
Banques hybrides et réglementation des banques de l’ombre | terra nova
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Source : Birouk, Darves 2013 En 2013, seulement 0,9 % du crédit cédé par les institutions bancaires et financières françaises provenait de créances sur les collectivités locales. La
titrisation même si elle est voulue par les autorités publiques ne contribue guère au financement direct de l’investissement public et privé des sociétés non financières françaises. Elle
sert surtout le cycle immobilier et le crédit hypothécaire. On peut donc légitimement s’interroger sur l’utilité réelle de ce mécanisme. Actuellement, l’usage de la tititrisation en France
par les banques : ne permet pas le financement de l’économie alimente le cycle immobilier. 2.2 – LE MARCHÉ DU REPO : UNE HYBRIDATION DES ORGANISATIONS SUR LE MARCHÉ DU FINANCEMENT DE COURT
TERME Le marché du repo est aussi une hybridation non pas des produits mais des organisations sur le marché du refinancement. Le marché du refinancement bancaire est intimement lié aux deux
privilèges bancaires : le refinancement auprès des banques centrales et la protection en cas de faillite . Ces deux privilèges assurent aux banques un coût de financement très bas sur les
marchés qui intègrent dans leur calcul de la prime risque ce soutien public spécifique. Fort de ce statut, les banques ont favorisé des échanges de gré à gré entre elles à court terme pour
s’assurer un refinancement à bas coût souple et rapide. Le marché interbancaire regroupe les contrats de gré à gré noués à court terme entre les banques. Ce marché interbancaire est un
compartiment du marché monétaire en cela que les titres échangés sont des titres de dettes bancaires de court terme, relativement sûrs avec une rémunération faible. Les titres monétaires
liquides et sans risque sont jugés équivalent à de la monnaie. On peut comprendre que ce marché monétaire de la liquidité à bas coût attire les convoitises des entités non bancaires. Le
marché du repo est le succédané du marché interbancaire où sont acceptées les organisations bancaires et financières (assurances, _ hedges funds_ , OPCVM monétaires). La présence des banques
qui peuvent se refinancer auprès de la banque centrale et qui détiennent des titres convoités (obligations d’Etats considérés par le marché comme solvables) assure à ce marché de la
liquidité. Les taux proposés restent bas même s’ils sont un peu plus élevés que ceux fixés sur le marché interbancaire. Les contrats sont de gré à gré et à court terme. Ici l’hybridation a
consisté en l’extension du marché monétaire en faisant profiter du privilège bancaire aux institutions financières. Les banques grâce à leurs conditions privilégiées de refinancement ont
permis au marché du repo de se développer (Classens, Ratnovski, 2014). Le caractère hybride des pensions livrées peut aussi s’analyser à travers leur statut au cours de la vie du repo et
selon les circonstances. Un repo est un contrat entre deux contreparties, il organise la cession temporaire d’un actif contre liquidité avec accord de rachat à terme à un prix déterminé à
l’avance. La monnaie obtenue est diminuée d’une décote (la somme prêtée est inférieure à la valeur du collatéral). Une telle transaction est par nature hybride puisqu’elle a toutes les
apparences d’un prêt collatéralisé mais dans le même temps celui qui reçoit le collatéral peut le revendre (réutilisation du collatéral : « rehypothecation ») ; il doit simplement à l’issue
du contrat de repo le remplacer par un actif parfaitement identique. Un même collatéral peut donc sécuriser plusieurs prêts… Le repo ressemble alors à une vente. Cette interprétation est
confortée par le statut du collatéral en cas de défaillance de la contrepartie. Ce statut hybride a contribué a profondément doper le marché des repos et à accroitre l’aléa moral dans le _
