
Urgence Palestine, la Jeune Garde : les dissolutions, un levier autoritaire aux mains de l'exécutif
- Select a language for the TTS:
- French Female
- French Male
- French Canadian Female
- French Canadian Male
- Language selected: (auto detect) - FR
Play all audios:

Le 30 avril 2025, Bruno Retailleau a annoncé engager une procédure de dissolution contre deux organisations, la Jeune Garde, collectif antifasciste, et Urgence Palestine, organisation de
soutien au peuple palestinien. Ces dissolutions incarnent le resserrement autoritaire à l’œuvre dans une logique de disqualification de toutes les oppositions politiques.
Alors que la légitimité du régime apparait plus écornée que jamais, l’exécutif recourt à tous les outils à sa disposition pour disqualifier politiquement l’opposition et en affaiblir les
moyens d’action. Dans ce cadre, la dissolution des organisations, décidée par décret du ministre de l’Intérieur, constitue un levier dévastateur aux mains de l’exécutif qui complète
l’arsenal répressif sursollicité dans la séquence actuelle.
En 2020, le ministre Gérald Darmanin avait dissous le comité de lutte contre l’islamophobie en France (CCIF) au nom d’une rhétorique très similaire de celle utilisée par Bruno Retailleau :
l’islamophobie serait un élément de langage communautariste promu par les frères musulmans. Le conseil d’État, saisi de la légalité de la dissolution, n’avait rien trouvé à redire de cette
décision estimant que l’association tenait « depuis plusieurs années des propos sans nuance visant à accréditer l’idée que les autorités publiques françaises mèneraient, notamment dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme, un combat contre la religion musulmane et ses pratiquants et que, plus généralement, la France serait un pays hostile aux musulmans ».
Peu de voix s’étaient alors élevées contre la dissolution de cette organisation, pavant ainsi la voie au recours tous azimuts à cet outil redoutable.
Le collectif Palestine vaincra a subi le même sort dans le contexte de l’après 7 octobre de la criminalisation extrêmement brutale du soutien à la Palestine, dissolution également validée
par le Conseil d’État, non pas au nom de ses propres prises de position mais à la lumière des commentaires publiés sous ces dernières : « Les messages qu’il diffuse, radicaux et univoques,
suscitent le dépôt, sur ses comptes ouverts sur les réseaux sociaux, de commentaires particulièrement agressifs et haineux ayant pour cible, sous couvert de viser les “sionistes”, l’ensemble
des citoyens israéliens de confession juive, et parfois à connotation explicitement antisémite. De tels commentaires doivent être regardés comme des provocations à la discrimination, à la
haine ou à la violence ».
Ce faisant, l’exécutif se dote, avec la bénédiction de la juridiction administrative, d’un outil extrêmement efficace qui lui permet de mettre à l’index des « propos sans nuance » ou des
messages « radicaux et univoques », soit en d’autres termes, la contestation politique dans sa plus pure expression et ce en usant de la rhétorique parfaitement spécieuse de l’ennemi
intérieur.
Ainsi, la dissolution d’Urgence Palestine, initiée quelques jours après l’attaque sanglante à la mosquée de Grand-Combes qui a laissé le ministre de l’intérieur de glace, est justifiée par
ce dernier comme un moyen de « taper sur les islamistes ». « L’islamisme est une idéologie qui essaie d’instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi ».
Alors que le génocide se poursuit en Palestine, que des crimes islamophobes sont commis sur le sol français, le régime continue de viser les soutiens d’un peuple menacé dans son existence
même et de la communauté musulmane en France dans une volonté de disqualification des voies d’opposition et d’affaiblissement de ses moyens d’action.
La décision de dissolution ne se limite pas à une décision d’affichage politique mais contient des effets extrêmement graves sur les organisations ciblées.
En effet, la reconstitution de ligue dissoute est une infraction pénale réprimée par l’article 431-15 du code pénal qui punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amendes « le
fait de participer au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée d’un groupement dissous ».
Le mécanisme de criminalisation est ainsi clair : la dissolution décidée par un gouvernement affaibli qui entend disqualifier son opposition devient ensuite un moyen de la réprimer
pénalement au terme d’un mouvement parfaitement circulaire.
Cette utilisation du pouvoir réglementaire connait d’autres exemples qui visent exactement les mêmes positions, à l’instar notamment du gel des avoirs qui a frappé Elias Imzalène le 13
janvier 2025. Une telle décision, totalement autonome de la sphère pénale et décidée de manière unilatérale par les ministères de l’Economie et de l’Intérieur, conduit à l’impossibilité
totale pour la personne visée de disposer de ses biens, de son logement ou de ses comptes en banque et procède donc d’une logique de paralysie totale de son action politique.
Outre la dissolution et le gel des avoirs, l’État use également largement de ses pouvoirs de police dans l’interdiction des rassemblements et dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police.
Ainsi, plusieurs exemples récents, à l’instar de l’interdiction de la marche radicale du 7 mars ou du village antifasciste du samedi 10 mai, tirent argument de la participation de
mouvements propalestiniens pour empêcher manifestations et rassemblements. Si ces manifestations ont été finalement autorisées par les juges des référés, cette mise en procès systématique
s’analyse comme une guerre d’usure et une opération de disqualification permanente des opinions dissidentes.
L’utilisation du pouvoir réglementaire est l’envers de la répression pénale qui poursuit exactement la même logique. C’est particulièrement palpable avec la mobilisation incessante de
l’infraction d’apologie du terrorisme contre les soutiens de la Palestine qui répriment les expressions politiques et contraint à nouveau l’opposition à une logique de justification, dans
les tribunaux, de ses positions dans un contexte d’accusations permanentes d’antisémitisme.
Le procès d’Anasse Kazib et d’un autre militant de Révolution Permanente, prévu le 18 juin 2025 à Paris, est l’expression paroxystique de cette logique puisqu’il s’agit d’une mise en cause
directe d’un porte-parole d’une organisation politique dans un procès pénal pour apologie du terrorisme.
L’ensemble de ces outils réglementaires et pénaux traduisent néanmoins une grande fébrilité d’un régime qui n’a d’autres leviers que la répression pour faire taire un mouvement déterminé et
un regain des sentiments pro-palestiniens et anti-impérialistes notamment au sein de la jeunesse révoltée par les images qu’elle reçoit du génocide à Gaza. Des aspirations dont les classes
dominantes craignent qu’elles ne s’implantent sur les lieux d’étude et de travail à l’heure où elles militent en faveur du réarmement et martèlent un discours belliciste.
Dans ce contexte, la mobilisation sans faille contre le durcissement autoritaire de la Ve République est plus que jamais de mise. Le meeting révolutionnaire du 24 mai sera l’occasion de
démontrer l’unité de ces forces qui refusent de baisser la tête face à ces intimidations et cherchent à créer par les liens internationalistes une riposte décisive contre ces attaques.