Une stratégie internationale pour l’enseignement supérieur français | terra nova

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En revanche, on ne peut avoir une réelle politique d’attractivité sans s’en donner les moyens. 1. LE DÉBAT L’annonce du plan gouvernemental baptisé « Bienvenue en France » fixant l’objectif


ambitieux d’attirer 500 000 étudiants étrangers en 2027 (contre 324 000 aujourd’hui) a suscité des critiques importantes. Il comporte une série de mesures visant à améliorer l’accueil des


étudiants étrangers : simplification des procédures administratives ; amélioration de l’accueil ; doublement du nombre de bourses gouvernementales ; possibilité pour les universités


d’utiliser les ressources supplémentaires pour donner leurs propres bourses ou exempter certains étudiants de droits. Une amélioration des procédures concernant les visas étudiants est


également annoncée ; il est prévu une procédure plus simple et plus rapide pour l’attribution du premier visa et les étudiants obtiendront une carte de séjour pluriannuelle pour la durée du


cursus dans lequel ils sont inscrits. Enfin, disposition nouvelle, les titulaires d’un master pourront revenir en France y chercher du travail. Mais ce débat s’est ouvert dans de mauvaises


conditions puisqu’il a été largement escamoté par la polémique créée par l’annonce de l’augmentation des droits d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers extra-européens,


comme c’est déjà le cas dans la plupart des autres pays européens, y compris ceux qui sont acquis à la gratuité des études pour leurs ressortissants (et donc aussi ceux de l’Union


européenne) . La décision gouvernementale présente de nombreux défauts. Elle est intervenue sans préparation suffisante, sans le temps de concertation souhaitable et sans évaluation de son


impact sur notre attractivité. Le temps de construction du consensus en amont a été sacrifié, provoquant des réactions passionnées et des procès d’intention qui n’éclairent pas les choix à


faire. Les acteurs universitaires se sont vu imposer une décision nationale, alors même que les établissements universitaires ont depuis 2002 la possibilité de modifier par eux-mêmes le


montant des droits d’inscription concernant les étudiants étrangers . Pourquoi aucune université n’a-t-elle usé de cette possibilité ? Une mesure nationale uniforme est-elle préférable aux


décisions locales ? La question mériterait, là aussi, une instruction préalable à toute décision générale. Par défaut de méthode, par excès de centralisation, par précipitation, l’annonce de


la mesure a créé un large rejet et l’annonce de nombreuses universités qu’elles n’appliqueraient pas la mesure. Le débat méritait pourtant d’être mené dans toutes ses dimensions, au-delà


des seuls frais d’inscription qui concentrent aujourd’hui la critique alors que la gratuité affichée des études universitaires ne prend pas en compte le coût de la vie des étudiants


(logement, transport, alimentation…), élevé en France notamment du fait de l’absence, contrairement au modèle international le plus courant, d’une vie de campus intégrant toutes les


nécessités de la vie étudiante . Enfin, ce débat se déroule dans un contexte de sous-financement chronique des universités, qui font de plus face à une augmentation du nombre d’étudiants,


accélérée depuis 2018 par l’arrivée de classes d’âge plus nombreuses (les naissances de l’an 2000), sans effort budgétaire adapté. Ainsi on observe une baisse de la dépense par étudiant de


presque 10% en dix ans . Mais si une hausse du budget de l’enseignement supérieur est souhaitable, il faut rappeler que le financement public signifie que ce sont les contribuables qui


financent l’enseignement supérieur. Or, accueillir des étudiants étrangers a un coût, et il ne va pas de soi de demander aux ménages français de payer la formation de jeunes diplômés qui,


une fois formés, ne contribueront peut-être pas directement à la richesse nationale. Quelle part de ce coût devons-nous assumer ? Quelle part devrait revenir au pays d’origine, ou à


l’individu ? La réponse ne peut pas être uniforme, selon le pays d’origine, ou la formation choisie. C’est pourquoi, la différenciation des droits d’inscription en fonction du type de


formation et du niveau (licence, master, doctorat) doit faire partie du débat. Ce qui passe par la définition d’une stratégie d’attractivité par les universités elles-mêmes. Conformément à


leur principe d’autonomie, les universités doivent être capables de définir et de présenter leur stratégie d’accueil des étudiants étrangers et de rendre compte de l’utilisation des moyens


qui y sont consacrés. Des services concernant spécifiquement les étudiants étrangers doivent être déployés dans tous les établissements ou regroupements d’établissements. L’effort doit


principalement porter sur la prospection, le recrutement et le premier accueil (logement, apprentissage du français, vie sociale) et se poursuivre par des accompagnements pédagogiques et de


vie universitaire. Mais le calcul coût-bénéfice de la dépense d’enseignement supérieur ne doit pas se faire à courte vue. Le coût des études des étudiants africains fait partie de l’aide au


développement, et est d’ailleurs pris en compte dans le calcul de l’aide publique au développement de la France (via les « frais d’écolage », 616 millions d’euros en 2016). D’autre part, la


mobilité des étudiants favorise dans l’ensemble le rayonnement international de la France, sa place dans les échanges mondiaux et son attractivité. L’accueil des étudiants étrangers


contribue à la dynamisation et à l’ouverture de nos formations et à la performance de notre recherche. Les étrangers représentent entre le quart et la moitié des forces de recherche de nos


laboratoires . Cette présence s’amorce en licence, se décide souvent en master et se poursuit en doctorat et post-doctorat. Les étudiants qui, une fois formés en France, n’y restent pas, et


ne contribuent donc pas directement à l’économie française, ont néanmoins un impact indirect important : une fois rentrés chez eux ou installés ailleurs dans le monde, ils stimuleront des


contacts, des réseaux, des références favorables à l’influence française. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé dans son discours de Ouagadougou que, pour faciliter les « 


mobilités croisées », les étudiants africains diplômés de l’enseignement supérieur français peuvent désormais bénéficier de visas de circulation de longue durée, leur permettant d’aller et