shadow banking_ . Comme nous l’avons vu, la spécificité de l’intermédiation bancaire est de financer des actifs risqués, de moyen long terme à partir d’une dette à vue ou à court terme
(dépôts). La promesse des banques de fournir une assurance en liquidité à leurs créanciers, c’est-à-dire de garantir la conversion des dépôts en cash, est rendue crédible par l’existence de
dispositifs d’assurance dépôts et par l’accès au refinancement de la banque centrale. Le _ shadow banking_ opère la même transformation des risques et des échéances mais officiellement sans
les garanties publiques dont bénéficient les banques. Dès lors, comment expliquer qu’en dépit d’un risque de liquidité comparable à celui des banques, les apporteurs de financement de court
terme sur les marchés repo aient confiance et continuent de financer massivement cette finance de l’ombre. Deux raisons majeures peuvent être avancées : Les banques ont été et sont en
première ligne pour se substituer à l’absence de garanties publiques et étendre ainsi de manière indue, et sans l’aval de leur propre garant public, le filet de sécurité financière à des
entités non régulées (nous y reviendrons). Le privilège du « _ safeharbor_ » (E. Perotti, 2013) : les opérations de prises en pension bénéficient d’un traitement privilégié en cas
d’insolvabilité, aux Etats-Unis comme en Europe. En effet, alors qu’une opération de repo est un prêt collatéralisé et qu’il n’y a donc pas de transfert de propriété, en cas de faillite le
repo est considéré comme une vente. Le principe de « _ safeharbor_ » permet au prêteur en cas de défaut de la contrepartie de conserver le collatéral comme s’il lui avait été vendu. Ce
faisant, le prêteur sur un marché repo passe avant tous les créanciers y compris les plus seniors. Cette hyper-séniorité annihile toute discipline de marché sur les marchés de pensions
livrées puisqu’elle annule tout risque de contrepartie. Elle supprime toutes les incitations des prêteurs au _ screening_ et au _ monitoring_ en agissant comme une sorte d’assurance dépôts
pour les prêteurs – sans le plafonnement de l’assurance que les déposants subissent. Par ailleurs, ce privilège pénalise les autres créanciers par un autre canal : les actifs financiers
mobilisés comme collatéral dans des opérations de pensions livrées apparaissent toujours dans le bilan de l’institution financière qui y a recours, la dette équivalente contractée
apparaissant au passif. Les créanciers seniors sont très mal informés voire pas informés de la part relative des transactions repos dans le bilan. Ils sont donc incapables de correctement
évaluer la valeur de leur créance qu’ils sont susceptibles de récupérer en cas de défaut. Plus l’intermédiaire financier se finance sur les marchés repo, plus les créanciers seniors
sur-évaluent la valeur de leurs créances « récupérables » en cas de défaut, plus cela distord leurs incitations à faire jouer la discipline de marché et plus ils sont potentiellement lésés
en cas de défaut. Le marché du repo pose la question du refinancement de court terme, de son coût et de l’affaiblissement de la discipline de marché. A l’heure actuelle, les banques
disposent du privilège de pouvoir se refinancer à court terme aisément avec un coût modéré. Les autres institutions financières jalousent ce privilège. La légitimation du marché du repo pose
deux séries d’interrogation : Si l’on estime que ce dispositif est légitime, il faut alors s’interroger sur l’ouverture du refinancement à des acteurs non bancaires On peut aussi
s’interroger sur l’utilité réelle du refinancement à court terme 2.3 – LES _ HEDGE FUNDS_ : DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES GREFFÉES SUR DES BANQUES Le dernier exemple d’hybridation est celui
des _ hedge funds_ . Les hedges funds sont des entités financières mandatés par des clients avertis espérant des rentabilités fortes qui acceptent sciemment les risques pris par les gérants.
