
Résultats de parcoursup et mon master : une sélection toujours plus brutale au service du patronat
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Chaque année début juin l’effet est le même : des milliers de lycéens et étudiants subissent les « Hunger games » de la sélection, avec les résultats des affectations pour Parcoursup et
MonMaster, et se retrouvent refusés de leur formation demandée ou mis sur d’interminables listes d’attente. Cette année, un tiers des lycéen n’ont pas reçu de proposition d’admission sur
ParcourSup pour accéder à l’enseignement supérieur. Pour les étudiants souhaitant poursuivre leurs études en master, le sort risque d’être similaire voir pire que l’année dernière, lorsque
près d’un tiers des étudiants n’avaient reçu aucune proposition à la fin de la campagne. Là encore, comme chaque année, le gouvernement cherche à éteindre l’incendie et fait l’éloge de ses
plateformes de sélections. Ce lundi 2 juin sur _France Inter_, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Philippe Baptiste expliquait qu’il n’y avait aucun problème : « _On
trouvera toujours des places_ », il faut « _dédramatiser_ » Parcoursup serait formidable pour lutter contre les inégalités et serait « _un outil de promotion sociale_ ». Qu’importe que
l’année dernière à la mi-juillet 85 000 élèves de Terminale n’aient pas reçu d’affectations, ou que la défenseur des droits pointe dans un rapport « _un système d’orientation dans
l’enseignement secondaire peu lisible, morcelé et inégalitaire_ » et des inégalités et discriminations qui « _jalonnent le parcours des élèves_ », pour le gouvernement les plateformes
réussissent pleinement leur mission de tri social, pour pousser hors de l’enseignement supérieur les jeunes des classes populaires, en les sélectionnant ou les décourageant par des
procédures interminables. Pour autant, parmi les nombreux témoignages de victimes de la sélection sur les réseaux sociaux, des réactions tendent à mettre en concurrence les étudiants entre
eux, déplorant les réussites des uns au détriment des autres selon leurs parcours, ou bien justifiant la sélection, faute d’intérêt des filières ou de débouchés. Un discours qui est le
résultat d’années de matraquage médiatique et gouvernemental pro-sélection, et de la pénurie de places disponibles qui place les étudiants les uns contre les autres. Pourtant, loin de toute
fatalité, les effets de Parcoursup et MonMaster sont le résultat d’années de politiques élitistes et néo-libérales. L’ETAT ET LES PRÉSIDENCES D’UNIVERSITÉ ONT SUPPRIMÉ MASSIVEMENT DES PLACES
Le chaos actuel pour trouver un master est le résultat de choix conscients de directions d’établissements. Fin mars dernier, nous révélions dans une enquête que, entre 2024 et 2025, plus de
2 300 places ont été retirées et 800 masters en France ont réduit leur capacité d’accueil ou ont fermé leurs portes. Des effets immédiatement répercutés sur les étudiants : plus de la
moitié des Master 1 affichaient un taux de sélection inférieur à 25%, et un quart d’entre-deux ont un taux de sélection inférieur à 10%. Une politique que nous avons constaté localement,
venant de Présidences d’université qui, il y a quelques mois seulement, appelaient cyniquement à « sauver l’université ». A l’université Paris-Cité par exemple deux parcours du Master de
psychologie ont tout bonnement été supprimés, à Paris 3, université de lettres et arts, les places en théâtre, LEA espagnol, master d’allemand, ont été drastiquement réduites. A Paris 8, le
département d’arts a été particulièrement touché, avec 35 suppressions sur 90 places, 15 pour le master de psychologie, et de nombreuses suppressions de places en licences, en arts
plastiques, philosophie, et dans l’institut d’études à distance (IED). Même dynamique à l’université Bordeaux Montaigne, avec des suppressions de licences et master d’histoire, ou à
l’université de Bordeaux, où l’équivalent de 35 places de master MEEF ont été supprimées, de même qu’en santé, avec 100 suppressions, ou en droit, 210 suppressions en licence, soit 10% d’une
promotion. Loin d’un dysfonctionnement épisodique ou de mauvaise préparation des élèves, comme essaie de le faire croire le gouvernement, le manque de place à l’université est bien
