Djellil bouzidi : « les attentes de rendement doivent être raisonnables » | terra nova

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DJELLIL BOUZIDI (RESPONSABLE DU PÔLE ÉCONOMIE DE TERRA NOVA) EN QUOI L’IMPATIENCE DU CAPITAL EST-ELLE UN PROBLÈME ? Aujourd’hui, l’essence du capitalisme, c’est le capital financier, qui est


plus immédiat. Sur le New York Stock Exchange, la durée de détention d’une action par un investisseur est inférieure à 1 an, quand elle était de 5 ans dans les années 1980. Comment


construire la stratégie d’une entreprise sur le long terme quand on voit le turnover des patrons, la dictature des résultats trimestriels, la pression pour verser des dividendes ou racheter


des actions ? Les chefs d’entreprise se focalisent sur ce que vont penser les analystes, les actionnaires, et cela se traduit à terme par une mauvaise allocation du capital… C’est le coeur


du problème. Le capitalisme financier stressé conditionne les mouvements des entreprises. PEUT-ON PARLER D’UNE DICTATURE DU COURT TERME POUR LES ETATS ? Les deux sont liés. La dette des


Etats a explosé depuis le début de la crise (+75 %). Elle est cotée sur les marchés financiers et un rapport de dépendance s’est créé. Mais les cycles électoraux courts poussent aussi les


Etats à privilégier le court terme. C’est l’un des rares désavantages des pays démocratiques, comme le fait remarquer Dominic Barton, le patron de McKinsey, à propos de pays comme la Chine,


qui peuvent se permettre d’installer une logique prospective. Mais si le capital est devenu impatient, c’est parce qu’il en est arrivé à exiger des rendements trop élevés. Si vous demandez


aux entreprises des retours sur capitaux propres de 20 %, elles vont faire n’importe quoi. Cela sera peut-être bénéfique à court terme, mais dangereux à long terme. Les attentes de rendement


doivent être plus raisonnables et les investisseurs plus patients. Y A-T-IL UNE REMISE EN QUESTION DE CE MODÈLE ? Au-delà des mouvements populaires, le discours prend aussi auprès


d’institutions comme McKinsey, qui conseille de nombreux pays, ou comme BlackRock, qui a appelé les entreprises à investir sur le long terme plutôt que de racheter leurs actions. Ce sont des


voix qui portent. Cela ne veut pas dire qu’il y a une remise en cause du système capitaliste. C’est un système qui a montré sa capacité à créer de la richesse, mais qui va aller dans le mur


s’il continue sur la voie de l’impatience. QUEL RÔLE DOIT JOUER L’ETAT ? Il faut élargir l’horizon, avoir une vision prospective. Un exemple : la Corée du Sud avait demandé à McKinsey en


2008 de mettre en place un plan à 60 ans… Ce genre d’outil est sous-utilisé en France. Dans ce contexte, l’Etat doit avoir un rôle moteur, a minima au niveau des investisseurs


institutionnels publics (CDC, BPI, APE), en mettant en place une rationalisation et une homogénéisation de la vision stratégique de ces institutions. Il n’y a pas aujourd’hui de vision


cohérente globale Propos recueillis par P. Fay, Les Echos