La réforme de la structure des banques : un enjeu démocratique majeur | terra nova

La réforme de la structure des banques : un enjeu démocratique majeur | terra nova


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Le candidat Hollande a fait de la réforme de la finance un thème central de sa campagne. Le discours du Bourget a marqué les esprits. L’heure est maintenant à la transformation de l’essai :


passer du lyrisme galvanisant des formules de campagne à une réforme véritable. L’agenda européen ne laisse pas place à l’attentisme : ce début d’automne a été marqué par la publication du


rapport Liikanen – du nom du président de ce groupe d’experts, par ailleurs gouverneur de la banque de Finlande – en charge de faire des propositions visant à « réduire la probabilité et


l’impact d’une faillite bancaire, à s’assurer du maintien des fonctions économiques vitales et à mieux protéger les clients de la banque de détail vulnérables ». La convergence entre ce


mandat et celui que s’est fixé notre Président est frappante, car derrière l’apparente technicité du mandat du groupe Liikanen et des propositions qu’il fera, c’est bien l’enjeu d’une


finance plus responsable et en convergence avec les intérêts de la société qui se profile. Les gouvernements en France et ailleurs considèrent généralement que l’intérêt de leurs champions


nationaux coïncide nécessairement avec l’intérêt national. Cette conviction a conduit les Etats à laisser se développer un système bancaire de plus en plus concentré dont les acteurs ont


acquis un tel poids qu’ils n’ont plus à craindre la sanction ultime du marché qu’est la faillite. Les systèmes bancaires sont donc dominés par des banques trop grosses mais également trop


complexes et trop connectées pour faire faillite : des banques systémiques. Celles-ci sont souvent des banques universelles regroupant directement ou par des filiales les différents métiers


de banques de détail, de banques de financement et d’investissement et de gestion d’actifs. La France n’échappe pas à cet état de fait : nos champions nationaux sont des banques universelles


et systémiques. Les actifs détenus par BNP Paribas représentent environ 100 % du PIB français, de l’ordre de 80 % pour le Crédit agricole et de 50 % pour la Société générale et BPCE. Ces


chiffres parlent d’eux-mêmes : il y a bien en France un problème de banques trop grosses pour faire faillite. D’ailleurs, sur la liste des 29 banques mondiales systémiques (“SiFis”, pour


Systemically Important Financial Institutions) établie par le Conseil de stabilité financière, 5 sont des banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE et Dexia


virtuellement en faillite). Les banquiers français défendent pourtant avec force le modèle de banque universelle affirmant qu’il a fait preuve de sa solidité. Rappelons néanmoins que parmi


les institutions systémiques renflouées lors de la crise financière globale, nombre étaient des banques universelles. À titre illustratif, on peut citer Citigroup, Fortis, Royal Bank of


Scotland, UBS, Bank of America, Lloyds etc. La liste est bien plus longue. Comme nous l’avions déjà évoqué avec Christophe Scalbert dans un rapport de juillet 2011 pour Terra Nova intitulé «


 d’un capitalisme financier global à une régulation financière systémique » , la question des options susceptibles de délier les mains des Etats de sorte qu’ils ne soient plus contraints de


systématiquement renflouer les banques systémiques est un enjeu qui, au-delà d’être technique, est avant tout démocratique. Cette note vise à montrer que la séparation des activités qui peut


prendre différentes formes est une partie de la solution. De fait, plusieurs grandes options de réforme sont envisageables : la séparation pure et simple sur le modèle du Glass Steagall


Act, le cloisonnement et la sanctuarisation de la banque de détail à la Vickers, l’interdiction de certaines activités risquées dans l’esprit de la règle Volcker du Dodd Frank Act ou le


cloisonnement des activités de trading les plus risquées à la Liikanen. Chacune de ces options que nous présenterons plus loin dans cette note doit être évaluée relativement à sa capacité à


répondre aux problèmes que posent les banques systémiques pour la société dans son ensemble. Le débat sur la réforme de la structure des banques est légitime. Il doit être mené


démocratiquement et non capturé par les seuls banquiers. QUELS SONT LES ARGUMENTS MAJEURS FAVORABLES À UNE VÉRITABLE RÉFORME DES BANQUES ? 1 – Les institutions financières systémiques en


raison de la garantie implicite des Etats dont elles bénéficient créent un environnement permissif à une prise de risque excessive tout en générant un engagement contingent massif pour les