Réservés à une clientèle fortunée et spécialisée, interdits de publicité, les _ hedge funds_ font l’objet d’une réglementation moins lourde que les sociétés de gestion offrant des OPCVM au
grand public. Mais, à partir des années 1990, de nouveaux clients (fonds de retraite, assurances) disposant de ressources accrues sont apparus (Aglietta, Rigot, 2008). Pour maintenir leurs
rendements, les _ hedge funds_ ont joué sur l’effet de levier en empruntant auprès de _ prime brokers_ filiales de banques et ont placé sur des segments plus risqués notamment sur les
dérivés de crédit. Les _ hedge funds_ sont devenus des institutions financières bancarisées : les banques leurs fournissent les crédits qui les maintiennent en activités et les titres qui
leurs assurent leur rentabilité. Certains _ hedge funds_ sont même devenus des filiales de banques. La gestion alternative est devenue directement ( _ hedge funds_ filiales de banques) ou
indirectement ( _ hedge funds_ clients des banques) une activité financière bancarisée permettant aux banques de tirer profit des rendements risqués offerts par les marchés financiers. Mais
les _ hedge funds_ remplissent aussi une fonction essentielle dans le système financiarisé : ils sont (ou devraient être) des preneurs nets des risques que les autres ne veulent pas. Les _
hedge funds_ sont les contre-partie des positions de couverture de risque (ils sont vendeurs d’option), ils achètent les titres de créances décotés (les tranche equity des produits titrisés,
les obligations d’Etats ou d’entreprises avec des notes de crédit faibles). Ils interviennent sur des segments peu liquides. Bien évidemment, les _ hedge funds_ ne font pas qu’intervenir
sur ces segments là. Ils sont les principaux animateurs des marchés réglementés via les échanges haute fréquence (achat/vente à très court terme de milliers de titres). Réfléchir à la place
des _ hedge funds_ dans le système bancaire parallèle nous impose donc de repenser l’architecture globale du système financier. Car le développement des _ hedge funds_ est la conséquence
logique d’un monde financiarisé. La question que l’on peut se poser est de savoir si les _ hedge funds_ peuvent réellement accomplir leur mission (couvrir les risques des entités
réglementés, comme les banques) sans l’existence du privilège bancaire (Claessens, S. & Ratnovski, L. (2014)). Si _ in fine_ , le seul acteur qui puisse réellement assurer la couverture
du risque est la Banque Centrale et l’Etat, alors on peut s’interroger sur l’utilité réelle de ce système. 2.3 – LES CONGLOMÉRATS BANCO-FINANCIERS Mais bien évidemment l’hybridation la plus
aboutie est celle des conglomérats, bancaires ou assurantiels, qui regroupe en leur sein des activités bancaires et financières. Les conglomérats n’entrent pas dans la définition du système
bancaire parallèle du _ Financial Stability Board_ alors même qu’ils constituent un espace essentiel d’exercice du financement hybride en Europe continental. Si le FSB ne l’a pas retenu,
c’est sans doute parce qu’il avait en tête le modèle américain fondé sur des entités distinctes et non le modèle européen plus intégré. La logique du système bancaire parallèle est de rendre
perméable les espaces bancaires et financiers. La possibilité de financement intra-groupe entre filiales bancaires et financières est assurément une forme de _ shadow banking_ . En
l’espèce, les formes possibles de financement sont multiples. Les fonds monétaires gérés par le groupe achètent des titres émis par la banque ou prêtent temporairement de la liquidité. La
banque peut aussi prêter temporairement sa liquidité. Le risque financier se transmet dès lors à l’intérieur des filiales bancaires ou monétaires. La loi de séparation bancaire n’a pas
permis d’interdire ce type de financements . Le système bancaire parallèle en créant des structures hybrides entremêlant risques bancaires et financiers offre de nouveaux de dispositifs de
financement mais crée aussi des sources de fragilité. 3 – Fragilité des structures de financement, Illusion de liquidité, spirale d’illiquidité : les vulnérabilités du shadow banking au
risque systémique Le _ shadow banking_ a été et est toujours vecteur de risque systémique et doit donc être régulé dans une optique macro-prudentielle, c’est-à-dire avec pour objectif la
stabilité du système financier global et non de telle ou telle catégorie d’intermédiaire financier. La liquidité est au cœur de la vulnérabilité systémique du _ shadow banking_ sous
différentes formes interdépendantes dont l’analyse fournit des pistes de régulation. LA FRAGILITÉ DES STRUCTURES DE FINANCEMENT DU SHADOW BANKING Les fonds monétaires sont dans une position
de vulnérabilité au risque de liquidité similaire à celle des banques : ils sont dépendants de la confiance des souscripteurs de parts. En cas de méfiance, comme ce fut le cas en septembre
2008 aux Etats-Unis après la faillite de Lehman Brothers, une ruée est possible, comparable à une panique bancaire. Tous les souscripteurs peuvent décider de retirer leur épargne du fonds et
de récupérer leurs liquidités. L’absence de garantie des dépôts renforce le risque de ruée puisque, dans le cas d’un fonds monétaire, aucune garantie ne protège l’épargne placée. Pour
satisfaire à l’obligation légale de fixité de la part à 1 dollar, les fonds ont été obligés de vendre leurs titres pour récupérer de la liquidité et répondre aux demandes de leurs clients.
