
La grève des bibliothèques de toulouse au cœur d'un front contre l'austérité et la militarisation
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Alors que les agents des bibliothèques de Toulouse luttent contre l’austérité depuis plusieurs mois, la grève du 27 mars a marqué un tournant. Appelée par un front large de 56 organisations
syndicales, politiques et associatives, cette date a acté l’élargissement de la grève au-delà des bibliothèques. Sous les fenêtres de la mairie, en ce jour de conseil municipal, plus de 1000
personnes se sont réunies pour s’opposer à l’application locale de la politique austéritaire du gouvernement. Ainsi, c’est le rassemblement le plus important depuis le début de la
mobilisation, initiée le 5 décembre dernier. La grève a été largement suivie dans de nombreux secteurs : centres culturels municipaux, ATSEM, agents administratifs Mobibus, cantines
scolaires, école des Beaux-Arts (Isdat), Conservatoire, MJC, Service intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO), travailleurs-euses de la culture, du secteur associatif et, évidemment, agents
des bibliothèques. « _C’est une avancée énorme aujourd’hui. Alors que nous étions les seuls en grève il y a quelques semaines, la situation a changé et montre que la convergence est
possible_ », résumait dans nos colonnes Léo Stella, agent des bibliothèques et militant CGT. > LES BIBLIOTHÈQUES, POINT DE CONVERGENCE DE LA GRÈVE CONTRE L’AUSTÉRITÉ Alors que le
gouvernement impose une offensive austéritaire brutale, le maire et président de la Métropole, Jean-Luc Moudenc (ex-LR), le président du Conseil départemental, Sébastien Vincini (PS) et la
présidente de la Région, Carole Delga (PS), taillent à la hache dans les budgets en expliquant « ne pas avoir le choix » tout en pointant la responsabilité de Matignon de façon opportuniste.
Les secteurs culturel et associatif, qualifié de « _services de confort_ » par la Mairie ainsi que le secteur du social, sont en première ligne des coupes budgétaires. Les conséquences sont
déjà visibles : la Biennale de Toulouse annonce son « clap de fin », des agents des Maisons des Solidarités exercent leur droit de retrait, la bibliothèque du quartier populaire de
Bagatelle est fermée depuis janvier et le Théâtre du Grand Rond menace de mettre la clé sous la porte… A l’image de la répression scandaleuse des syndicats mobilisés menée par Vincini, la
droite et la gauche locales sont déterminées à faire passer en force cette cure d’austérité. Face à cet arc de force politique, les bibliothécaires ont répondu par la construction d’une
mobilisation unitaire. Les grévistes ont cherché des alliés parmi les autres secteurs attaqués et ont proposé des cadres pour élaborer un plan de bataille commun, seule condition pour
construire un rapport de force à la hauteur des attaques massives menées simultanément par Moudenc, Vincini et Delga. Cette unité par en bas, patiemment construite sur les piquets de grève
ou les assemblées générales des autres secteurs en lutte, s’est incarnée dans les rassemblements et réunions unitaires du 4 et du 13 février, à l’initiative des bibliothécaires, et a permis
un élargissement progressif de la mobilisation jusqu’au 27 mars. Grâce à cette stratégie, la grève des bibliothèques est devenue au fil des mois le point de convergence des secteurs en lutte
et a permis le lancement récent d’une coordination interprofessionnelle contre l’austérité et la militarisation, qui réunit aujourd’hui plus de vingt organisations syndicales et
associatives de la ville. Par leur mobilisation, les agents des bibliothèques ont arraché un recul partiel de Moudenc. Sur les seize CDD menacés, cinq ont été prolongés de trois mois et les
coupes dans les subventions aux associations sont passées de - 40% à - 20%. Des avancées minimales qui poussent d’autant plus les grévistes à poursuivre la mobilisation, tout en étant
conscients qu’ils peuvent obtenir davantage et que les attaques ne vont pas s’arrêter là, surtout depuis le tournant militariste pris par le gouvernement. LE REJET DE L’AUSTÉRITÉ DEVIENT
AUSSI UN REJET DE LA MILITARISATION En effet, ces derniers mois, l’offensive austéritaire a pris un nouveau sens. Auparavant justifiée par le remboursement de la dette, désormais l’austérité
se mène aussi au nom du réarmement du pays. Dans cette « _nouvelle ère_ » promise par Macron où l’objectif est d’atteindre 5% du PIB pour la Défense, l’état d’esprit est résumé par Bruno Le
Maire : fini « _l’État providence_ », place à « _l’État puissance_ ». Le 15 avril, Bayrou réunissait un « comité d’alerte sur le budget » pour préparer les esprits à un « _effort_ » de 40 à
