La crise en crimée : pourquoi ? Que faire ? | terra nova
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La crise de Crimée n’est peut-être pas à interpréter sous le prisme de la guerre froide. Bien au contraire, elle préfigure le dernier des « conflits gelés », ces sécessionnismes soutenus par
Moscou qui ont éclos à la suite de l’effondrement de l’Union soviétique. Vu de Moscou, l’Ukraine revêt une signification identitaire, économique et stratégique bien trop importante pour que
le pays échappe à son « étranger proche ». Pour la Russie, il s’agit donc d’empêcher l’arrimage de l’Ukraine aux institutions euro-atlantiques. Le levier des « compatriotes »,
traditionnellement sollicité par Moscou dans l’instrumentalisation des « conflits gelés », a donc été actionné. La présence de populations russes en Crimée et à l’Est de l’Ukraine
conférerait en effet à Moscou un droit de regard naturel sur les évolutions politiques du pays. Pour autant, rien n’indique à ce stade que la Russie souhaite réellement un rattachement de la
Crimée. En effet, la presse russe observe que l’intégration de la péninsule coûterait au budget fédéral près de 3 Mds de dollars par an jusqu’en 2025. Par ailleurs, une Crimée russe ne
permettrait pas de peser sur les orientations politiques décidées à Kiev. Un gel de la situation est donc envisageable et ce quel que soit le résultat du référendum organisé le 16 mars. Dans
ce cadre, quelle doit être la position occidentale ? La négociation semble devoir être privilégiée aux sanctions. Les marchés russes sont par ailleurs sujets à une telle volatilité que des
sanctions financières de fait sont déjà à l’œuvre. A ce stade, l’OSCE semble devoir être l’instance la plus indiquée pour fournir le cadre d’une négociation. Elle est certes régulièrement
critiquée par les Russes mais c’est la seule organisation régionale qui réunisse diplomates russes et occidentaux dans un cadre institutionnalisé. Au sein de l’OSCE, un groupe de contact
pourrait être envisageable associant France, Allemagne et Grande-Bretagne. Malgré son implication dans la médiation du 21 février et son indispensable connaissance de la zone, la Pologne ne
semble plus réunir les garanties d’impartialité nécessaires à l’exercice d’une médiation, notamment après l’invocation de l’article 4 du traité de l’OTAN. Le groupe de contact pourrait
travailler simultanément sur trois corbeilles : Ukraine, Crimée, Russie-Ukraine. D’ici aux élections présidentielles du 25 mai, qui doivent constituer le premier jalon du processus de
normalisation, il s’agirait tout d’abord d’offrir des garanties aux russophones ukrainiens quant aux intentions du gouvernement intérimaire. Celui-ci pourrait s’engager par un « contrat de
gouvernement » sur son programme politique d’ici aux élections et sur la protection offerte aux minorités du pays. Deux rapporteurs pourraient par ailleurs être nommés, l’un enquêtant sur
les événements troubles de la fin février, l’autre sur la situation des droits des minorités régionales et linguistiques en Ukraine. Parallèlement, une « feuille de route » pourrait être
agréée à Simféropol, parrainée par le groupe de contact. Elle permettrait de formaliser l’engagement des autorités de la République Autonome à ne pas recourir à la force, à négocier avec
Kiev dans le cadre des dispositions constitutionnelles ukrainiennes le statut administratif dont elle souhaite bénéficier et à protéger l’ensemble des minorités de la péninsule, dont la
minorité tatare. En troisième lieu, et au vu du « contrat de gouvernement » de Kiev et de la « feuille de route » de Simféropol, les parties russes et ukrainiennes pourraient être invitées à
établir les modalités de leur nouvelle relation bilatérale. Il s’agirait, en particulier, d’amener Moscou à s’engager à reconnaître la légitimité des autorités telles qu’elles seront issues
des élections du 25 mai, et Kiev à accepter le principe d’une négociation avec Simféropol sur le statut de la République Autonome de Crimée.