Le 15 septembre 2008, les ventes de parts se sont élevées à 300 milliards de dollars (14 % des encours sous gestion). Fin septembre, les fonds monétaires avaient vendu 29 % de leur
portefeuille de titres de court terme alors même qu’ils étaient le principal animateur de ce marché (40 % détenus par les fonds monétaires). Face à ce séisme, le Trésor américain a dû
intervenir en garantissant la valeur de la part des fonds à 1 dollar et en créant des facilités pour soutenir le marché de court terme (Déclaration de la présidente de la SEC Mary Shapiro,
le 22 août 2012). Ainsi, alors que les souscripteurs des fonds monétaires assimilaient ce placement à un dépôt bancaire, la ruée de 2007–2008 a rappelé la nature financière et non monétaire
de leur placement. Sur le marché du repo, le danger provient de l’illiquidité temporaire liée soit à un excès de demande de titres de bonne qualité face une offre insuffisante, soit à une
hausse sensible des _ spreads_ exigés pour certaines catégories de titres. Ces deux manifestations se sont produites sur le marché du repo pendant la crise. De nombreux produits titrisés
notés AAA (de court terme et de long terme), circulaient sur le marché du repo. Tous les titres AAA avaient le même taux d’intérêt (Gorton, 2010). A partir de l’été 2007, on a assisté à une
différenciation des taux suivant les titres, les produits titrisés subissant une décote de plus en plus forte avant de pratiquement disparaître du marché. Les titres échangés dans le système
bancaire parallèle, en particulier les produits titrisés qui peuvent servir de supports au repo, donnent l’illusion d’être liquides. L’opacité des modèles de valorisation d’actifs et
d’évaluation des risques ont été au cœur du développement de la finance structurée et du _ shadow banking_ . Ils ont créé une illusion de liquidité à bas coût, haut rendement et faible
risque pour des produits financiers complexes pour lesquels les acteurs du marché ne disposent pas des informations indispensables à la valorisation de ces produits. Plus cette illusion est
prégnante dans la période d’euphorie financière, moins les acteurs sur les marchés sont prudents et plus ils délèguent aux modèles – et aux agences de notation – l’évaluation des risques
qu’ils prennent. Dès lors que la défiance s’est installée à l’égard des produits titrisés, la demande ne portait plus que sur les titres souverains mais l’offre était très faible. Le volume
de transactions sur le marché du repo s’est écroulé : Gorton parle de panique sur le repo. Cristallisant la méfiance, les banques européennes ont été particulièrement touchées et n’ont plus
pu se refinancer sur le marché du repo américain. On a dès lors assisté à une augmentation des transactions sur le marché du repo européen entre acteurs européens (Bakk-Simon et alii 2012).
Notons que ce mouvement de méfiance sur le marché du repo s’est produit parallèlement à celui constaté sur le marché interbancaire. Le refinancement des banques ne pouvait donc plus s’opérer
sur les marchés et c’est l’intervention des banques centrales qui a permis d’échapper à une crise bancaire. Les _ hedge funds_ sont aussi une source potentielle de risque systémique du fait
de leur niveau d’endettement et de leur intervention sur des marchés peu liquides (Aglietta et Rigot, 2009). Toutefois, lors de cette crise, même si des faillites d’ _ hedge funds_ ont eu
lieu, elles n’ont pas entraîné d’effet systémique. Les _ hedge funds_ ont davantage été des victimes de la crise avec l’effondrement des produits titrisés (première vague de faillites des _
hedge funds_ spécialisés dans les dérivés de crédit au printemps 2007) puis avec les restrictions de crédit imposées par les _ primes brokers_ lors de la chute des marchés (courant 2008). LA
FRAGILITÉ D’UN LEVIER TRÈS PRO-CYCLIQUE Comme nous l’avons analysé, les repos et la titrisation sont des instruments qui favorisent le développement du crédit et sa diffusion incontrôlée
via une myriade d’organismes non régulés. De plus, l’illusion de la liquidité de ces instruments permet à ces titres de bénéficier d’une sous-évaluation des risques réels. Ils sont donc
massivement recherchés en période haute de cycle et rejetés tout aussi massivement en bas de cycle. Ils nourrissent donc la pro-cyclicité du levier financier et de crédit. La baisse du prix
du risque est un puissant facteur d’amplification du momentum qui nourrit le cercle vicieux endettement/hausse des prix d’actifs dans la phase euphorique du cycle. Dans les produits dérivés,
le montant du levier est directement lié à la valeur des actifs sous jacents, les acheteurs de dérivés n’engageant que très peu de capital. Ce type de levier est puissamment pro-cyclique.