50 milliards d’euros dans le cadre du budget 2026, tout en annonçant une augmentation de 3 milliards pour l’armée en invoquant « _la survie du pays_ ». Face à ce virage autoritaire et
guerrier, les grévistes des bibliothèques insistent sur la nécessité d’inscrire leur lutte dans ce nouveau contexte politique. Alors que la militarisation renforce la politique austéritaire,
la défense des emplois et des conditions de travail doit devenir un mot d’ordre indissociable de l’opposition à la marche à la guerre. Léo Stella, agent des bibliothèques et militant CGT,
le soulignait dans nos colonnes : « _La militarisation, c’est la mort des services publics : de la santé à l’éducation en passant par les territoriaux, on va très vite ressentir le tournant
guerrier de Macron._ » Le communiqué de la coordination interprofessionnelle contre l’austérité et la militarisation qui appelle aux prochaines dates de mobilisations va dans ce sens : «
_L’austérité est aujourd’hui un choix politique pour favoriser les grandes fortunes et pour engager notre économie dans un tournant militariste et guerrier que nous devons combattre._ » Par
ce travail d’articulation de la grève avec ses enjeux politiques, les grévistes des bibliothèques ouvrent la voie à un nouvel élargissement du front aux autres secteurs impactés par les
effets de la militarisation. Dans une ville comme Toulouse, où l’industrie militaire joue un rôle stratégique dans l’aéronautique et l’aérospatial, avec des géants mondiaux comme Airbus ou
Thalès, l’opposition à l’économie de guerre mise en avant par la grève des bibliothèques offre une perspective de convergence avec les travailleurs du privé qui subiront également
d’importantes attaques sur leurs emplois et leurs conditions de travail au nom du réarmement. Les premières conséquences de cette tendance sont déjà perceptibles : chez le sous-traitant en
ingénierie aérospatiale Magellium-Artal, les salariés se sont mobilisés face à un cas de répression syndicale, dans le contexte du rachat de l’entreprise par un fonds d’investissement privé
lié à l’industrie militaire. Comme l’expliquait Vanessa Pedinotti, déléguée syndicale de la CGT Magellium, à l’occasion d’un rassemblement de soutien face à la répression : « _Ils veulent
nous mettre au pas pour mettre nos savoirs au service d’une économie de guerre_ ». Face au rouleau compresseur promis par l’économie de guerre, la solidarité entre les travailleurs du public
et du privé sera décisive pour faire reculer les attaques du gouvernement et du patronat. UNE STRATÉGIE CONTRE LA DÉMORALISATION Alors que la passivité face aux coupes budgétaires domine
dans le pays, le front contre l’austérité à Toulouse prouve que la résignation n’est pas une fatalité. Depuis des mois, la mobilisation des bibliothécaires montre que lorsque les
travailleurs s’organisent démocratiquement en assemblée générale, construisent des alliances et politisent leur lutte, ils deviennent des « militants de la grève » et sont prêts à inscrire
leur mobilisation dans la durée. Une tâche nécessaire pour construire un rapport de force à la hauteur des offensives. De plus, alors que le budget 2026 promet d’être encore plus brutal que
le précédent, l’ensemble de ces leçons stratégiques sont autant d’acquis pour être préparés et organisés face aux futures attaques. Dans le contexte du tournant militariste, cette stratégie
devrait être portée au niveau national. Au contraire, alors que le « conclave » sur les retraites a abouti à un échec prévisible, la mise en place d’une « cellule de crise » saluée par la
CGT aux côtés du gouvernement et des patrons, face au virage protectionniste de Trump, démontre la volonté des directions syndicales de s’en remettre constamment à la collaboration avec un
gouvernement et un patronat qui promettent de nombreuses attaques contre les travailleurs. Un « dialogue social » qui condamne les organisations syndicales à se placer à la remorque
d’attaques anti-ouvrières dures dans l’espoir de les limiter. A l’inverse, la grève des bibliothèques montre qu’il est possible de s’opposer frontalement à ces politiques en organisant une
riposte unitaire et combative. Dans cette perspective, la coordination contre l’austérité et la militarisation appelle à amplifier le rapport de force par une grève reconductible. Le
rendez-vous est donné les 13 et 14 mai prochains, en lien avec la journée nationale de mobilisation intersyndicale dans la Fonction publique prévue le 13 mai, et le 20 juin, à l’occasion du
prochain conseil municipal où seront votées de nouvelles orientations austéritaires. Trois dates qu’il faudra massivement investir ! Afin de lutter contre l’austérité, renforcée par le
tournant militariste, la mobilisation unitaire par la grève en cours à Toulouse montre la voie à suivre.