
Vérif' - l'urss existe-t-elle encore juridiquement, comme l'affirme un conseiller de poutine? | tf1 info
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* Un conseiller du président russe affirme que l'Union soviétique n'a jamais été dissoute juridiquement. * Selon plusieurs experts, cette affirmation est fausse du point de vue du
droit international. Suivez la couverture complète L'info passée au crible des Vérificateurs Retour vers le futur ? La dissolution de l'URSS a eu lieu en 1991 et pourtant,
l'un des plus proches conseillers du président russe Vladimir Poutine, Anton Kobyakov, a affirmé lors du Forum juridique international de Saint-Pétersbourg (nouvelle fenêtre), le 21
mai, que l'Union Soviétique existait "encore juridiquement". Selon ses mots, repris par l'agence de presse russe Tass (nouvelle fenêtre), "la procédure de
dissolution de l'URSS n'a pas été respectée". Ce qui aurait été reconnu par "les spécialistes du droit constitutionnel, y compris ceux des pays occidentaux tels que les
États-Unis et la France". Ce proche du Kremlin prétend que l'accord de Minsk, signé en 1991, et considéré comme le document qui entérine la dislocation de l'Union soviétique
est "contestable" et que "la procédure légale n'a pas été correctement suivie". Kobyakov conclut même à propos de la guerre en Ukraine que "si l'Union
soviétique n'a pas été légalement dissoute, alors la crise ukrainienne, par exemple, pourrait être considérée comme une affaire intérieure plutôt qu'un conflit international".
L'ancien Premier ministre russe Sergueï Stepachine a tenu des propos similaires (nouvelle fenêtre)quelques jours plus tard, selon la presse russe (nouvelle fenêtre). Alors Moscou et
les anciennes républiques soviétiques ont-elles réellement oublié d'entériner légalement la chute de l'Union ? Non, selon plusieurs experts. UNE DISSOLUTION EN PLUSIEURS ÉTAPES
Anton Kobyakov critique l'accord de Minsk, signé par les trois principales républiques de l'Union soviétique, la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine, le 8 décembre 1991 dans
la forêt de Belovej en Biélorussie. Selon lui, elles n'avaient pas la légitimité de le faire. "Si au début l'initiative de l'accord de Minsk était une déclaration
politique, elle a été poursuivie dans les semaines qui ont suivi la chute de l'URSS avec des accords qui ont été avalisés par toutes les instances internes des anciennes républiques et
de la Russie", nous explique Hugo Flavier, maître de conférence en droit public à l'Université de Bordeaux. L'accord de Minsk est devenu un symbole de la chute de
l'URSS, mais n'a donc pas juridiquement mis fin à lui tout seul à l'URSS. Quelques semaines plus tard, le 21 décembre 1991, onze anciennes républiques soviétiques signent les
accords d'Alma-Ata, et mettent bien légalement fin à l'existence de l'URSS en tant que sujet de droit international. Tous les pays signataires acceptent de dissoudre le
traité de 1922 qui avait marqué la naissance de l'Union soviétique. La Communauté des États indépendants (CEI) est créée, mais il ne s'agit ni d'un nouvel État ni une
d'entité supranationale, comme c'était le cas de l'Union soviétique. Cela devient une organisation intergouvernementale avec pour objectif de favoriser la coopération
économique et militaire entre les États membres. Contrairement à ce qu'affirme Kobyakov, juridiquement, l'URSS n'existe donc plus depuis cette date. CONFORME AU DROIT
INTERNATIONAL Le conseiller de Vladimir Poutine prétend également que pour rendre la dissolution de l'URSS valable, il aurait appartenu au Congrès des Soviets qui avait signé la
création de l'URSS en 1922 de la voter. Mais cette entité n'existait déjà plus en 1991. "Il y a une règle en droit international classique, qui s'appelle la règle
relative au changement fondamental de circonstances. Dès lors que le consentement des parties à un traité n'existe plus, on peut considérer que le traité n'existe plus. Or pour le
traité de 1922, les bases du consentement des parties, dont l'un n'existe plus du tout, ont changé. Puisqu'il y a eu une dislocation de l'URSS, les circonstances ont
fondamentalement changé, donc ce traité a complètement disparu", poursuit Hugo Flavier. Il ne s'agit pas d'une simple sécession des anciennes républiques soviétiques de
