Fast fashion : comment la proposition de loi a été resserrée pour ne viser que les pratiques

Fast fashion : comment la proposition de loi a été resserrée pour ne viser que les pratiques "ultra-éphémères" | tf1 info


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* La proposition de loi dite "anti-fast fashion" est examinée par les sénateurs lundi, après son vote à l’Assemblée l’an dernier. * Le texte a été largement modifié, visant


essentiellement aujourd’hui les pratiques de la mode "ultra-éphémère" des plateformes comme Shein ou Temu. * Des associations dénoncent un recul, notamment le malus qui n'est


plus associé au score environnemental des pièces. Le gouvernement défend un texte "resserré" pour davantage d’efficacité. Suivez la couverture complète Initiatives


environnementales En mars dernier, dix tonnes de sacs de vêtements usagés avaient été déposés près du Sénat pour dénoncer le retard pris dans le parcours législatif de la proposition de loi


dite "anti-fast fashion". Votée en mars 2024 à l’Assemblée, elle est finalement examinée au Sénat, ce lundi. Mais sa réécriture, en partie, en commission, est dénoncée par des


associations. Le gouvernement défend lui un texte "resserré", afin, explique Bercy, "de s’assurer qu’on touche les acteurs les plus dangereux et pour l’environnement et pour


le tissu économique et social".  Sont donc visées les plateformes d’ultra fast-fashion, également appelées "mode ultra-éphémère", qui mettent sur le marché une très grande


quantité de vêtements et renouvellent leurs gammes très rapidement. "L’idée est bien de cibler les modèles d’ultra-fast fashion, précise l’entourage d’Agnès Pannier-Runacher, la


ministre de la Transition écologique. Les productions de référence sont sans commune mesure avec ce que l’on pourrait appeler la simple fast-fashion." 35 PIÈCES DE VÊTEMENTS SONT JETÉES


CHAQUE SECONDE EN FRANCE Parmi les cibles du gouvernement, se trouvent donc les grandes plateformes chinoises telles que Shein et Temu. "Si on cumule 2 à 3 plateformes chinoises qui


recourent à cette pratique de la mode ultra-éphémère, on cumule plus de 5 milliards d'euros de ventes en France, ce qui est l'équivalent du chiffre d'affaires de 22 000


commerces de proximité", explique ainsi Bercy. Or, selon les chiffres donnés par La Poste, 22% des colis traités viennent de ces deux plateformes, contre seulement 5% il y a cinq ans.


Entre 2010 et 2023, le nombre de vêtements mis sur le marché en France est passé de 2,3 milliards à 3,2 milliards. Selon l’Ademe, plus de 48 vêtements par habitant sont ainsi mis sur le


marché chaque année en France et 35 sont jetés chaque seconde dans le pays. TRIPLE OBJECTIF : POUVOIR D'ACHAT, ENVIRONNEMENT ET PROTECTION DES ENTREPRISES FRANÇAISES Pour le


gouvernement, l’objectif de ce texte est donc triple : lutter contre l’incitation à la surconsommation et "préserver le pouvoir d’achat des Français", lutter contre "le


désastre écologique" qui résulte de ces pratiques (émissions de CO2 liées au transport, relargage de fibres plastiques dans l’environnement, etc) et enfin, lutter "contre la menace


que cette pratique constitue pour les entreprises françaises".  Il s’agit aussi de préserver l’économie circulaire : les textiles vendus, souvent non recyclables et de mauvaise


qualité, saturent les filières de tri et de recyclage en France. UNE DÉFINITION DE LA FAST-FASHION La proposition de loi définit la fast fashion via des critères basés sur les volumes


fabriqués, la vitesse de renouvellement des collections ou encore la limitation de la "durée de vie" des produits et la "faible incitation" à les réparer.  Les


entreprises visées auraient ensuite des obligations comme celle de sensibiliser les consommateurs à "l'impact environnemental" de leurs vêtements. Un décret viendra fixer le


seuil "au-delà duquel on est considéré comme une marge de gamme trop grande et en-dessous duquel on n’est pas ultra-fast-fashioners", précise Bercy.  UN MALUS QUI NE SERA PAS BASÉ


SUR LE SCORE ENVIRONNEMENTAL La proposition de loi prévoit également des sanctions renforcées pour ces plateformes à travers un système de "bonus-malus" tenant compte des


"coûts environnementaux" d'une production excessive. Mais ce point a été modifié : les députés souhaitaient lier ces pénalités à l’affichage environnemental des produits, ce


nouvel eco-score appelé "Ecobalyse" que le gouvernement va déployer dans les semaines qui viennent.  Mais le Sénat a supprimé la référence à l'éco-score en commission,


préférant des critères liés à la "durabilité" et aux "pratiques commerciales" propres à ces plateformes. Le gouvernement a soutenu cette modification, arguant du fait que


lier un malus au score environnemental reviendrait à rendre celui-ci obligatoire. Or, la Commission européenne a validé le score environnemental français sur la base d’un dispositif


volontaire et non obligatoire. Mais les associations y voient une nouvelle rédaction qui tend à ne viser que l’ultra fast-fashion de Shein et Temu, en préservant des entreprises européennes


et françaises qui auraient pu être concernées par le texte voté à l’Assemblée. INTERDIRE LA PUBLICITÉ POUR CES PLATEFORMES ? Les discussions dans l'hémicycle tourneront également autour


de l'interdiction de la publicité pour les entreprises de l’ultra-fast-fashion. La majorité sénatoriale s'y est opposée au motif qu'elle briderait la "liberté


d'entreprendre".  Mais le gouvernement y est favorable et tentera de réintroduire cette interdiction, soutenue par la gauche. Avec une nuance : interdiction totale ou interdiction


faite aux seuls influenceurs. Les deux options sont sur la table. Lire aussi Vêtements : l’affichage environnemental bientôt déployé Parallèlement, Les Amis de la Terre et


l'Observatoire des multinationales ont demandé la semaine dernière à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) "d'exercer son droit de contrôle"


sur les activités de Shein, accusant "d'irrégularités" le géant fondé en Chine, mais basé à Singapour. De son côté, la Commission européenne a donné un mois à l’entreprise


pour répondre à ses inquiétudes sur un "large éventail" d'infractions potentielles, dont des "faux rabais", des "faux délais" d'achat pour pousser à


la consommation, des "étiquettes de produits trompeuses" ou des "allégations trompeuses" en matière de durabilité des produits.  ------------------------- Marianne ENAULT