Il dope le rendement du capital des banques et des autres acteurs de la titrisation dans les périodes d’euphorie financière, typiquement dans la période pré-crise la hausse des prix de
l’immobilier a été une machine a engranger des profits mais devint une puissante mécanique à générer des pertes et épuiser le capital quand les prix d’actifs se retournèrent. Les effets
amplificateurs du levier des entités du _ shadow banking_ s’expliquent par un emboitement en cascade du levier des différentes entités et par la combinaison d’un levier économique et d’un
levier financier. Le levier économique est la forme la plus connue du levier qui provient d’emprunt de cash, Le levier financier est celui incorporé à l’usage des dérivés. Il n’apparait pas
au bilan puisqu’il n’est pas le fruit d’un prêt. Ainsi l’achat de tranche equity de CDO par un _ hedge funds_ implique un levier implicite considérable. Illustrons les cascades de levier.
Les banques d’investissement ont un levier très élevé financé principalement sur les marchés repos c’est-à-dire par des emprunts contre titres. Financement très pro-cyclique. Ces mêmes
banques d’investissement en tant que prime broker financent les _ hedge funds_ et donc alimentent l’accroissement de leur levier, _ hedge funds_ qui eux même détiennent des actifs illiquides
et risqués souvent issus de la titrisation, financés par un levier caché car implicite. Le levier du _ shadow banking_ non réglementé augmente donc plus vite que celui des autres prêteurs
notamment parce qu’il combine le levier économique et le levier financier. Lorsque les prix des actifs s’accroissent, la part de ce mode de financement gonfle dans le bilan agrégé des
intermédiaires financiers. L’ensemble du système est rendu plus fragile. Lorsque la crise éclate, le collatéral des financements des _ shadow banks_ s’effondre, les prêteurs se retirent et
la crise systémique de liquidité se généralise. SUR LA BASE DE CE DIAGNOSTIC : QUELLES VOIES DE RÉGULATION DU _ SHADOW BANKING_ ? La liquidité est donc le talon d’Achille tant des banques
que du système bancaire parallèle. Or, le risque de liquidité est un risque intrinsèquement systémique : il suscite des réactions en chaine des intermédiaires financiers bancaires ou non
bancaires aux stress sur la liquidité. Les spirales d’illiquidité s’expliquent par l’interdépendance accrue entre illiquidité de financement et illiquidité de marché dans les périodes de
stress sur la liquidité. L’accès à la liquidité de marché se réfère au caractère plus ou moins liquide des actifs, c’est-à-dire à la possibilité pour un intermédiaire financier de vendre sur
le marché sans décote des actifs pour obtenir de la liquidité. La liquidité de financement se réfère à la capacité des intermédiaires financiers d’arriver facilement à emprunter sur les
marchés. Ces deux formes de liquidité sont excessivement interdépendantes du fait de la prévalence des prêts sur titres dans les financements sur les marchés de gros de la liquidité.