venir entre la France et leur pays d’origine . Les conditions d’accueil des étudiants étrangers sont en France notoirement insuffisantes, surtout en comparaison des efforts qui leur sont


désormais consacrés dans les pays qui font de leur attractivité universitaire une priorité . Nos efforts de prospection et nos services de premier accueil restent insuffisants ; trop souvent


nous acceptons de recevoir plutôt que vraiment accueillir, nous inscrivons les étudiants administrativement sans vraiment chercher à partager une aventure scientifique. Nous sommes plus


portés par une histoire que par une volonté et une vision. Placés dans de mauvaises conditions, les étudiants étrangers ont du mal à s’adapter à notre système et présentent des taux de


réussite moins favorables que la moyenne, de l’ordre de dix à vingt points en dessous de celle des Français . Nous devons sortir de cet état de fait en nous donnant les moyens d’attirer non


seulement plus d’étudiants, mais des étudiants mieux préparés à suivre les cursus dans lesquels ils s’inscrivent, et plus de ces très bons étudiants internationaux qui, à travers le monde,


ont le choix de leur destination et qui ne viendront dans un établissement français que s’ils y trouvent avantage. Et ces étudiants étrangers qui étudient chez nous, nous devons les


accueillir dans des conditions dignes sur le plan moral, confortables sur le plan matériel et efficaces sur le plan pédagogique. Car accueillir les étudiants et tout particulièrement ceux


qui sont éloignés de leurs familles, ce n’est pas seulement leur offrir des cours et des TD de qualité, des bibliothèques qui fonctionnent, mais aussi faire en sorte qu’ils vivent dans des


conditions convenables vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours par semaine. On peut d’ailleurs gager que de nombreux étudiants accepteraient une hausse modérée de leurs frais


d’inscription en contrepartie d’un meilleur accueil, d’une installation matérielle facilitée, d’une orientation efficace, d’un accompagnement personnalisé et d’un encadrement pédagogique


renforcé. La situation française se caractérise par une très forte empreinte de notre géographie proche et de notre histoire coloniale. Près de 20 % des étudiants étrangers en France


viennent de l’Union européenne. Près de la moitié (45 %) des étudiants étrangers viennent du continent africain, un quart d’Afrique du Nord. Cette proportion significative signifie que la


stratégie internationale de l’enseignement supérieur doit tenir compte de notre lien privilégié à l’espace francophone. Il faut relever qu’une part significative des étudiants étrangers en


France, y compris des étudiants venant du continent africain, suivent des études dans les filières payantes. Les universités accueillent 71 % des étudiants étrangers, le reste se tournant de


plus en plus dans les dernières années vers des formations payantes, notamment les écoles de commerce (+46 % en 5 ans) et les écoles d’ingénieurs (+ 30 %). Sur 142 608 étudiants africains


menant des études supérieures en France, un peu moins de 110 000 étaient inscrits à l’université, ce qui signifie qu’un peu plus de 32 000 d’entre eux avaient choisi des filières pratiquant


des droits d’inscription plus élevés : écoles d’ingénieur, écoles de commerce, formations privées… Enfin, à l’échelle internationale, les droits d’inscription sont loin de décourager les


étudiants africains en mobilité puisque la moitié d’entre eux se tourne désormais vers des pays affichant un modèle payant : États-Unis (40 000), Grande-Bretagne (35 000), Afrique du Sud (35


 000), Arabie Saoudite (22 000), Emirats arabes unis (10 000), Australie (10 000) etc. Cela témoigne de l’investissement qu’une part croissante de la population, à travers de nombreux pays


africains, est prête à consentir pour une formation de niveau international ouvrant des perspectives de carrière intéressantes. Il n’est donc pas illogique de se demander si pratiquer de


manière uniforme des faibles droits d’inscription, indépendamment du contexte économique des familles, est une stratégie adaptée. D’ailleurs ce critère de la gratuité affichée des études


universitaires en France n’apparaît qu’en 7e position des critères retenus par les étudiants venus faire leurs études en France, derrière la qualité des études, le prestige des institutions


ou la valeur des diplômes . En effet, l’attractivité d’un pays ou d’un système d’enseignement ne relève pas seulement d’un signal prix. Elle dépend d’une stratégie d’ensemble valorisant nos


avantages comparatifs à l’échelle internationale. La décision d’augmenter les droits d’inscription n’aurait donc pas dû avoir lieu sans une large concertation sur la place de la France dans


la mobilité étudiante internationale. Même si une part croissante des étudiants africains, comme on l’a vu, peut accéder à des filières payantes, la très grande majorité ne le peut pas et


vient de pays qui n’ont pas la capacité de leur offrir des bourses d’étude. Le doublement des bourses d’étude annoncé en compensation dans le plan « Bienvenue en France » ne suffira pas à


répondre aux besoins. Si les exonérations de droit ciblées étaient suffisantes pour ne pas pénaliser nos partenaires africains, cela finirait par vider de son sens la hausse annoncée des


frais d’inscription. Il faut donc constater sans misérabilisme ni paternalisme que l’augmentation des frais d’inscription aura un effet d’éviction important pour des jeunes venant de ces


pays, comme l’indique déjà la baisse de l’ordre de 10% des préinscriptions auprès de Campus-France, avec des différences importantes d’un pays à l’autre . Même si la baisse des


préinscriptions ne se traduit pas en fin de compte par une diminution aussi importante du flux d’étudiants, il est certain que la mesure aura exclu des étudiants méritants pour des raisons


exclusivement financières. Et s’il est souhaitable d’augmenter le nombre d’étudiants en provenance d’Asie et notamment du sous-continent indien, cette augmentation ne peut en aucun cas


compenser l’exclusion dont seraient victimes des étudiants issus de pays plus pauvres. En tout état de cause, le risque à court terme est d’une diminution du nombre total d’étudiants


