUELLE EST LA SITUATION
ÉCONOMIQUE DE CF GROUP FRANCE ET LE NOMBRE DE SALARIÉS DANS L’ENSEMBLE DE L’ENTREPRISE ? FRANÇOIS GALL : En effectif, nous sommes 304 en France, mais CF Group existe au-delà du pays avec CF
GROUP HOLDING, qui compte 1200 salariés dans 40 pays et 12 sites. Avec un chiffre d’affaires de 316 Millions et un bénéfice net de 83 millions d’euros en 2024, l’entreprise a largement de
quoi maintenir tous nos emplois. C’est d’ailleurs en constatant que la boîte allait très bien que la colère a monté jusqu’à faire grève. RP : VOUS AVEZ CONSTRUIT LA GRÈVE SANS LES SYNDICATS
POUR DÉFENDRE LA REVENDICATION DU MAINTIEN DE L’EMPLOI. C’ÉTAIT LA REVENDICATION CENTRALE POUR VOUS ? FRANÇOIS GALL : Oui. Les gens se font des illusions sur le fait qu’un chèque de départ
suffit à réparer la conséquence d’une perte d’emploi. Souvent, on se résigne à ça, car on a le sentiment que c’est impossible de gagner pour conserver l’emploi. Mais cet état d’esprit,
c’est surtout à cause du syndicat qui focalise toute la discussion sur le montant des chèques et ne discute pas des conséquences réelles de la perte d’emplois, de la difficulté à en
retrouver, etc. RP : UNE GRÉVISTE RACONTAIT QU’ELLE ÉTAIT À SA TROISIÈME FERMETURE D’ENTREPRISE À 50 ANS, ET QUE LA NOUVELLE RÉFORME DE L’ASSURANCE CHÔMAGE NE PROPOSAIT QUE DE LA PRÉCARITÉ.
COMMENT ONT ÉTÉ LES DISCUSSIONS AVEC LES COLLÈGUES SUR CES QUESTIONS ? FRANÇOIS GALL : J’ai dû vraiment beaucoup discuter avec les collègues. Avec tous les plans de licenciements, c’est la
misère qui nous attend. Contre les licenciements, on doit se battre nationalement, pas seulement les métallos, mais toutes les professions, tous ensemble. On devrait renouer avec la
dynamique de la réforme des retraites ou on sentait une véritable force de la grève. A l’époque, on attendait un réel appel au blocage total du pays, mais ça ne s’est pas fait
malheureusement. Ça explique en grande partie pourquoi on a perdu le mouvement. RP : UNE DERNIÈRE CHOSE À AJOUTER POUR FINIR ? FRANÇOIS GALL : Oui ! Déjà à notre niveau, il faudra continuer
à se battre et ne surtout pas se résigner. On a réussi à arracher une augmentation de l’indemnité de la prime supralégale de 5 000 euros à 10 000 euros et le paiement de la moitié des jours
de grève. Déjà, c’est important pour notre dignité. Demain, quand j’aurai un autre boulot, je saurai qu’être organisé, c’est capital. Pour finir, moi, je suis de gauche, je lutte pour les
ouvriers, mais je sais que beaucoup d’ouvriers se font des illusions sur l’extrême droite. Pourtant, c’est un piège : Alors que les patrons ont toujours plus d’argent, il faut voir ce qu’a
dit Bardella sur Bernard Arnault ! Tu vois directement de quel côté l’extrême droite se place.