Macron sur tf1 : de l'opération de communication à la démonstration de fragilité

Macron sur tf1 : de l'opération de communication à la démonstration de fragilité


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On allait voir ce qu’on allait voir. Dans une émission au format inédit, conçue de façon concertée avec TF1 et destinée à lui permettre de reprendre la main, le chef de l’Etat s’est exprimé


sur une grande variété de sujets, des attaques sociales en préparation à l’Ukraine en passant par la Palestine, les retraites, le sport à l’école, le voile des sportives, la pêche


industrielle, les réseaux sociaux ou encore la surpopulation carcérale. Mais Emmanuel Macron n’a surtout rien annoncé. Comme un symbole d’une fin de mandat, qui à l’image de sa prestation,


s’annonce longue pour un président de la République qui peine à reprendre réellement la main depuis la dissolution et ce malgré les pouvoirs énormes que lui confère la Vème République. Dans


un rare éclair de lucidité, au cours d’un échange sur la simplification administrative, le chef de l’Etat s’est fait le conteur de sa propre incapacité : _« Je ne suis pas un


homme-orchestre. Ce n’est pas le président de la République -et heureusement- qui fait les choses. Et encore moins depuis juillet dernier »_. Empêché d’agir par la crise politique, Macron


cherche à battre en brèche le procès en immobilisme et à donner un sens à son quinquennat. Plusieurs thématiques étaient en ce sens évoquées ces derniers jours à l’Elysée, notamment celle de


la fin de vie, qui fait l’objet d’un texte en discussion à l’Assemblée nationale. Mais surtout quelques référendums alors que Bayrou avait annoncé vouloir ouvrir au suffrage une réforme


portant sur l’austérité. Un sujet auquel Macron n’a pas donné suite, comme une façon d’illustrer des dissensions au sein d’un couple exécutif dépourvu de majorité, minoritaire socialement et


fragilisé par l’affaire Betharam. Sur le reste, Emmanuel Macron est resté fidèle à lui-même. Dans une allégorie surannée du présidentialisme, le chef de l’Etat a passé 3 heures à défendre


son bilan et à répondre comme si de rien était aux questions de Gilles Bouleau, mais aussi aux interpellations du maire d’extrême droite de Béziers, Robert Ménard, de la secrétaire générale


de la CGT, Sophie Binet, du youtubeur macroniste compatible, Tibo InShape, ou encore de la journaliste Salomé Saqué. Un exercice d’autosatisfecit que ne sont venus interrompre que trop


brièvement quelques rares témoignages de travailleurs auxquels Emmanuel Macron a répondu avec son mépris habituel, balayant d’un revers de la main les difficultés sociales racontées pour


expliquer que ses cadeaux aux riches et aux patrons auraient amélioré la vie des habitants de l’hexagone en général. Dans cette droite lignée, le chef d’Etat s’est empressé d’ajouter qu’il


allait falloir continuer à faire des « efforts », poursuivre « coûte que coûte » la politique de l’offre avant de remettre un boulon dans la machine à propagande militariste sur fond de la


guerre en Ukraine. Face à Sophie Binet, le chef de l’Etat a également ouvert la voie à de nouvelles attaques sociales, remettant sur la table une énième « conférence sociale » et appelant


son gouvernement à « ouvrir le chantier » de la TVA sociale soutenue par le MEDEF. Si la situation internationale a occupé une place mineure dans l’émission, Emmanuel Macron s’est refusé à


qualifier de « génocide » la situation en Palestine tout en qualifiant de « honte » la politique de Netanyahu à Gaza et en ouvrant la voie à des sanctions européennes. Rien n’a été dit en


revanche sur la reconnaissance de l’Etat palestinien, à laquelle il s’était dit favorable début avril. Un ton plus critique qui masque mal que le chef de l’Etat n’a jamais cessé d’être un


soutien politique et militaire du carnage à Gaza alors que son gouvernement continue de réprimer les soutiens de la cause palestinienne sur le territoire national, à l’image de l’ouverture


d’une procédure de dissolution contre Urgence Palestine et de la Jeune Garde ou encore du procès pour « apologie du terrorisme » contre Anasse Kazib le 18 juin prochain. La prestation


télévisuelle d’Emmanuel Macron aura au moins été instructive sur un point. Devenu inaudible, le président entend continuer à s’écouter parler. Une désorientation dont les classes populaires


devraient plus que jamais chercher à tirer profit pour repasser à l’offensive. Parce que les attaques, à l’image des licenciements à Arcelor Mittal et des plus de 300 000 suppressions


d’emplois en cours et en préparation, n’attendent pas. Et qu’en toile de fond le réarmement se poursuit pendant que l’extrême droite fourbit ses armes.