étrangers. En effet, la comparaison avec les pays qui ont introduit des droits différenciés pour les étudiants étrangers montre que le premier effet est la baisse des effectifs. La suède et


le Danemark, qui ont fortement augmenté les frais pour les étudiants étrangers récemment ont connu de fortes chutes immédiates des inscriptions. Le Royaume-Uni avec plus de recul temporel, a


d’abord connu une chute importante (de 1979 au milieu des années 1980) avant une lente remontée. Mais les universités britanniques se situent dans un marché académique international


anglophone. La France, comme on l’a vu, est d’abord attractive dans l’espace francophone. Elle aura beaucoup plus de mal à attirer des étudiants qui cherchent des cursus en anglais. La zone


Asie-Océanie, dans laquelle certains voient un futur vivier de recrutement pour nos universités, rassemble actuellement 16% des étudiants étrangers en France. Ces étudiants sont d’abord à la


recherche de formations en anglais, qui commencent à se développer dans nos universités. Mais le développement actuel de l’espace francophone dans le Sud nous offre un avantage comparatif


sur le monde anglophone que nous aurions tort de ne pas privilégier. Ce n’est d’ailleurs pas l’esprit des orientations données par le Président de la République dans son discours de


Ouagadougou (29 novembre 2017) qui a affirmé en premier lieu une priorité à l’éducation et à l’enseignement supérieur dans le renouvellement de notre partenariat avec l’Afrique. Ce


partenariat privilégie désormais les partenariats et les offres de formation conjointe. Il s’agit d’une inflexion stratégique importante portée par le ministère de l’Enseignement supérieur,


de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) par rapport à l’incertitude qui prévalait sur l’offre française à l’étranger : une


priorité est clairement affichée de « former sur place » au niveau Licence à l’étranger via des programmes en co-diplomation et d’attirer les meilleurs ou ceux qui répondent à un intérêt


stratégique (scientifique, économique ou autre) au niveau du Master et du Doctorat. La projection à l’étranger de l’offre française est ainsi pensée comme un élément d’une vision globale de


l’accueil d’étudiants étrangers en France (stratégie « entrante »), et non plus comme des initiatives désordonnées. Cette nouvelle stratégie doit aussi être vue comme une réponse au problème


de la fuite des cerveaux (voir encadré) Les mesures d’accompagnement seront-elles à la hauteur ? L’annonce gouvernementale comporte des enveloppes financières précises, ce qui est une bonne


nouvelle. La question sera de savoir si nous saurons assurer la continuité des financements, trouver des modèles pérennes auto-financés pour ces initiatives. 2. OBJECTIFS POLITIQUES DE


L’ACTION UNIVERSITAIRE INTERNATIONALE 2.1. POLITIQUE D’INFLUENCE FRANÇAISE Une des raisons de mener des actions de coopération universitaire est leur rôle dans la politique d’influence par


l’intermédiaire de la « diplomatie d’influence » ou « soft power » . Puisque de nos jours, tout concept engendre un classement, on peut se réjouir de ce que la France soit régulièrement dans


le peloton de tête . L’image de notre pays comme patrie des droits de l’homme, comme pays de culture, comme terre d’accueil, est non seulement conforme à nos valeurs, mais demeure aussi un


atout important dans la compétition internationale. On le constate dans les enquêtes sur les motivations des étudiants étrangers venus étudier en France, qui citent en premier lieu la


culture française, plutôt que la qualité de ses universités. Mais cet atout a une efficacité limitée (d’autant plus, dans les pays francophones d’Afrique, que l’image de « pays des droits de


l’homme » est largement contrebalancée par le passé colonial et ses suites actuelles) ; la France exploite très insuffisamment ses atouts, comme elle valorise mal les élites nationales


qu’elle a formées ou encore les expatriés français à l’étranger, que ce soit en termes de diplomatie d’influence, mais aussi plus simplement en termes de développement d’échanges


scientifiques internationaux et de coopérations approfondies. Elle ne tire pas non plus suffisamment parti de la demande de rééquilibrage des influences exprimée par certains pays. Pire,


elle détériore trop souvent son image en ne tenant pas ses promesses. En sorte que : 1. Les bénéfices de son effort à destination de l’étranger est très inférieur à ce qu’il pourrait être,


allant jusqu’à des situations qu’on pourrait qualifier de dilapidation. 2. Elle décourage ses interlocuteurs naturels, ex-pays colonisés, francophones, traditionnellement tournés vers


l’enseignement d’élite des grandes écoles et universités françaises, de continuer à venir se former chez elle. En Afrique, l’influence des anciennes puissances coloniales, en premier le


Royaume-Uni et la France, est menacée depuis plusieurs dizaines d’années par les acteurs mondiaux que sont les États-Unis et l‘Allemagne, et plus récemment la Chine, dont l’intérêt pour


l’Afrique est connu, et qui accueille désormais 40 000 étudiants africains, attirés par des bourses, des campus intégrés ainsi que par son dynamisme économique. D’autres pays ayant des


ambitions plus régionales, comme la Turquie ou l’Arabie Saoudite, attirent également un nombre croissant d’étudiants africains. La multiplication des programmes de bourses d’études proposées


par ces pays aux étudiants africains est la marque de la place des échanges universitaires dans la politique d’influence. Comme le notaient les philosophes africains Achille Mbembe et