Etats et donc les contribuables. C’est l’argument bien connu de l’aléa de moralité, à savoir que tout agent économique bénéficiant d’une assurance tend à prendre plus de risques qu’il n’en


prendrait s’il n’était pas assuré. 2 – Les institutions financières systémiques créent des distorsions de concurrence en termes de coût de financement : à niveau de risques donné, elles se


financent plus facilement et moins cher sur les marchés. Cet avantage concurrentiel est validé par les agences de notation qui émettent deux types de note : le « stand alone credit rating »


et le « support credit rating », la seconde note intègre l’évaluation par l’agence du soutien gouvernemental. Or, la différence entre ces deux notations est systématiquement plus grande pour


les banques systémiques que pour les plus petites banques, ce qui ne fait que conforter les avantages dont elles bénéficient quant à l’accès aux financements de marchés et au coût de


celui-ci. Cet avantage peut être considéré comme une subvention puisqu’il résulte des garanties implicites des Etats auxquelles les agences de notation et les marchés donnent une valeur . 3


– Les banques systémiques sont plus vulnérables au risque de liquidité qui est un risque systémique. En effet, la distorsion entre grandes et petites banques n’est pas seulement dommageable


du point de vue de la concurrence. Elle crée également une incitation pour les banques systémiques à adopter une structure de financement plus dépendante des financements sur les marchés de


gros de la liquidité, ce qui accroit leur vulnérabilité au risque de liquidité. Or, celui-ci est apparu dans la crise comme un risque d’emblée systémique du fait des spirales d’illiquidité :


les tarissements de la liquidité de marché et de la liquidité de financement s’auto-alimentent mutuellement. Par ailleurs, au-delà même de cette subvention et des incitations perverses


qu’elle induit, le fait même de combiner les activités de banque commerciale et de banque de marché est un autre facteur d’accroissement de la vulnérabilité des banques universelles au


risque de liquidité. Comme le montre une récente étude d’AlphaValue, le ratio prêts sur dépôts en France est en moyenne de 115 %, ce qui signifie que pour assurer le financement par prêts


bancaires les banques doivent emprunter sur les marchés à hauteur de cette différence (15 pour 100 de dépôts collectés) via des prêts interbancaires, les marchés de financement de court


terme et obligataires. Mais les grandes banques françaises qui combinent activités traditionnelles d’intermédiation bancaire et activités de marchés doivent également financer leurs


activités de trading, ce qui renforce considérablement leur dépendance à des financements sur des marchés de gros très instables. D’après l’étude d’Alpha Value, au 15 qu’elles doivent


emprunter pour financer la différence entre les prêts qu’elles octroient et les dépôts qu’elles collectent, il faut ajouter 60 liés au financement des activités de trading. En d’autres


termes, le fait de mixer les deux types d’activités multiplie par 5 leurs besoins de se financer sur les marchés de gros relativement à ce qu’elles doivent emprunter pour leur activité de


pur financement de l’économie réelle. 4 – Plus une banque est systémique, plus sa structure d’activité favorise le trading au détriment des prêts. Comme le montre l’ONG Finance Watch dans sa


réponse au groupe Liikanen, plus une banque accroît sa taille et adopte un modèle de banque universelle, plus elle a tendance à déformer sa structure d’activité en faveur du trading et des


activités sur dérivés au détriment de son activité de prêts. Ainsi, sur la base d’un échantillon de 32 banques européennes cotées, fin 2010, le portefeuille de prêts des 10 plus petites


