
Israël. La contestation des réservistes de Tsahal renforce la crise de la coalition de Netanyahu
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Le 10 avril dernier, près d’un millier de réservistes et de militaires retraités de l’armée de l’air publiaient une lettre ouverte exhortant Netanyahu à faire revenir les civils israéliens
retenus à Gaza, y compris au prix de la fin des combats dans la Bande. Une lettre suivie par des appels similaires émanant d’autres unités de Tsahal et comptant notamment parmi leurs
signataires des membres actifs de l’armée israélienne. En parallèle, les refus de servir se font de plus en plus nombreux et l’état-major israélien peine à mobiliser autant de réservistes
qu’à l’automne 2023.
Au sein des réservistes de Tsahal, une contestation qui prend de l’ampleurLa lettre du 10 avril a suscité un véritable tollé politique à sa sortie. Les réservistes et militaires retraités y dénonçaient une « guerre [servant] principalement des intérêts politiques
et personnels, et non des intérêts sécuritaires », affirmant que la poursuite des combats « ne contribue à aucun de ses objectifs déclarés et entraînera la mort d’otages, de soldats de
Tsahal et de civils innocents, ainsi que l’usure des réservistes ». Des critiques qui passent mal du côté du Premier ministre israélien, qui s’est empressé de condamner les propos d’un «
groupe marginal extrémiste qui tente une fois de plus de briser la société israélienne de l’intérieur avec un objectif clair : renverser le gouvernement ».
Une condamnation accompagnée d’une véritable campagne d’intimidation envers les signataires de la lettre. Comme le rapporte Haaretz, des commandants de Tsahal ont personnellement appelé les
membres de la réserve active pour leur donner l’ordre de retirer leur signature, sous peine d’être renvoyés sur le champ. Une menace mise à exécution, puisque plusieurs réservistes
signataires en service actif ont effectivement été renvoyés de Tsahal. Cette répression n’est pourtant pas parvenue à étouffer la contestation naissante. Les jours suivants, 1600 anciens
parachutistes et soldats d’infanterie des Forces de défense israélienne, dont certains en service actif, signaient une lettre ouverte du même acabit. Le 11 avril, des soldats de l’unité de
renseignement 8200 leur emboîtaient le pas et formulaient les mêmes critiques, suivis peu après par un groupe de près de 200 médecins réservistes, puis par plusieurs centaines d’écrivains et
personnalités littéraires israéliennes de premier plan. Autre fait notable, des personnalités influentes de l’armée israélienne figurent parmi les signataires de ces lettres : Dan Halutz,
ancien chef d’état-major des Forces de défense israéliennes et commandant l’armée de l’air israélienne durant la seconde Intifada, ainsi que trois anciens chefs du Mossad, l’agence de
renseignement israélienne. Si, avant la signature du cessez-le-feu, des appels similaires avaient été formulés par les familles d’otages ou par de petits groupes de réservistes, cette
nouvelle vague de contestation tranche par son ampleur et par le fait que le refus de servir, comme moyen de pression sur le gouvernement, est devenu beaucoup plus répandu. Alors que Tsahal
rencontre des difficultés croissantes à mobiliser les réservistes pour poursuivre ses opérations génocidaires, cela pourrait être une réelle menace pour les projets d’annexion du Premier
ministre.