Felwine Sarr dans une tribune au _ Monde_ sur le désenchantement des Africains à l’égard de la France  : « Attirés par d’autres horizons, intellectuels, artistes, professionnels en tout


genre, étudiants et classes moyennes font désormais défection. Une bifurcation culturelle s’esquisse parmi les élites. Elle oppose désormais ceux qui sont enfermés dans le giron linguistique


francophone à ceux qui en sont sortis. » La France bénéficie donc d’une quadruple « rente de situation » : la francophonie, les anciennes colonies, la richesse culturelle et l’image de la


patrie des droits de l’homme. La question est de transformer cette rente en objectifs contemporains. Formons-nous les élites de pays étrangers, comme les États-Unis ont si bien réussi à le


faire depuis la 2 nde guerre Mondiale ? Les étudiants étrangers d’aujourd’hui sont les élites de demain. En les formant, on plante les graines de l’influence présente ou future de la France,


sur le plan culturel, économique ou politique. On crée une population de cadres francophones et (en principe) francophiles qui, de retour dans leur pays et à divers niveaux, participent aux


processus de prise de décisions politiques dans un sens favorable à la France, et aux décisions économiques ou industrielles qui favorisent les investissements français . _ _ Le même


raisonnement s’applique à la formation des cadres scientifiques et techniques : chercheurs, ingénieurs etc. Les docteurs formés en France et rentrés dans leur pays établiront naturellement


des collaborations avec des laboratoires français, enverront leurs propres étudiants en France ; les ingénieurs formés en France feront plus volontiers appel à des technologies développées


par des sociétés françaises etc. 2.2. BÉNÉFICES DIRECTS POUR LA FRANCE 1. _ CONTRIBUTION DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS À LA BALANCE DES PAIEMENTS_ . Alors que la France entre dans une logique de


tarification différenciée, il est intéressant de comparer les gains proprement économiques de la présence d’étudiants étrangers dans les systèmes d’enseignement supérieur et, plus largement


dans les pays d’accueil. D’une étude de Campus France, organisme public en charge de la gestion des bourses et de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, il ressort


que les étudiants étrangers génèrent en France un apport économique dépassant les 4,6 milliards d’euros par an, et un solde net pour la balance des paiements de plus de 1,7 milliards d’euros


par an (Campus France, 2014). Cette lecture économique prend en compte les dépenses pour l’État français (coût par étudiant, budget de bourses, etc.) et les recettes issues de la présence


d’étudiants (droits d’inscription, dépenses courantes des étudiants et des familles pour le logement, les voyages et les loisirs notamment). On est bien loin des recettes générées au


Royaume-Uni (23 milliards d’Euros dont 6 liés uniquement au paiement des droits d’inscription des étudiants internationaux) et en Australie (20 milliards d’Euros, dont 4 milliards pour les


droits) pour ne pas parler des 35 milliards d’Euros apportés chaque année par les étudiants étrangers aux États-Unis. Même si la comparaison avec la France n’est pas pertinente à plusieurs


égards, la vision « balance des paiements » apporte un éclairage différent : l’éducation supérieure est un bien commun, mais elle représente aussi un marché de services. _ 2. CONTRIBUTION


DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS À LA DYNAMIQUE DES FORMATIONS._ Le Royaume-Uni, les États-Unis ont également besoin des étudiants internationaux parce qu’ils permettent de faire vivre des formations


qui attirent trop peu d’étudiants nationaux. Ainsi, en 2011–2012 au Royaume-Uni les étudiants internationaux représentaient 13 % des étudiants en licence (bachelor), et plus de 40% en


master. Les disciplines où se concentrent les étudiants internationaux sont les études de commerce ou de science, de technologie, d’ingénierie et de mathématiques (STEM : Science,


Technology, Engineering and Maths). Aux États-Unis « les étudiants internationaux permettent aux universités états-uniennes de proposer des cursus universitaires de haute qualité en sciences


et ingénierie et de fournir les étudiants en master et en thèse qui sont essentiels pour mener les travaux de recherche et attirer les meilleurs professeurs » . A ce niveau, la dépendance


des États-Unis est impressionnante : en génie électrique, en techniques pétrolière ou en informatique, ils représentent 80% des étudiants avancés, et en économie ou statistique, les


deux-tiers. Il en est de même, mais à un bien moindre degré, en France, et renforcer la politique d’attraction pour contribuer au dynamisme des formations et de la recherche doit être une


des priorités, tant dans les sciences et en ingénierie, que dans les sciences humaines et sociales. Mais il y a un glissement possible vers des pratiques problématiques, où l’on en vient à


accepter des étudiants uniquement parce qu’ils « rapportent » et remplissent les amphis . Par ailleurs, une université où la part des étudiants étrangers est importante progresse parce


qu’elle doit travailler leur accueil, et donc celui de tous les étudiants. _ 3. CONTRIBUTION DES ÉTRANGERS AU CAPITAL HUMAIN_ Attirer des étudiants étrangers est une source d’équilibre et


d’avantage comparatif pour le capital humain du pays. Ils constituent un vivier de chercheurs, d’ingénieurs, de cadres pour le pays qui les accueille. Leur contribution à la recherche et


plus largement au marché du travail aux États-Unis et au Royaume-Uni sont décisifs : les doctorants dans les sciences et techniques des universités américaines sont majoritairement étrangers


, 33 des 85 lauréats américains du prix Nobel en physique, chimie et médecine depuis 2000 sont des immigrés, comme le sont 57% des cadres de Silicon Valley. 30% des personnels de recherche


au Royaume-Uni sont étrangers. Ceci est le résultat de politiques publiques claires : les États-Unis délivrent 85 000 visas de travail H1B par an aux personnes très qualifiées, parmi


lesquels les diplômés étrangers des universités américaines. C’est ce qui assure la domination de la Silicon Valley, dont 75% des « techies » (informaticiens, ingénieurs, chercheurs) sont


étrangers. Le Royaume-Uni possède un programme de visas « Tier 2 » ouvrant la porte de leur marché du travail à des travailleurs très qualifiés. La Chine s’y met : elle offre des visas de


travail de 5 ans pour ceux qui y obtiennent un master. La France, par rapport aux États-Unis ou au Royaume-Uni, souffre de deux handicaps : réglementaire et culturel. Sur le plan


réglementaire, la difficulté d’obtention de visas de travail pour les diplômés des établissements français, malgré des efforts accomplis ces dernières années, est un réel obstacle ; à cet


égard le plan gouvernemental représente une avancée. Sur le plan culturel, les entreprises françaises sont peu ouvertes à l’embauche d’étrangers, comme en témoignent les nombreux étudiants


étrangers ayant obtenu des diplômes français et qui, rejetés par le marché du travail français, cherchent et trouvent des emplois au Royaume-Uni. Le secteur de la recherche fait exception :