L’intuition de cette interdépendance peut s’expliquer de la manière suivante : le trading exige du capital. Quand un trader (dealer, _ hedge funds_ ou banque d’investissement) achète un
titre, il peut l’utiliser comme collatéral et emprunter sur cette base mais il ne peut pas emprunter la valeur totale du collatéral. La différence entre le prix du titre et la valeur du
collatéral est ce que l’on appelle la marge, elle doit être financée sur le capital du trader. Cela crée une interdépendance entre liquidité de marché et de financement. Quand la « liquidité
de financement » est resserrée, les traders deviennent réticents à prendre des positions en particulier consommatrices de capital avec de fortes marges. Cela réduit la liquidité de marché
et conduit à un accroissement de la volatilité. Symétriquement, un resserrement de la liquidité de marché augmente les risques de financement du trading et donc accroît les marges. Ces
spirales d’illiquidité sont ce que l’on appelle des prophéties auto-réalisatrices : c’est ce qui explique que le risque systémique soit endogène. Il résulte de la réaction des acteurs de la
finance à une pénurie de liquidité ou à la simple anticipation d’un resserrement de la liquidité qui aggrave la pénurie de liquidité pour les autres. En d’autres termes, par leurs
comportements rationnels d’un point de vue microéconomique de protection contre un risque, les agents créent et amplifient le risque contre lequel ils cherchent à se protéger. C’est ce qui
s’est passé de la mi-septembre 2008 à la mi-octobre 2008 notamment. La tentative simultanée de nombreuses banques de restaurer leurs positions de liquidité en se dégageant ou en resserrant
leurs placements sur le marché interbancaire a contribué à l’effondrement général de la liquidité. Le timing de sortie de la phase aigue de crise de liquidité a été totalement conditionné
par les actions publiques des gouvernements et des banques centrales : il n’y a pas de forces endogènes au marché permettant son rétablissement sans soutiens externe. Actuellement,
l’approche de la règlementation par le statut (banque, gérant d’OPC, assurance etc.) prime sur une règlementation sur la base de l’activité. En d’autres termes, il existe un décalage
croissant entre la déspécialisation et désegmentation de la finance, c’est-à-dire le fait que le même type d’activité peut être exercée par des entités juridiques différentes (régulées ou
non) et avec des instruments différents et un droit européen (et français) pensé et construit selon une logique du silo. Ce ne sont pas les activités qui sont réglementées mais les entités
juridiques : il y a des Directives « bancaires », « assurances », « services d’investissement » ou « gestion collective ». Nous montrons dans cette étude que banques et banques parallèles
sont exposées aux mêmes facteurs de risque systémique. Ainsi, les intermédiaires qui ont ainsi alimenté la dérive du crédit ont tous des structures financières analogues à celles des banques
: ils détiennent des actifs illiquides et risqués qu’ils financent par un endettement à court terme postulé liquide. L’interconnexion entre toutes ces entités financières génératrices d’un
fort levier est très forte et en cas de stress financier le risque de contrepartie devient considérable. On peut d’ailleurs noter que le Fed aux Etats-Unis et la banque d’Angleterre ont dû
étendre l’accès au prêteur en dernier ressort aux banques d’investissement ainsi qu’aux fonds monétaires dans des conditions annoncées comme temporaires. Pour autant, il est maintenant connu
qu’en cas de besoin ce dispositif pourra toujours être réactivé. Il serait donc très pernicieux, du point de vue de l’aléa moral, que ces entités du _ shadow banking_ ne soient pas régulées
comme les banques commerciales. Le périmètre des institutions réglementées doit donc être révisé en intégrant toutes les institutions financières systémiquement importantes. Toute entité