consciemment organisé. Dans ces conditions, en vouloir à son voisin ou son camarade de classe de lui avoir pris sa place c’est se tromper d’adversaire : les responsables de la situation sont
au gouvernement ou dans les directions d’universités. Et vu l’ampleur de l’austérité qui nous attend, la machine à trier les étudiants risque de continuer. L’AUSTÉRITÉ ET LA SÉLECTION
SERVENT À FORMER UNE UNIVERSITÉ AU SERVICE DES PLUS RICHES ET DES ENTREPRISES Car les suppressions de places généralisées sont aussi le résultat de baisses importantes de dotations pour les
universités au cours des dernières années, et de restrictions budgétaires qui placent les universités au bord de la faillite, avec 64 universités sur 75 qui ont voté un budget 2025
déficitaire. Or le milliard de coupes budgétaires pour l’enseignement supérieur et la recherche en 2025 n’était qu’un avant-goût. Bayrou a déjà annoncé l’objectif de faire 40 milliards
d’économie au global pour 2026, et devrait continuer de ponctionner les universités sur le long terme, avec de l’austérité annoncée pour les quatre prochaines années. Signe de cette volonté,
les derniers rapports de l’HCERES, un organe d’évaluation au service du ministère, préconise des fermetures massives de formations pour les établissements de la « vague E » en banlieue
parisienne, dans la région Hauts-de-France, et dans les Outre-Mer. Dès lors, la sélection va continuer de s’abattre sur les étudiants, tout comme la violence qu’elle entraine, alors que 80%
d’entre eux se disent angoissés par leurs études d’après l’enquête du Poing Levé sur la précarité étudiante. L’austérité et la sélection représentent en effet deux armes complémentaires pour
la bourgeoisie dans son offensive continue contre l’enseignement supérieur public. En coupant dans les budgets et en réduisant les places, le gouvernement veut avancer dans son projet de
renforcer la subordination de l’université aux besoins des grandes entreprises, pour que les enseignements forment directement une main d’œuvre pour les grandes entreprises françaises comme
Total, Thales ou l’Oréal. LA SÉLECTION EMPÊCHE DE RÉPONDRE AUX BESOINS DE LA MAJORITÉ Ce projet, mis en place par Macron et les gouvernements successifs, montre que la sélection n’a rien à
voir avec l’utilité sociale des filières. Au contraire, des formations de psychologie par exemple sont durement touchées : il n’y a que 5 202 disponibles sur Mon Master alors qu’on compte
plus de 15 0000 étudiants inscrits en L3 de Psycho et que la santé mentale est devenue un problème profond de société. Dans le même sens, des places en santé ou en master d’enseignement
(MEEF) malgré la pénurie qui existe dans ces secteurs. Enfin, les formations de sciences sociales sont durement touchées par la sélection car le gouvernement veut s’attaquer à la production
de savoir critiques , dans la continuité de la croisade menée contre « le wokisme » ou « l’islamo-gauchisme ». L’université qu’ils veulent forger à coup de sélection et d’austérité ne
servira pas faire des études en accord avec un métier futur émancipateur ou épanouissant. Leur projet est d’instaurer une université à deux vitesses, avec des établissements pensés comme
étant « de seconde zone » avec des formations réduites et adaptées aux besoins des entreprises locales, et des universités d’élites, ultra-restreintes en place, pour former des cadres pour
le capitalisme français. Dans les deux cas, l’objectif est de mettre nos savoirs et nos compétences au service d’un patronat avide de profit, d’entreprises écocides, ou d’industriels de
l’armement qui veulent enrôler les étudiants scientifiques dans leur escalade guerrière. A l’inverse, loin de la mise en compétition entre étudiants, au Poing Levé nous défendons une
université orientée vers la résolution des besoins de la majorité plutôt que ceux du patronat. C’est-à-dire, une université dans laquelle les formations et la recherche sont pensées de façon
à répondre aux tâches des futures générations en termes d’urgence climatique, ou des défis de santé publique ; une université qui associe à ses instances de direction les travailleurs de
différents secteurs de la production afin que les savoirs permettent d’avancer dans la réorganisation de celle-ci dans l’intérêt du plus grand nombre.