16% des chercheurs statutaires au CNRS sont de nationalité étrangère. 2.3. LES ENJEUX DU DÉVELOPPEMENT L’accueil en France d’étudiants de pays en voie de développement, et notamment des


anciennes colonies françaises d’Afrique, pose des questions qu’il convient de traiter à part. La France ne saurait se dérober à ses engagements en matière d’aide au développement, et


l’éducation constitue le premier poste de dépenses de l’aide publique au développement (APD) bilatérale avec, en 2014, des crédits à hauteur de 1,2 milliard d’euros, soit environ 15 % de son


aide totale. Mais, la moitié de ces crédits sont en réalité des “frais d’écolage” , c’est à dire les dépenses engagées pour la prise en charge des frais d‘études des étudiants


internationaux issus des pays bénéficiaires de l’aide au développement (les pays listés par le Comité d’aide au développement CAD de l’OCDE). Pour l’année 2016, les frais d’écolage


représentaient 616 millions d’euros, soit le nombre d’étudiants étrangers ayant une équivalence du bac dans un pays éligible à l’APD (127 966) multiplié par le coût imputé des étudiants (en


dehors des subventions spécifiques) . Aux arguments précédents (politique d’influence, contribution à la vie universitaire et scientifique) s’ajoute donc un devoir politique : aider ces pays


à éduquer les cadres dont ils ont besoin, et qu’ils n’ont pas la capacité de former eux-mêmes dans l’état actuel, dans un contexte où, pour une bonne partie d’entre eux, faire des études à


l’étranger est hors de portée financière sans des aides très importantes. Cela dit, il faut nuancer : il existe évidemment dans tous ces pays une frange fortunée, dont les enfants font


majoritairement leurs coûteuses études hors de leur pays. Comme le note Fabien Chareix « affirmer qu’un étudiant qui décide d’étudier en mobilité hors de chez lui, parce qu’il est de telle


ou telle région du monde, n’a pas les moyens de financer tout ou partie de ses études est au mieux le signe d’un paternalisme à peine voilé, au pire, une prise de position idéologique qui ne


résiste pas aux faits, et certainement pas aux données de la mobilité internationale africaine depuis plusieurs années. » Gardons-nous de tout préjugé : les étudiants africains francophones


ne choisissent plus automatiquement la France : la Chine, par exemple, se pose comme un des acteurs majeurs d’accueil d’étudiants sub-sahariens (autour de 40 000 aujourd’hui contre 66 000 


en France), tout en ayant des frais d’inscription autour de 5 000 US$ par an. La question est donc de concevoir le volet universitaire de la politique d’aide au développement de la manière


la plus efficace possible… pour le développement. A cet égard, la politique doit viser le développement des universités de ces pays, comme le souhaitait un article de Hamid Bouchikhi,


professeur à l’Essec : « Fin de la gratuité dans les universités françaises : Une chance pour les universités marocaines ? », voie tracée par des initatives comme l’université internationale


de Rabat, fondée par Noureddine Mouaddib, marocain ayant fait une thèse d’informatique en France, puis devenu PU à Nantes. On doit également interroger, puisqu’il s’agit de politiques


publiques, la priorité donnée à tels ou tels lieux, domaines ou niveaux de formation : faut-il privilégier les formations longues ou les formations professionnalisantes courtes ? Dans


quelles disciplines les besoins de formation sont-ils les plus importants pour le pays ? Faut-il faire venir les étudiants en France, ou aider à la création des formations sur place ? LA


FAUSSE VRAIE QUESTION DU BRAIN DRAIN Une critique fréquente des programmes de mobilité internationale est qu’ils privent le pays d’origine de ses élites (dont ils ont assuré la formation


scolaire et les premières années de formation universitaire). Si cet argument est à prendre très au sérieux, et il l’est d’autant plus que le pays d’origine est pauvre, il ne doit pas


remettre en question le principe de l’accueil : la question doit être envisagée sous tous ses aspects. a. La mobilité internationale existe ; la question est de savoir si la France en


profite, ou si les bons étudiants vont ailleurs. En particulier, des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse n’ont aucune réticence à attirer les chercheurs qu’ils estiment les


meilleurs. b. Il doit y avoir un équilibre entre responsabilité collective et liberté individuelle ; si une personne décide d’aller vivre à l’étranger, au nom de quels arguments


pourrions-nous l’en empêcher ? c. La question du retour au pays d’origine est une question plus complexe qu’il n’y paraît. D’une part, parce que le retour peut être différé ; au lieu de


rentrer juste après les études, les étudiants restent plusieurs années (jusqu’à 10 ou 20) dans le pays d’accueil, puis rentrent dans leur pays. C’est ce qu’on constate en Chine : lorsque


Deng a décidé, en 1979, d’encourager les étudiants chinois à partir faire leurs études à l’étranger (principalement aux États-Unis), il fut très critiqué en Chine parce qu’on pensait que ces


étudiants resteraient à l’étranger. Deng répondit qu’il y en aurait bien assez qui rentreraient. 40 ans plus tard, l’extraordinaire essor de la recherche et de l’industrie chinoises est


fondé sur ces étudiants chinois dont beaucoup ont fini par revenir dans leur pays, mais pas immédiatement. Aujourd’hui, départs et retours s’équilibrent. Il y a 40 ans, c’est la diaspora


chinoise aux États-Unis, ayant quitté la Chine en 1949, qui a mis en place la coopération scientifique États-Unis-Chine après 1979. D’autre part, la complexité naît de ce que les


ressortissants d’un pays X venant faire leurs études dans un autre pays et y restant jouent très souvent un rôle important dans les relations avec le pays d’origine ; les diasporas sont un


facteur crucial du développement ! La présence d’une diaspora en France est une composante forte du développement de coopérations scientifiques et universitaires, et aussi économiques, avec


ses partenaires. Enfin, il existe de plus en plus de personnes qui vivent à cheval entre leur pays d’origine et un pays d’accueil ; pour ceux-là, la question du retour n’est pas pertinente.