Un gouvernement fragilisé et des contradictions qui s’exacerbentDe fait, Tsahal reconnaît une diminution de l’engagement des réservistes dans le conflit en cours. Si Israël Katz, ministre de la Défense, admettait mi-mars que le taux d’engagement des
réservistes était de 80% (contre 120% en octobre 2023), des sources au sein de l’armée israélienne évoquent plutôt un chiffre inférieur à 50%. En clair, cela signifie que si l’armée
israélienne pouvait compter sur 295 000 réservistes en plus des 100 000 soldats réguliers au début de ses opérations génocidaires, il semblerait qu’aujourd’hui près de 100 000 réservistes
ont déserté les rangs de Tsahal. En temps de guerre, l’armée dépend pourtant largement de ces forces pour mener à bien ses opérations. Cette tendance exprime le renforcement des
contradictions du projet génocidaire porté par Netanyahu et les éléments les plus radicalisés de son gouvernement. Comme le rapporte une enquête du magazine israélo-palestinien 972+, le
refus de se présenter à ses obligations militaires gagne en légitimité en Israël, en particulier depuis la rupture du cessez-le-feu début mars. Si, depuis 18 mois, le gouvernement était
parvenu à rallier la grande majorité des Israéliens sous les drapeaux, des fissures tendent à apparaître ces dernières semaines. Comme le souligne toujours 972+, l’augmentation de ces refus
de servir ne saurait pourtant être assimilée à une véritable résistance idéologique au projet colonial du Premier ministre dans les rangs de Tsahal. De fait, pour la majorité d’entre eux,
ils sont davantage provoqués par la démoralisation et la fatigue croissante induites par des mois de conflits, ainsi que par les difficultés économiques suscitées par la durée de
l’engagement des réservistes. En ce sens, 41% des réservistes indiquaient avoir perdu leur emploi ou avoir été contraints de démissionner. Cependant, une part non négligeable de ces «
déserteurs » prendrait la décision de quitter l’armée israélienne sur un fondement idéologique plus affirmé. C’est du moins ce que soutient Yael Berda, sociologue à l’Université hébraïque et
militante de gauche : « Une partie de ces refus découle de “ce que j’ai vu à Gaza”, bien que ce soit la minorité d’entre eux. Une autre raison est la perte de confiance envers le
gouvernement, en particulier en ce qui concerne l’action de ce dernier pour le retour des otages ». Surtout, la sociologue souligne « un dégoût pour la rhétorique du sacrifice », promue par
l’extrême-droite religieuse et ses figures telles que Itamar Ben Gvir ou Bezalel Smotrich. Ces éléments témoignent de la contradiction fondamentale de l’État hébreu. Si un consensus
génocidaire existe bel et bien au sein de la population, comme en témoignait un récent sondage réalisé auprès de Juifs israéliens, la perte de confiance envers le gouvernement pourrait bel
et bien accentuer les divisions de la société israélienne et la crise politique latente. Alors qu’en 2023, quelques mois avant le début du génocide, un mouvement de plusieurs centaines de
pilotes réservistes avait larg
ement contribué à faire reculer Netanyahu sur sa réforme judiciaire liberticide, la contestation émergeant au sein des réservistes et des militaires retraités de Tsahal pourrait bien mettre
en difficulté une coalition gouvernementale déjà en crise. La légitimité du Premier ministre est déjà mise à mal par son procès pour corruption, fraudes et abus de confiance et par les
révélations sur des financements occultes provenant du Qatar. Le renforcement de l’opposition dans les rangs de l’armée génocidaire, quand bien même elle se préoccuperait peu du sort des
Palestiniens, renforcerait assurément la crise politique et pourrait entraver les ambitions annexionnistes de Netanyahu et de son gouvernement. Le renforcement de ces contradictions induit
par la tentative de Netanyahu et de l’extrême-droite religieuse de mettre un terme à la question palestinienne pose alors une nouvelle fois la nécessité de mobilisations dans les puissances
impérialistes et au sein des pays arabes. Mais aussi de la nécessité en Israël d’une rupture avec le consensus colonial et génocidaire à l’oeuvre. La perte de confiance de la société
israélienne et la contestation grandissante des réservistes peut certes faire vaciller Netanyahu, mais seul un mouvement internationaliste d’ampleur de soutien à la Palestine pourra
véritablement mettre fin à la politique coloniale et au projet génocidaire d’Israël.
Génocide
Bande de Gaza
Benyamin Netanyahou
Israël
Palestine
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