
Propagande islamophobe : face à l'offensive raciste, il faut une riposte ouvrière et populaire!
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Après la publication du rapport sur les « Frères musulmans et l’islamisme politique », commandé par les ministères de l’Intérieur, de l’Armée et des Affaires étrangères, l’Élysée tenait hier
un conseil de défense, habituellement réservé aux questions militaires ou concernant les intérêts suprêmes de l’État, sur le sujet. Une mise en scène destinée à faire monter la sauce
concernant les « révélations » du document, un torchon islamophobe de 73 pages qui reprend les thèses de l’extrême droite la plus décomplexée et vise à préparer une offensive islamophobe
brutale. Depuis deux jours, toute la presse s’en donne à cœur joie : « _Réseaux tentaculaires, organisation secrète, quartiers islamisés_ » titre _Le Figaro_, qui se fait une fierté de
publier « _en exclusivité_ » un document qui tient plus de la brochure complotiste que d’un travail « _universitaire_ ». De fait, le rapport est surtout une « _commande politique_ », comme
l’affirme à _Mediapart_ l’une des personnes interviewées dans le document, dont « _les conclusions avaient presque été écrites en amont par le gouvernement_ ». Le cabinet du ministère de
l’Intérieur l’assume : le document vise surtout à « _provoquer un choc_ », « _nécessaire pour convaincre la France_ ». Le rapport prétend ainsi que les Frères musulmans, une organisation
réactionnaire qui connaît un recul historique partout au Moyen-Orient, développeraient une « _stratégie d’entrisme des institutions_ », notamment par le biais des associations, afin
d’inoculer ses idées à la société française. Une « _dissimulation tactique d’un intégralisme subversif_ » pour imposer un « _islam politique_ ». UN RAPPORT AU SERVICE DE LA PROPAGANDE
ISLAMOPHOBE Après avoir rappelé le recul notable des Frères musulmans dans le monde, le rapport note que « _le danger d’un islamisme municipal, composite au plan idéologique mais très
militant, avec des effets croissants dans l’espace public et le jeu politique local, apparaît bien réel_ ». Il vise tout particulièrement le Conseil des musulmans européens (CEM) qu’il
associe aux Frères Musulmans tout en indiquant qu’il dispose d’un budget annuel de 300 000 euros et d’une influence extrêmement réduite. L’association Musulmans de France, nouvelle mouture
de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), est également visée, bien quee l rapport note qu’à peine 7% des 2800 lieux de culte musulmans sont affiliés à cette organisation,
dont les liens avec les Frères musulmans ne sont en outre pas établis. D’après le rapport, « les observateurs attentifs de la mouvance » sont estimés à « _400 personnes et n’excèderait pas,
en tout état de cause, un maximum de 1000 personnes_ ». Son budget étant de 500 000 euros par an, « _en diminution de moitié depuis cinq ans_ », elle semble plutôt sur le déclin qu’à la tête
d’un vaste complot destiné à renverser la République. Malgré ces éléments, le caractère extrêmement vague du concept de « frérisme » permet aux auteurs de divaguer et d’établir des liens
fumeux : la brochure parle ainsi d’une « _cinquantaine d’associations musulmannes affichant plus généralement une sensibilité frériste_ » à Lyon, sans aucune preuve, ou de « _responsables
qui entrent en interaction avec la commune pour faire progresser leurs positions_ ». Plus généralement, il tend à identifier tout musulman à un « frériste », notant que « _des normes
sociales (voile, barbare, vêtements, respect du jeûne du ramadan) s’imposent ça et là_ », comme si jeûner pendant ramadan avait spécifiquement à voir avec le frérisme ou Hassan al-Banna.
Cette dimension islamophobe donne lieu à des élucubrations aux accents complotistes. Le rapport parle ainsi d’écosystèmes locaux : le rapport s’inquiète « _des commerces communautaires ou
des activités sportives distinctes de la mosquée_ » : « _les voyages, le développement personnel, l’aide à l’emploi ou les sites de rencontres front partie de l’éventail des activités
développées_ ». En d’autres termes, le rapport vise surtout les quartiers issus de l’immigration où l’Etat français a marginalisé et ghettoïsé une main d’œuvre surexploitée, tout en
criminalisant la pratique ordinaire de l’islam. Pour cela, de bout en bout, le rapport adopte les thèses complotistes de l’anthropologue muée en propagandiste islamophobe Florence
Bergeaud-Blackler sur « _la structuration d’une contre-société islamique_ », qui, en secret, se préparerait à mettre en place « _un califat mondial_ » et à imposer la « _charia_ » à la
population française. En février, elle n’avait pas hésité à caractériser « _les marchés halal_ » comme une forme de « _djihad économique_ », mais la « chercheuse » s’est aussi faite
connaître pour ses sorties paranoïaques, allant jusqu’à qualifier le youtubeur Tibo InShape, notoirement de droite, « d’ambassadeur du frérisme ». UN OUTIL AU SERVICE D’UNE OFFENSIVE RACISTE
: IL FAUT UNE RIPOSTE ! Avec Retailleau, qui a publié récemment son _Manifeste contre l’islamisme_ qui reprend une partie des éléments du rapport, à la manœuvre, le document n’est ainsi
qu’un prétexte pour une nouvelle offensive islamophobe. Dans ce cadre, Gabriel Attal s’est déjà lancé dans une surenchère, proposant d’interdire le port du voile dans l’espace public pour
les mineures de moins de quinze ans. Fort de son expérience autoritaire avec l’interdiction des abayas dans les écoles, Attal appelle en outre à voter une nouvelle loi séparatisme, qui
créerait un « _délit de communautarisme_ », encore plus flou que le « _délit de séparatisme_ » instauré en 2021, qui stigmatiserait l’ensemble des personnes de confession musulmane ou
assimilées comme telles. Quelques semaines après l’attentat islamophobe contre Aboubakar Cissé, assassiné de cinquante coups de couteau à la mosquée de La Grand-Combe, le 25 avril, et
quelques jours après l’opération policière visant des membres du CCIE, le gouvernement prépare donc une nouvelle offensive islamophobe. Alors que les lois racistes s’enchaînent en France à
un rythme effrayant, que la violence islamophobe prospère dans le monde, des Etats-Unis à l’Inde de Modi en passant par la Palestine, il y a urgence à réagir. Alors que des secteurs de la
gauche institutionnelle choisissent de placer le débat sur le terrain de la laïcité ou de « l’islamisme » en France, il faut refuser en bloc cette opération de propagande raciste et lui
opposer une riposte par en bas, qui prenne appui sur les mobilisations en solidarité avec Aboubakar Cissé et contre l’islamophobie d’Etat, qui ont réuni environ quinze mille personnes. Une
riposte dans laquelle les organisations du mouvement ouvrier devraient jouer un rôle central et qui doit réclamer l’abrogation de toutes les lois racistes – de la loi de 2004, mère de toutes
les offensives islamophobes à l’école, à la loi séparatisme – en articulant le combat contre l’offensive autoritaire et raciste à la lutte contre les plans austéritaires et anti-ouvriers du
gouvernement.