banques cotées représentaient 75 % de leur total de bilan, alors que pour les 10 plus grandes banques cotées il ne représentait que 36 % de leur total de bilan. Si l’on considère comme le


fait Finance Watch que l’activité de prêt est une bonne approximation de l’activité bancaire directement utile à la société, contrairement au trading pour compte propre qui sert les intérêts


de la banque elle-même, il est clair que le modèle de banque universelle n’est pas le modèle bancaire à promouvoir du point de vue de l’intérêt collectif. 5 – Contrairement à ce que


prétendent les banquiers, scinder les activités des banques ne réduirait pas leur capacité de prêt car les banques commerciales conserveraient évidemment l’accès au marché interbancaire, et


comme toutes les entreprises elles pourraient également se financer sur les marchés de dette monétaire et obligataire. En revanche, cela limiterait leur vulnérabilité au risque de liquidité.


6 – Une telle réforme ne signerait pas l’acte de décès de la banque de marché mais simplement la fin de la subvention que la collectivité lui accorde du fait de son association à la banque


commerciale. Les risques pris seraient alors mieux tarifés. On peut en effet en attendre une baisse de volume d’activité et de rentabilité de la banque de marché, mais est-ce véritablement


dommageable au regard des coûts considérables induits par les prises de risques excessives et supportés par l’économie dans son ensemble ? 7 – Enfin, comme le souligne l’étude d’Alpha Value


précédemment citée, le fait de combiner dans un même groupe bancaire les deux types d’activité génère une décote conglomérale, c’est-à-dire une décote en termes de valorisation boursière du


groupe financier relativement à une cotation séparée de la banque commerciale et de la banque d’investissement. Les actionnaires seraient donc gagnants à une séparation. Pourtant, le lobby


bancaire français défend « bec et ongles » le modèle de banque universelle en affirmant que celui-ci a fait preuve de son efficacité et de sa solidité. Quels sont donc les arguments des


tenants de la banque universelle ?  Les rappeler et évaluer leur pertinence permet en creux d’approfondir la réflexion sur la séparation des activités.  Deux grands arguments sont


généralement mobilisés : – Le premier reprend un enseignement basique de tout cours de finance, à savoir que la diversification permet de limiter la vulnérabilité au risque idiosyncratique,


ce qui réduit la probabilité de faillite. En principe, l’accroissement de la taille va de paire avec l’approfondissement de la diversification et donc devrait protéger contre les risques.


Cependant, quand les établissements financiers deviennent si gros que leur portefeuille est finalement une approximation du marché, les expositions communes deviennent excessives et ils


deviennent très vulnérables au risque systématique. Le système manque alors de diversité. Le paradoxe est donc que la diversification excessive par l’homogénéisation des portefeuilles


qu’elle implique génère de la fragilité systémique. – Le second grand argument des tenants de la banque universelle est le suivant : les restrictions sur la taille et les activités des


banques les empêchent de pleinement bénéficier des économies d’échelle et d’envergure propres aux firmes multi-produits et multi-services, ce qui plaide évidemment pour la banque


universelle. On parle d’économies d’échelle lorsqu’une entreprise est plus efficace quand le volume de ses activités s’accroît, c’est-à-dire que le coût moyen décroît quand la quantité


produite augmente. On parle d’économies d’envergure lorsqu’il est moins coûteux de produire plusieurs biens ou de fournir plusieurs services dans une même entreprise plutôt que dans des


firmes séparées. Cet argument des économies d’échelle et d’envergure n’est pas pleinement corroboré par les études empiriques. En effet, dans le secteur bancaire, la courbe de coût moyen a


la forme d’un U relativement écrasé ce qui signifie qu’au-delà d’une certaine taille - très inférieure à celle des institutions financières systémiques - les déséconomies dominent. Ces


déséconomies sont imputables aux difficultés de gestion des firmes de très grande taille. Il est alors légitime de s’interroger sur les motivations à la course à la taille des banques…