d. Donc plutôt que se focaliser sur la seule question du retour au pays, il serait plus pertinent de travailler sur la mise en place des programmes favorisant le retour volontaire ,


accélérant le développement scientifique et technique, la structuration juridique, la gouvernance des pays moins avancés. Parmi les voies les plus intéressantes figurent les postes


universitaires ou de recherche partagés entre France et pays en développement, d’Afrique et aussi d’Europe de l’Est, d’Amérique latine ou d’Asie. 2.4. ET LE RESTE DU MONDE ? Il n’y a pas


que, d’un côté l’Afrique, vis-à-vis desquels nous aurions une obligation en matière d’aide au développement, et de l’autre l’Inde, la Chine et les autres pays d’Extrême-Orient dont il faut


attirer les étudiants. Nos politiques d’ouverture internationale ne peuvent pas se désintéresser de l’Europe orientale hors Union Européenne, du Proche orient, ou de l’Asie centrale, sans


oublier l’Amérique latine. Dans tous ces pays, il y a des étudiants dont les familles peuvent assumer les études à l’étranger, et d’autres pour qui ça n’est pas moins inaccessible que pour


les Africains. Vis-à-vis de ces étudiants, comme de leurs pays, nous devons nous donner les moyens de les accueillir. 3. ÉTAT DES LIEUX La politique du chiffre a longtemps tenu lieu de


politique d’internationalisation de l’enseignement supérieur en France. Pas un seul discours politique officiel tenu lors de la semaine des ambassadeurs ou lors d’un déplacement présidentiel


à l’étranger, avec l’invariable visite d’une université franco-X ou d’un Institut français, sans un rappel du rang de la France dans les échanges internationaux et de l’objectif de


doublement du nombre d’étudiants internationaux accueillis en France. La Stratégie nationale pour l’enseignement supérieur (StraNES) lors du précédent quinquennat réitérait cet objectif,


appelant à l’arrivée de 280 000 étudiants supplémentaires. Mais les derniers discours officiels sur ce thème ont légèrement tempéré cet objectif en ciblant le doublement sur les étudiants


internationaux issus des pays émergents (cf. discours de Ouagadougou) et non plus de manière indifférenciée. Cet objectif est censé être atteint en mobilisant des acteurs institutionnels


multiples. Il ne faut pas oublier l’importance de pratiques moins formalisées, qui demeurent inconnues des établissements ou des ambassades qui n’ont aucun moyen d’en avoir une vision


documentée, mais sont parfois les plus significatives sur le plan des collaborations de recherche, comme des masters et doctorats : collaborations entre chercheurs dont les universités et


organismes, bourses de masters et doctorales dépendant de contrats de recherche ou de financements au titre des laboratoires d’excellence. 3.1. ANALYSE DES OBSTACLES INSTITUTIONNELS


L’incitation à venir en France est en grande partie prise en charge par Campus France, qui fait la promotion de l’enseignement supérieur et gère le processus de candidature, puis


d’inscription, et le réseau diplomatique, qui accorde les bourses. Ce sont les universités qui admettent, ou non, les candidatures des étudiants. La responsabilité qui incombe aux services


culturels des ambassades, en particulier lorsqu’il s’agit de petites ambassades est considérable. Si la taille du réseau diplomatique français est un atout, permettant une diplomatie à bas


bruit, l’étendue des missions qui incombent aux conseillers diplomatiques en charge des questions d’enseignement supérieur et de recherche, est très (trop) étendue. Alors qu’ils sont


également en charge de la coopération culturelle, ils doivent en effet 1° piloter la présence culturelle de la France, 2° avoir un regard sur l’ensemble de la politique d’échanges


universitaires (échanges d’étudiants et coopérations scientifiques) 3° jouer leur part dans la « grande » diplomatie, en prenant en compte les priorités politiques et économiques. En dehors


de quelques ambassades où il y a deux conseillers distincts pour la culture et le service scientifique, et même quand il y a une véritable équipe autour du conseiller culturel et


scientifique, le champ d’action est très large et son unité n’est pas évidente. Il leur faut organiser le festival de danse d’un côté et, de l’autre, suivre un certain nombre d’instruments


de recherche (PHC nationaux pour amorçage, commissions mixtes, partenariats bilatéraux, laboratoires mixtes LIA, IRN et UMI de nos EPST, etc. ), accompagner les universités et les écoles


pour la mobilité entrante et sortante des étudiants. Il leur faut ensuite suivre ces opérations en coordination avec les acteurs de l’ESR français, permettant de distinguer le prometteur de


l’inutile, d’éviter de stagner dans des réseaux périmés « d’habitués », de récompenser par la remise de distinctions (ce qui ne coûte pas cher mais peut rapporter gros). Le paysage


institutionnel mouvant de l’enseignement supérieur français (regroupements éphémères ou durables, changements de nom…) ne les aide pas. Et il faut… de l’argent pour poursuivre lorsque cela


vaut la peine, en assurant la parité des apports avec les interlocuteurs étrangers lorsque ce sont de grands pays scientifiques. Il y a trop d’exemples de grandes promesses faites du côté


français lors d’échanges bilatéraux, et non tenus, en particulier sur le plan financier. A tous les niveaux de l’administration centrale du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères


(MEAE), comme des postes diplomatiques, on tire la sonnette d’alarme depuis des années sur les conditions de mise en œuvre de nos politiques scientifiques internationales. La même sonnette


retentit dans les établissements d’enseignement supérieur, mais avec une tonalité un peu différente. On peut énumérer les faiblesses principales qui handicapent une politique internationale


dans ce domaine : le manque de moyens, qui ont systématiquement baissé ces dernières années, et c’est le frein principal, car il aboutit entre autres au saupoudrage des ressources ;


l’absence, jusqu’à cette année, d’un véritable service des relations internationales au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, la direction des relations internationales


