Gaza : le mouvement pour la palestine doit exploiter les fissures du camp génocidaire

Gaza : le mouvement pour la palestine doit exploiter les fissures du camp génocidaire


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Il aura fallu dix-neuf mois de massacres et d’entreprise génocidaire pour que les puissances impérialistes européennes envisagent timidement de commencer à se délimiter de Tel-Aviv. La


multiplication des discours contrits et les hypocrisies coupables ne feront cependant pas oublier tout le reste. D’autant plus que si l’Union européenne a changé de discours, les promesses,


elles, sonnent terriblement fausses. « _Il faut reconnaître l’Etat Palestinien_ » (la Bande de Gaza est un amas de ruines et de morts) ; « _il faut sanctionner Israël_ » (les partenariats


stratégiques notamment d’armement se poursuivent) ; « _Netanyahu est un criminel_ » (la répression des soutiens de la Palestine est toujours en cours). Du reste, en cautionnant les actes


criminels de la coalition de suprématistes sanguinaires qui gouvernent Israël, les gouvernements, la plupart des partis politiques (y compris de « gauche ») et des intellectuels occidentaux


ne se sont pas contentés d’accompagner le massacre des Gazaouis et la colonisation de la Cisjordanie. Ils ont avalisé une accélération profonde des tendances en cours dans la situation


internationale. La question de savoir quelles seront les conséquences du premier génocide du XXIème (le seul de l’Histoire filmé en direct et devant les yeux du monde entier) dans les


consciences des masses reviendra aux historiens, mais indiscutablement il y a eu accoutumance à l’horreur. Et cela n’est pas anodin dans le contexte de la remilitarisation en cours des


puissances impérialistes européennes. Lorsqu’ils ont cherché à comprendre comment le XXème siècle avait pu être le théâtre de deux guerres mondiales, plusieurs intellectuels de la seconde


moitié du siècle ont cru voir dans la barbarie de la colonisation un début d’explication. La comparaison par-delà son caractère anhistorique trouve quelques éléments de continuité avec la


situation actuelle. Indiscutablement la campagne de négation de la réalité du génocide à Gaza et de la souffrance des Palestiniens a eu pour corollaire d’acquitter l’extrême droite de son


antisémitisme et de sa complicité avec le génocide des Juifs, pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette opération s’est appuyée sur la construction d’un « nouvel antisémitisme » attribué en


bloc aux musulmans et à ceux qui les défendent ou critiquent Israël en adoptant un discours idéologiquement charpenté par la théorie raciste du « choc des civilisations » [1]. Mais s’il se


joue avec la lutte pour la libération de la Palestine, un combat central contre ces tendances, cette faillite collective des puissances impérialistes est moins le produit de l’extrême droite


que d’une tentative de revitaliser l’ordre international (au Moyen-Orient et ailleurs) après la guerre froide qui a échoué et qui arrive désormais à son terme. Cette situation présente son


lot de dangers, mais aussi paradoxalement d’opportunités. Les atrocités génocidaires commises à Gaza, ainsi que la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie à un rythme effréné, ont


jeté une lumière crue sur plusieurs vérités élémentaires. Le mythe des « valeurs » (notamment sur le terrain du droit international) de l’Occident est désormais une fable pour toute une


génération qui s’est politisée par centaine de milliers, au Royaume-Unis et aux Etats-Unis, en dénonçant la responsabilité génocidaire de leurs propres gouvernements. Ces mobilisations


constituent un acquis pour les luttes à venir, notamment face à la militarisation et à la préparation de la guerre. La course contre la montre des dirigeants occidentaux pour reconnaître


enfin le génocide en cours à Gaza est de ce point de vue un symptôme du discrédit qu’ils rencontrent. Mais aussi de la crainte qu’ils partagent que la fuite en avant génocidaire de Netanyahu


ne finisse par déstabiliser la région entière, affaiblisse les dictatures arabes complices et finisse par déclencher des soulèvements populaires en Jordanie, au Liban, en Syrie ou encore en


Egypte et alors qu’en Israël, de premières mobilisations (pour l’heure très minoritaires) pour la fin du génocide ont à nouveau eu lieu. A l’heure où le déluge de contre-vérités sur Gaza


s’essouffle face à l’horreur de la situation dans la Bande, une fenêtre de tir s’ouvre pour donner un second souffle au mouvement de solidarité avec la Palestine. A Paris plusieurs dizaines


de milliers de manifestants ont pris la rue ce week-end à l’appel d’Urgence Palestine. Ils étaient plusieurs centaines de milliers à Londres et à la Haye la semaine précédente, alors que des


débuts de mobilisation ressurgissent sur les campus états-uniens. Le mouvement ouvrier a un rôle central à jouer dans cette perspective, comme ont commencé à le montrer les dockers de


Tanger ou de Fos-sur-Mer, en bloquant des navires chargés d’armes à destination d’Israël. Ses directions n’ont pour l’instant pas cherché à jouer le moindre rôle alors qu’un génocide est en


cours. Il serait temps qu’elles cherchent enfin à grossir les mobilisations, mais surtout à utiliser les méthodes de la lutte des classes pour construire une solidarité active avec la


Palestine dans le cadre d’une lutte anti-impérialiste et contre la répression. C’est à cette condition qu’il sera possible de construire un mouvement de masse et de sortir d’un état de


passivité qui tutoie la complicité. L’extraordinaire résilience du peuple palestinien nous y oblige. Aucune confiance ne peut être accordée aux puissances impérialistes. Les retournements de


veste en cours face à un génocide qui franchit chaque jour un nouveau pallier dans l’horreur masquent mal que les dirigeants occidentaux continuent de doter Israël de l’arme la plus


implacable qu’ils peuvent lui fournir : la répression. Dans ce mouvement se décidera non seulement la fin du génocide et la libération de la Palestine, mais aussi la possibilité d’une


contre-tendance aux dynamiques réactionnaires en cours. Il y a urgence à repasser à l’offensive.