D’autant plus que les travaux sur la résilience des systèmes mettent en avant deux caractéristiques essentielles qui favorisent la résilience, c’est-à-dire la capacité d’un système à


absorber un choc et à se réorganiser suite à ce choc : la diversité et la modularité. Or, un système financier dominé par des mastodontes financiers manque de diversité et de modularité. Dès


lors comment recréer de la diversité et de la modularité dans le système financier sans remettre en cause les services que les banques assurent ? L’option qui vient immédiatement à l’esprit


serait de limiter la taille des établissements. En clair empêcher les banques de devenir trop grosses pour faire faillite, via des limites imposées à leur taille en termes de pourcentage de


PIB ou de taille maximale des actifs. Cette solution n’est malheureusement pas réaliste à court terme au niveau mondial en raison des degrés de concentration très différenciés de


l’industrie bancaire dans les différents pays du monde. Une telle option impliquerait de démanteler les gros acteurs bancaires des pays dont le secteur bancaire est très concentré, en


particulier en Europe, et préserverait l’intégrité de la majorité des banques de pays dont l’industrie bancaire est moins concentrée. Le tableau ci-dessous illustre l’impossibilité de cette


solution et souligne par là même que le problème des banques systémiques est beaucoup plus aigu en Europe qu’aux Etats-Unis. La comparaison des colonnes 1990 et 2009 témoigne par ailleurs


que ce problème de concentration extrême de l’industrie bancaire, notamment en Europe, est finalement relativement récent. ACTIFS COMBINÉS DES TROIS ET CINQ PLUS GRANDES BANQUES EN % DU PIB


Pays Trois plus grandes banques Cinq plus grandes banques 1990 2006 2009 1990 2006 2009 Allemagne 38 117 118 55 161 151 Royaume-Uni 68 226 336 87 301 466 France 70 212 250 95 277 344 Italie


29 110 121 44 127 138 Espagne 45 155 189 66 179 220 Pays-Bas 154 538 406 159 594 464 Japon 36 76 92 59 96 115 Etats-Unis 8 35 43 11 45 58 _ Source : M. Goldstein et N. Véron, 2011, « Too big


to fail : the transatlantic debate », Bruegel Working Paper, February._ Dès lors, quelles sont les solutions pour traiter cette question des institutions financières systémiques et délier


les mains des Etats dans les crises bancaires ? Comment élargir la gamme des réponses possibles de la puissance publique, autre que le renflouement pur et simple ? C’est là que l’option de


séparation entre les services bancaires indispensables à la société et les autres services que fournissent les banques universelles trouve tout son sens. La distinction entre utile et vital


à la société doit être mobilisée pour établir la frontière. Les banquiers affirment – à raison - que beaucoup de services fournis par la banque de financement sont utiles à la société. Cela


ne fait aucun doute. Pour autant, est-ce que toutes ces activités sont vitales pour l’économie, au sens fort du qualificatif vital ? La réponse est indiscutablement non. A contrario,


certains services fournis par les banques ne sont pas seulement utiles mais fondamentaux, au sens où s’ils ne sont plus assurés, l’économie s’effondre. On peut alors les désigner comme un


service public bancaire. C’est le cas de l’accès aux dépôts, de la gestion des moyens de paiements, des prêts aux ménages en raison de l’absence de sources de financement alternatives, et


des prêts finançant l’activité productive, sans qu’il soit nécessaire de distinguer entre petites et grandes entreprises clientes. Les autres services bancaires incluant les activités de


marché (création de produits financiers complexes, spéculation pour compte propre, etc.) et les prêts pour achats de titres peuvent être utiles mais non vitaux au fonctionnement de


l’économie. Seules les premières activités doivent bénéficier du soutien explicite de l’Etat, et la séparation permet ce cantonnement de la garantie publique. PLUSIEURS OPTIONS SONT


ENVISAGEABLES POUR RÉPONDRE AU PROBLÈME DES BANQUES UNIVERSELLES SYSTÉMIQUES : LA SÉPARATION STRICTE, LE CLOISONNEMENT SOIT DE LA BANQUE DE DÉTAIL SOIT DES ACTIVITÉS DE TRADING LES PLUS