qui génère ou transmet le risque endogène via le crédit ou les marchés dérivés que ce soit lié à sa taille, à ses interconnexions ou à son levier doit être considérée comme systémiquement
importante et doit donc être soumise à la régulation macro-prudentielle. Le calibrage des contraintes macro-prudentielles qu’on lui impose doit être fonction de sa contribution au risque
systémique. Il faut donc mettre en œuvre une politique macro-prudentielle qui transcende les différenciations entre institutions financières : banques et banques parallèles doivent être
régulées de la même manière en ce qui concerne leur exposition au risque de liquidité. En d’autres termes, la régulation du _ shadow banking_ impose de passer d’une régulation différenciée
selon les institutions financières à une régulation unifiée par activité de financement. Une politique macro-prudentielle doit se focaliser sur la structure de passif des acteurs de la
finance pour réduire le risque de liquidité. Elle doit donc pénaliser les structures de financements les plus vulnérables en renchérissant les opérations de prêts sur titres quelles que
soient les entités financières qui y ont recours. Une telle approche unifiée de la régulation de la liquidité pourrait se substituer aux ratios de liquidité des banques. La réglementation en
capital des banques part du présupposé que l’insolvabilité ne peut venir que d’une dégradation de la qualité des actifs d’ou des charges en capital en fonction du degré de risque porté à
l’actif des banques. Illiquidité et insolvabilité sont traitées comme des risques séparables. La crise financière globale a, au contraire, souligné que l’illiquidité a entrainé
l’insolvabilité des banques et plus généralement des acteurs de la finance y étant exposés. Cette porosité entre ces deux types de risque étant accrue par les règles comptables « _ mark to
market_ ». Su la base de ces éléments de diagnostic, les propositions de régulation unifiée pourraient prendre les formes suivantes : 1 ÈRE OPTION : RÉGULER LE ACTEURS SYSTÉMIQUES QUEL QUE
SOIT LEUR STATUT En liant la réglementation du capital et de la liquidité c’est à dire en exigeant des niveaux plus élevés de capital réglementaire pour les intermédiaires systémiques qui
ont recours au financement dans le marché de gros de la liquidité. Cette proposition peut se décliner de deux manières : Agir sur le passif : imposer une surcharge en capital fondée sur les
emprunts à court terme dans le marché de gros de la liquidité avec deux résultats possibles : décourager des intermédiaires de recourir autant à ces financements potentiellement instables ou
augmenter leur pouvoir d’absorber les pertes s’ils y recourent. Agir sur l’actif ou plutôt sur comment il est financé. Il s’agirait alors d’accroître la surcharge en capital sur les actifs
financés par prêts de titres ou modifier les ratios de liquidité des firmes détenant de gros montants de ces actifs pour les forcer à maintenir des ratios de liquidité sécurisée plus élevés.
Cela contraindrait notamment les _ hedge funds_ . Par ailleurs, reconnaitre la vulnérabilité des Fonds monétaires aux ruées doit se traduire par des exigences en liquidité et en capital.
C’est le sens des propositions du Commissaire Barnier de septembre 2013 qui soutient l’imposition de contrainte en liquidité : les fonds monétaires devraient détenir dans leur portefeuille
au moins 10 % d’actifs dont l’échéance maximale est d’un jour, et 20 % supplémentaires dont l’échéance maximale est d’une semaine – cette exigence devant permettre aux fonds monétaires de
rembourser les investisseurs qui souhaitent retirer des fonds à court terme. Afin d’éviter qu’un émetteur donné n’ait un poids trop important dans la valeur liquidative (VL) d’un fonds
monétaire, l’exposition maximale par émetteur serait plafonnée à 5 % du portefeuille du fonds en valeur. Ces nouvelles contraintes en liquidité s’accompagneraient de contrainte en capital.