Moscou, puisque la Russie était aussi partie prenante du processus. "La Russie a joué un rôle très actif dans la dissolution de l'URSS. Il ne faut pas oublier que ce n'était
pas seulement l'Ukraine, la Biélorussie ou les autres États. Boris Eltsine, premier président de la Fédération de Russie, a été l'un des fossoyeurs de l'Union. En Russie même,
certains étaient contents d'un 'retour' de la Russie, de son identité, d'une tradition nationale", nous précise Ilya Platov, professeur des universités et
spécialiste de l'Histoire russe à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). "L'article 54 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traités, autorise l'extinction d'un traité 'à tout moment par accord de toutes les parties'. Depuis la signature des accords d'Alma-Ata, les anciennes républiques
soviétiques ont acquis le statut juridique international d'États indépendants. Désormais, leurs relations sont régies non plus par le droit soviétique, mais par le droit
international", développe l'historien Alexey Uvarov dans une interview au média d'opposition russe Meduza (nouvelle fenêtre). La dissolution de l'URSS est à la fois actée
légalement et bien conforme au droit international. LA RUSSIE SUCCÈDE À L'URSS L'URSS éclate donc en 1991 et quinze pays deviennent indépendants : l'Ukraine, la Biélorussie,
la Moldavie, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, la Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et
la Fédération de Russie. Le 24 décembre 1991, l'Union soviétique est quant à elle officiellement remplacée par la Russie aux Nations-Unies. Selon Ilya Platov, le discours de Kobyakov
est à double tranchant. "Ces paroles résonnent étrangement avec le discours tenu par un mouvement plutôt marginal et considéré comme extrémiste du retour en URSS, qui disait justement
que l'Union avait été dissoute illégalement, que la Fédération de Russie est une entreprise privée, et qui appelait ses membres à ne plus payer leurs impôts, qui remettait en cause la
légitimité de Vladimir Poutine en tant que président de la Fédération de Russie. Les dirigeants de ce mouvement ont été emprisonnés. C'est donc assez curieux qu'un conseiller de
Vladimir Poutine dise la même chose", constate l'historien. Lire aussi Guerre en Ukraine : Donald Trump affirme que Vladimir Poutine est "devenu complètement fou" >
Poutine pense pouvoir consolider sa position en remettant en cause > les bases juridiques de l'ordre actuel Pierre Andrieu, professeur à Sciences Po et chercheur à la Asia Society
Alors pourquoi le Kremlin se réapproprie-t-il cette rhétorique qu'il condamnait et propage l'idée que l'URSS existerait encore juridiquement ? La Russie y trouve un intérêt à
la fois international et domestique. "Dans le climat d'instabilité globale actuel, de remise en cause des frontières dans plusieurs régions, Poutine pense pouvoir consolider sa
position en remettant en cause les bases juridiques de l'ordre actuel", souligne Pierre Andrieu, professeur à Sciences Po et chercheur à la Asia Society. "C'est la
tendance systématique du révisionnisme de Poutine, qui veut recréer un genre d'Union soviétique, voire d'Empire russe", selon l'ancien diplomate. L'argument
juridique est une stratégie de plus pour justifier la guerre en Ukraine, selon Hugo Flavier, maître de conférence en droit public. "La Russie s'efforce depuis longtemps à justifier
ses comportements comme étant conformes au droit. Cela lui permet d'invoquer le droit international pour légitimer la guerre en Ukraine, sous-entendant que si l'URSS existe
encore, non seulement la nation ukrainienne n'existerait pas, mais l'Ukraine n'existe pas juridiquement en tant qu'état indépendant et donc la guerre en Ukraine
n'est pas un conflit international mais une guerre civile, donc qu'il ne peut pas y avoir de guerre d'agression contraire au droit international." Enfin, pour Ilya
Platov, le public russe est aussi visé par ces déclarations. "En interne, c'est un moyen d'éveiller la nostalgie soviétique, de rassurer sur sa puissance, et de convaincre de
la légalité et de la légitimité de l'action russe en Ukraine", conclut le professeur. VOUS SOUHAITEZ NOUS POSER DES QUESTIONS OU NOUS SOUMETTRE UNE INFORMATION QUI NE VOUS PARAÎT
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