étant partagée avec l’Éducation nationale. Cela engendrait un manque de perspective stratégique au niveau ministériel, que la création, en 2018, de la Mission Europe et International pour la


recherche et l’innovation et l’enseignement supérieur devrait permettre de rectifier ; la faible capacité des établissements à avoir une vision de leur avenir, et _ ipso facto_ , leur


difficulté à se projeter dans des projets internationaux d’envergure , qui requièrent un temps long de mise en place et un suivi effectif. Très souvent, les coopérations les plus


significatives résultent d’initiatives individuelles, hors-champ de toute politique d’établissement, qui trop souvent meurent lorsque leur promoteur.trice se retire. On peut espérer que


cette situation change, grâce à des directions des relations internationales plus professionnelles et des vice-présidents mieux à même d’articuler stratégie internationale et politique


d’établissement ; au niveau des postes diplomatiques, le fréquent manque de continuité dans l’action des conseillers. En l’absence de consignes stratégiques claires au niveau du ministère de


l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), relayant une politique définie au niveau interministériel, et confrontés aux demandes multiples et non coordonnées des divers ministères


techniques, ils doivent arbitrer eux-mêmes . Du coup, les priorités risquent fort de changer avec les conseillers. Par ailleurs, ils sont soumis aux exigences de l’action diplomatique, en


satisfaisant tel ou tel interlocuteur local important, ou telle personnalité française. Exigences compréhensibles mais pas nécessairement en ligne avec la politique d’ESR. D’autant plus que,


contrairement aux personnels diplomatiques chargés des relations économiques, des finances, du commerce, de l’agriculture… qui dépendent de leur ministère peut-être plus que de


l’ambassadeur, les services en charge de l’éducation, de la recherche et de la culture ne dépendent que du MEAE. 3.2. QUEL ACCUEIL POUR LES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS ? D’une manière générale, la


qualité de l’accueil s’est améliorée ces dernières années, notamment grâce à l’action de Campus-France ; mais elle reste, dans beaucoup de cas, très en deçà de l’acceptable. Les problèmes


sont les suivants : – Obtention du visa. Une fois qu’un étudiant a obtenu une inscription universitaire, c’est souvent une course d’obstacles qui se termine parfois après la rentrée, pour


obtenir son visa pour venir en France, créant un handicap supplémentaire à son arrivée. Une fois dans le pays, il est soumis à des procédures humiliantes pour l‘obtention ou le prolongement


du titre de séjour ; – le logement est difficile à obtenir, cher, parfois à très grande distance de leur université d’affectation en région parisienne ; – à cela s’ajoutent les difficultés


financières, l’isolement sur des campus où la vie universitaire est nettement moins riche que dans beaucoup de pays étrangers, et où manque d’encadrement spécifique qui permettrait aux


étudiants peu familiers des usages français de mieux comprendre ce qui est attendu d’eux. 3.3. OÙ ÉTUDIENT-ILS ET À QUEL NIVEAU ? Selon les chiffres établis par Campus-France (Chiffres-clés,


août 2018) sur la base de l’année universitaire 2016–2017, il y avait 323 933 étudiants en mobilité entrante en France, ce qui représente 6,7% des effectifs totaux d’étudiants mobiles à


niveau international (contre 9,3% en 2005). Sur ces étudiants, 71% sont inscrits dans une université (en progression de 5,1% entre 2001 et 2016) parmi lesquels 1,5% sont en formation


d’ingénieurs, 4,9%¨dans une école d’ingénieurs (progression 2011–2016 de 30%), 8,2% en école de commerce (progression 2011–2016 de 45,9%), 11,4% dans d’autres écoles (écoles d’art,


d’architecture, de journalisme), en progression 2011–2016 de 31,8%, 3,1% en STS et 1% en CPGE. 23949 d’entre eux sont doctorants, soit 7,4% des étudiants étrangers mais 41% des doctorants en


France. Sur le total des étudiants inscrits dans les universités, 47% sont en licence et 43% sont en master. 3.3. COMMENT SONT CHOISIS LES ÉTUDIANTS ? RÉUSSISSENT-ILS ? Les étudiants


étrangers ne sont pas acceptés automatiquement dans un établissement français. La sélection se fait en deux étapes : première instruction du dossier par Campus France, puis traitement de la


demande par la ou les universités/écoles concernés. Tout ce processus est très lourd au niveau de Campus France, car il y a beaucoup de dossiers à traiter, et très complexe au niveau des


établissements car il faut pouvoir évaluer les dossiers d’étudiants venant de pays différents et d’établissements différents dans ces pays ; or, pour ne prendre qu’un seul exemple, les


critères de notation varient énormément d’un pays à l’autre ; un très bon étudiant français serait heureux d’avoir 14/20 de moyenne, alors que 70/100 est une note médiocre aux États-Unis,


comme l’est un 7/10 en Roumanie. Et note-t-on de la même manière d’un établissement à l’autre ? Ce n’est pas vrai en France, il n’y a aucune raison que cela soit vrai ailleurs. Autre


question : quel crédit accorder aux lettres de recommandation ? La qualité des candidats étrangers à un établissement français dépend de deux éléments : leur qualité intrinsèque, et la


capacité des établissements à évaluer correctement les dossiers pour retenir les meilleurs. Sur le premier point, nous vivons dans un monde fortement concurrentiel : beaucoup d’étudiants


ont, assez jeunes, une assez bonne perception de l’offre universitaire mondiale. Ils ne voudront venir en France que si la qualité des études, leur prix, les conditions d’accueil, les


bourses qui leur sont proposées leur paraissent satisfaisants. Sur le second point, on sait par exemple aux Etats-Unis quelle est la qualité des établissements étrangers, quels sont les


chercheurs prometteurs à attirer, etc. ; cette base d’intelligence qui permet d’étalonner les demandes nous manque gravement. Comme on l’a vu plus haut une partie des étudiants que nous


accueillons en France réussissent insuffisamment. Il est clair qu’une des causes importantes de leurs échecs est leur niveau de préparation, conséquence des insuffisances des modes de


sélection. La mauvaise qualité de leurs conditions de vie et d’études en est une autre. 4. LA « NOUVELLE STRATÉGIE » 4.1. L’IMPACT DES DROITS D’INSCRIPTIONS _ 1. PHILOSOPHIE DE LA RÉFORME_