RISQUÉES, OU L’INTERDICTION DE CERTAINES ACTIVITÉS AUX BANQUES COMMERCIALES. 1 – La séparation stricte ou scission sur le modèle du Glass Steagall Act de 1933 consiste à démanteler les


groupes bancaires tels qu’ils existent actuellement en séparant strictement les banques de marché des banques commerciales qui deviendraient alors des entités juridiques indépendantes. Il y


a donc rupture des liens capitalistiques entre les deux types de banques, ce qui permet d’éviter totalement le risque de transfert de capitaux propres et de liquidités entre les deux


entités. 2 – Le cloisonnement et la sanctuarisation de la banque de détail qui a été préconisé en septembre 2011 par le rapport Vickers (Independant Commission on Banking) préserve quant à


lui l’intégrité des groupes financiers. Il s’agit de cloisonner ( _ ring fencing_ ) les activités de banque commerciale au sein des groupes bancaires. En d’autres termes, on regroupe les


activités traditionnelles de banque de détail (dépôts et prêts) dans une entité juridique « cloisonnée » ( _ ring fenced_ ) disposant d’une gouvernance propre, notamment un conseil


d’administration indépendant et des exigences de capitalisation accrues. Dans le rapport Vickers, toute entité « cloisonnée » est autorisée à collecter des dépôts et à fournir des services


aux entreprises de l’espace économique européen mais est interdite de toute activité de marché . Seule la banque « cloisonnée » continue à bénéficier de garanties des pouvoirs publics, ce


qui théoriquement doit accroître les coûts de financement de la banque « non cloisonnée » via l’élimination de la subvention de financement dont bénéficient les banques d’investissement


intégrées dans des groupes bancaires universels. Une question reste en suspens : est-ce que l’intégralité des activités de banque de financement et d’investissement (BFI) doit être du côté «


 non cloisonné » ? En d’autres termes, où placer la banque de financement dans ce dispositif ? En effet, l’activité de financement est beaucoup plus stable et ne présente pas du tout le même


profil de risque que l’activité de marché. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle John Vickers estime que les activités de financement peuvent être logées d’un coté ou de l’autre. 3 – Le


cloisonnement des activités de trading sur titres et dérivés, de teneur de marché, des crédits aux _ hedge funds_ et des SIV est la voie choisie par le rapport Liikanen. A noter que la


couverture des risques pour les clients non bancaires ne fait pas partie des activités devant être transférées dans cette filiale séparée. Par ailleurs, la liste des activités devant être


cloisonnées peut être élargie au cas par cas au gré des régulateurs s’ils le jugent nécessaire à l’efficacité du plan de rétablissement et de résolution propre à l’établissement. Ce


cloisonnement n’est obligatoire que si les activités concernées représentent une part substantielle des activités de la banque ou un volume susceptible d’affecter la stabilité financière. Le


rapport Liikanen insiste particulièrement sur le fait que les structures des groupes bancaires doivent être telles qu’elles facilitent leur résolution. Le couplage du cloisonnement des


activités de marché les plus risquées et de plans de rétablissement et de résolution véritablement contraignants pour les banques systémiques et incluant la généralisation des _ bail-in


bonds_ (titres de dette convertibles en actions), instruments financiers permettant d’impliquer les créanciers privés dans les opérations de renflouement des banques, doit bien s’interpréter


comme un ensemble de mesures dont l’efficacité vient de leur combinaison. 4 – L’interdiction de certaines activités risquées sur le modèle de la « règle Volcker ». La section 619 du Dodd


Frank Act, réforme financière promulguée aux Etats-Unis en juillet 2010, est connue sous le nom de « règle Volcker ». Elle vise à séparer certaines activités risquées de celles couvertes par


les garanties publiques. Ainsi, les banques bénéficiant de l’assurance-dépôts du FDIC et de l’accès à la liquidité d’urgence du Fed n’ont pas le droit d’effectuer des opérations de trading


pour compte propre dès lors que ces activités ne visent pas à couvrir des transactions effectuées pour le compte de leurs clients et ne sont pas liées à leurs activités de teneurs de marché