Les fonds à valeur liquidative constante peuvent avoir besoin du soutien de leur sponsor pour stabiliser les remboursements au pair, c’est pourquoi la Commission propose de nouvelles règles
qui, pour réduire ces garanties implicites des banques sponsor, imposeraient à ce type de fonds d’établir une réserve de fonds propres prédéterminée. Cette réserve serait utilisée pour
assurer la stabilité des remboursements en période de baisse de valeur des actifs des fonds monétaires. 2 ÈME OPTION : RÉGULER LES ACTIVITÉS Réguler les transactions et pas seulement les
acteurs qui s’y engagent Renchérir le financement sur prêts de titres ( _ securities financing_ ) : toute entité régulée ou non désirant emprunter contre des titres devrait mettre en pension
un montant de cash fonction de la classe d’actifs mis en collatéral. Ces _ haircuts_ numériques sont similaires aux exigences de marge minimum sur les dérivés. Ils visent à freiner les
leviers excessifs fondés sur les prêts de titres. Le « _ Committee on Global financial System_ » (CGFS, 2010) a fait des propositions apparentées visant à introduire de la contra-cyclicité
dans la fixation des décotes ( _ haircut_ ) et dans les pratiques de marge de manière à limiter l’accroissement du levier dans les périodes fastes et à tempérer les effets systémiques du
désendettement dans les épisodes de contraction des prix de marché. Ces propositions concernent notamment les financements sur collatéraux et les exigences de collatéraux applicables sur les
marchés dérivés de gré à gré. Une alternative est de définir les planchers de sécurité pour la catégorie de transaction indépendamment des acteurs, mais fonction de la volatilité des prix
de la classe d’actifs mise en collatéral. Accroitre l’information des créanciers senior sur la dépendance de leur contrepartie aux financements sur les marchés repo. Comme nous l’avons
expliqué, le prêteur sur le marché repo bénéficie d’une hyper seniorité c’est-à-dire qu’en cas de défaut de l’emprunteur il conserve le collatéral, or les actifs mobilisés comme collatéral
dans les opérations de pension livrées apparaissent toujours dans le bilan de l’institution qui y a recours. Ce faisant, les créanciers seniors qui sont mal informés de la part relative des
transactions repo dans le bilan ne sont pas à même de correctement évaluer ce qu’ils sont susceptibles de récupérer si leur contrepartie fait défaut. Ce manque d’information est très
préjudiciable au moment même où l’on tente de réactiver la discipline de marché en impliquant les créanciers privés via l’introduction de règles de _ bail in_ dans la résolution des
institutions bancaires systémiques. L’imposition d’une plus grande transparence dans l’information accessible aux créanciers quant à l’importance des financements sur les marchés repo de
leur contrepartie est indispensable pour que les créanciers soient à même de calculer leur exposition à d’éventuelles pertes en cas d’activation des clauses de _ bail in_ et puisse donc
faire jouer la discipline de marché. RESTREINDRE LES GARANTIES ET SOUTIENS DIVERS QUE LES BANQUES UNIVERSELLES SYSTÉMIQUES ACCORDENT AUX BANQUES PARALLÈLES. Les régulateurs pourraient
contrôler le système bancaire fantôme en agissant sur la capacité des entités régulées à utiliser leur valeur de franchise pour soutenir le développement des activités du système bancaire
parallèle. En effet, Claessens et Ratnovski définissent le système bancaire de l’ombre comme « toute activité financière, exceptée la banque traditionnelle, qui exige pour fonctionner une
garantie ( _ backstop_ ) publique ou privée » c’est-à-dire une capacité d’absorption des risques externe au _ shadow banking_ lui-même. Notons que les activités traditionnelles de marchés de
capitaux n’ont pas besoin de ces garanties pour fonctionner. Quelles sont donc ces garanties qui alimentent le système bancaire fantôme ? Elles recouvrent deux réalités différentes. D’une
part, une fraction substantielle des activités du système bancaire de l’ombre se fait en réalité au sein même des banques universelles qui contrôlent par exemple des fonds dits alternatifs
engagés dans des activités très risqués et bénéficiant de garanties de financement de la banque. D’autre part, les banques systémiques font bénéficier le système bancaire parallèle de la
garantie publique qui les protège créant ainsi un élargissement indu du filet de sécurité financière financé par les Etats. Les banques, parce qu’elles sont sous la protection du prêteur en
dernier ressort, peuvent agir comme des prêteurs en dernier ressort « privés » en faveur du système bancaire de l’ombre. Comment ? En accordant par exemple des soutiens en liquidité aux
véhicules de titrisation ou à travers leur activité de financement des _ hedge funds_ (prime broker). Or, ces garanties réduisent la discipline de marché et favorisent la prise de risque… La
conclusion logique est donc qu’une manière efficace de contrôler et « dégonfler » le _ shadow banking_ serait de tarir les garanties que leur offrent les banques régulées. De ce point de
vue, la séparation des activités bancaires fait partie des mesures phare permettant de contrôler l’extension du système bancaire fantôme en supprimant les garanties implicites dont bénéficie
la banque de marché. REFERENCES Adrian T. & Shin H. S., (2010, « The changing nature of financial intermediation and the financial crisis of 2007–09 », _ Staff Reports 439, Federal
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