(notamment l’animation du marché des titres publics). Les investissements et le sponsoring des banques « garanties » dans les _ hedge funds_ et fonds de _ private equity_ sont plafonnés à 3 


% du capital des fonds et 3 % du capital _ tier one_ des banques. La règle Volcker est indiscutablement moins efficace que les trois autres options en raison notamment d’un défaut de


clarification quant à la frontière entre activités permises et interdites, qui ouvre de nombreuses possibilités juridiques de contournement. En d’autres termes, la difficulté à distinguer


précisément les activités risquées et interdites des activités non risquées, notamment dans un environnement mouvant marqué par des innovations financières permanentes, offre des


opportunités de contournement de la règle qui rapidement en limitent l’efficacité. Seules les réformes touchant la structure de l’industrie bancaire sont à la hauteur du défi posé par les


établissements systémiques, mais elles ne se suffisent pas à elles-mêmes. Elles doivent être couplées à des avancées institutionnelles et juridiques concernant les procédures à appliquer aux


institutions financières en difficulté. En effet, les institutions financières systémiques ne sont pas seulement trop grosses, mais aussi trop complexes et trop connectées pour faire


faillite. Or, la séparation des activités répond à ces trois caractéristiques qui conditionnent le caractère systémique des intermédiaires financiers. Elle aide à la réduction de la taille


hypertrophiée des bilans, elle limite la complexité et l’opacité des groupes et elle réduit également le degré d’interconnexion dans le système financier. Cependant, la séparation a elle


seule ne suffit pas à rendre crédible le non-renflouement systématique des banques. Comme le rappelle à l’envi les tenants de la banque universelle, plusieurs cas emblématiques de banque


systémique étaient des banques d’affaires comme Bear Stearns ou Lehman, l’une ayant été renflouée, l’autre non, avec tous les effets systémiques que l’on connaît. La reconnaissance de cet


état de fait justifie que la séparation - quelle que soit sa forme - soit couplée à la création un cadre institutionnel et légal faisant que toutes les institutions financières puissent


faire faillite ou être restructurées ou démantelées. Idéalement, ce cadre juridique devrait comprendre les _ living wills_ et un régime spécifique de défaillance et de résolution des


institutions financières systémiques pouvant inclure des _ bail-in bonds_ . Dans le rapport que nous avions écrit pour Terra Nova , nous avions déjà développé les arguments en faveur des


plans de résolution et d’un régime spécifique de résolution de la défaillance des institutions financières systémiques. Nous nous contenterons donc d’en rappeler les éléments essentiels. Les


plans de rétablissement et de résolution devraient : Fournir au régulateur un ensemble d’informations précises expliquant comment l’institution peut être légalement démantelée. Décrire les


principales étapes requises pour résoudre la défaillance de l’institution et souligner les difficultés pouvant potentiellement ralentir le processus. Evaluer les délais requis pour la


résolution. Etablir différents scénarios de stress associés chacun à des procédures de résolution spécifiques, c’est-à-dire à des plans contingents de résolution. En clair, il s’agit


d’élaborer des scénarios dans lesquels certains composants du groupe financier peuvent être vendus ou mis en liquidation, les « parties » systémiques devant être préservées. Ils répondent à


trois objectifs majeurs : Mettre en place _ ex ante_ les conditions devant permettre d’activer un large éventail d’options de résolutions autres que le simple renflouement total de la


banque. Pour ce faire, les _ living wills_ doivent être couplés à des instruments légaux spécifiques donnant une assise légale aux différentes options mobilisables, d’où l’importance du


régime de défaillance et de résolution des institutions financières systémiques. Permettre aux régulateurs d’imposer une simplification des structures légales des banques. Les _ living


wills_ auraient donc un rôle disciplinant et incitant à la simplification de structures complexes et opaques. De nouveau, l’importance de l’assise juridique des pouvoirs ainsi conférés au


régulateur est cruciale. Fournir une base au partage des pertes en cas de défaillance d’un groupe financier transfrontière, c’est-à-dire agir comme un instrument de coordination


internationale _ ex ante_ . Concernant le régime spécifique de résolution de la défaillance des institutions financières systémiques, il doit permettre de ne plus gérer leur défaillance dans


le cadre général du code des faillites qui s’applique aux entreprises. Il doit offrir des instruments ayant en commun d’impliquer le secteur privé, c’est-à-dire d’imposer une forte dilution


des actionnaires en place et des décotes ou conversion en action pour les détenteurs de dette. En particulier, les recapitalisations, si elles se font, doivent avoir lieu après une pleine


reconnaissance des pertes. Ce nouveau cadre juridique doit réduire les délais de résolution qui sont étroitement corrélés avec les coûts finaux des résolutions. L’expérience historique


montre en effet que l’attentisme des régulateurs va le plus souvent de pair avec un fort accroissement des coûts finaux nets. Plus on attend pour agir, plus les coûts collectifs sont lourds.


C’est pourquoi il faut doter les régulateurs de pouvoirs leur permettant d’agir précocement et de manière beaucoup plus intrusive. Ils doivent disposer d’une palette d’instruments


juridiques facilitant un démantèlement ordonné des institutions financières systémiques, tout en préservant la stabilité financière et en protégeant les intérêts des contribuables et pas


seulement les intérêts financiers privés. C’est le principe de résolution à moindre coût déjà présent aux Etats-Unis depuis 1991. Enfin, l’expérience historique ne doit pas être oubliée et


nous fournit un dernier argument majeur en faveur de la séparation. Lorsque l’on évoque aujourd’hui cette question, on se réfère communément au Glass Steagall Act, mais généralement en


occultant une partie de celui-ci. Le Glass-Steagall Act est en fait le Banking Act (loi bancaire) de juin 1933. Il instaura certes cette séparation, mais surtout créa le FDIC, c’est-à-dire


l’assurance-dépôts fédérale, et lui conféra les pouvoirs de superviseur et d’administrateur des défaillances bancaires. Le Glass Steagall Act marque donc l’avènement d’un véritable


régulateur bancaire dans la plénitude de ses pouvoirs à l’échelle fédérale. La résonance avec le projet d’Union bancaire européenne aujourd’hui et ses différentes composantes est tout à fait


frappante. Le projet d’Union bancaire européenne vise en effet à instaurer une responsabilité centralisée en matière de garantie des dépôts, de supervision bancaire et de résolution des


crises. C’est une réponse institutionnelle ambitieuse au cercle vicieux qui lie aujourd’hui la solvabilité des banques européennes à la question de la dette souveraine. Or, il est


difficilement imaginable qu’une assurance-dépôts proprement européenne, c’est-à-dire une mutualisation de l’indemnisation des déposants à l’échelle de l’Union, soit politiquement acceptable


sans qu’au préalable la banque qui collecte et gère les dépôts soit séparée de la banque de marché. En effet, même si le fonds de résolution et l’assurance-dépôts sont pré-financés par


l’industrie bancaire elle-même, l’expérience historique montre qu’un fonds d’assurance-dépôts peut lui-même devenir insolvable, comme ce fut le cas pour le FDIC en 1991 après la crise des


Savings & Loans, et comme cela aurait été le cas en 2008 si le Fed et le gouvernement américain avec le TARP n’étaient pas intervenus. Les Trésors publics de la zone seront donc _ in


fine_ les garants en dernier ressort des dépôts. Le Glass Steagall Act en associant la séparation des activités, la création d’une assurance-dépôts fédérale et en la dotant des pouvoirs de


superviseur et d’administrateur des défaillances bancaires était donc un projet d’une grande cohérence. L’Europe aujourd’hui est confrontée au même défi et la séparation est un composant


incontournable de la solution.