La réforme décidée par le gouvernement est une voie médiane entre les deux positions antagonistes qui prévalaient. La première, celle du _ statu quo_ motivé par un mot d’ordre universaliste


égalitaire. On sait pourtant à quel point se multipliaient les exceptions derrière cet affichage, tant dans les écoles privées ou publiques que dans les grands établissements et certaines


universités (Master internationaux, tarification spécifique, etc.). La seconde position, « économiciste » était celle d’une tarification au coût complet étant supposée signaler la qualité


des études en France et, bien sûr, répondant à la nécessité de financer la charge de l’accueil des étudiants étrangers. Faire payer les étrangers extra-communautaires est justifié par un


double principe d’«  _ équité solidaire_  ». En direction des contribuables nationaux à qui il serait injuste de faire supporter les coûts des études des étudiants étrangers, dont une partie


non négligeable sont par ailleurs issus de familles aisées qui ont une capacité financière suffisante. Entre étudiants étrangers ensuite, car l’idée est bien de faire payer _ certains_


étudiants étrangers (issus de pays avancés ou émergents) et, à laide des ressources ainsi produites, d’exonérer d’autres étudiants (issus de pays en développement notamment, premiers touchés


par la réforme). C’est ce même registre de justification qui a été avancé par les promoteurs de réformes similaires mises en œuvre récemment en Suède et au Danemark. Un autre registre de


justification cible les effets adverses de la « quasi gratuité » des études en France, qui peut être perçue comme un signal de mauvaise qualité, par certaines « clientèles ». _ 2. DES


RÉFORMES SIMILAIRES À L’ÉTRANGER_ On connaît les effets de ce type de réformes mises en œuvre à l’étranger. On peut en anticiper au moins trois. Introduire des droits d’inscription conduit


mécaniquement à un ralentissement plus ou moins important des flux entrants. On l’oublie souvent, mais le Royaume-Uni n’a pas toujours été le « marché éducatif » que l’on connaît


aujourd’hui. Ce n’est qu’en 1979 que sont introduits des droits d’inscription au coût complet pour les étudiants étrangers, puis non-communautaires. Conséquence immédiate : une forte chute


du nombre des entrées, le nombre des entrants passant de 87 800 en 1978 à 47 800 en 1983 – année à partir de laquelle la progression des entrées repart à la hausse pour atteindre 450 0000 


aujourd’hui – soit une baisse initiale d’environ 45 %. Plus récemment en Suède, le Parlement a voté en 2010, sur proposition du gouvernement, une réforme introduisant des frais de scolarité


équivalents au coût complet de la formation pour les étudiants internationaux extra-européens, mise en application à la rentrée 2011. Là aussi, les effectifs d’étudiants extra-européens dans


le système ont alors fortement chuté, diminuant de 70 % entre 2010 et 2012. Au total, les flux d’étudiants internationaux ont baissé de 26 % en deux ans. Depuis, on assiste à une lente


progression. Enfin, au Danemark, on comptabilise un tiers d’entrées en moins entre 2006 et 2007, suite à la réforme. Au-delà du rétrécissement des flux, ce type de réforme modifie le profil


des étudiants accueillis. Tout d’abord, en termes d’origines géographiques. Au Royaume-Uni par exemple, la baisse a été plus sensible pour les étudiants originaires de pays en développement,


même si des dispositifs de bourses et d’exemptions de frais ont tempéré cet effet. En Suède, même constat, avec une européanisation des flux liée à l’impact de la réforme sur les étudiants


extra-communautaires. Mais c’est aussi le profil « disciplinaire » qui change. Ainsi, en Suède, le ralentissement a notamment porté sur les sciences de l’ingénieur (- 65%) et les sciences


sociales (-35%), entre 2010 et 2012. Au Danemark, on observe une préférence des entrants pour les formations en sciences sociales moins coûteuses, notamment les formations de commerce et


management. De façon générale, les expériences étrangères soulignent à quel point l’ampleur du ralentissement dépend des mécanismes « compensatoires » d’attractivité associés (exonérations


et systèmes de bourses ciblées, qualité de l’accueil, etc.) ainsi que des campagnes de communication, etc. _ C. QUEL IMPACT EN FRANCE ?_ Quel sera l’impact de telles mesures en France ? Il


est bien difficile d’anticiper son ampleur et sa structure. Le type des étudiants et l’historique des migrations d’études dans un pays où, comme on l’a déjà dit, 45% des étudiants étrangers


sont issus du continent africain et plus spécifiquement d’Afrique francophone) peuvent laisser présager des impacts significatifs sur le nombre, l’origine et le profil sociologique et les


choix disciplinaires des étudiants accueillis. De même, les effets au niveau des établissements sont difficiles à jauger : certains établissements n’auront aucun mal à continuer d’attirer


des étudiants internationaux, grâce à leur prestige, voire en raison de leur localisation dans des villes attractives, d’autres auront beaucoup plus de difficultés. Cela sera d’ailleurs l’un


des grands enjeux de cette réforme. Autre sujet majeur, l’impact sur les écoles doctorales : on sait qu’un étudiant doctorant sur deux est un étudiant étranger. La réforme n’est pas encore


claire sur l’exonération du doctorat, alors que cela semble être une priorité stratégique. Nous y revenons ci-dessous. Les expériences étrangères soulignent à quel point l’ampleur du


ralentissement dépend des mécanismes « compensatoires » d’attractivité associés (exonérations et systèmes de bourses ciblés, qualité de l’accueil, etc.) ainsi que des campagnes de


communication, etc. 4.2. MESURES SUR L’ATTRACTIVITÉ La réforme s’accompagne d’annonces de mesures visant à renforcer l’attractivité, avec deux volets, national et international. Le premier


consiste à améliorer les conditions d’accueil des étudiants étrangers. La logique de tarification des études renforce l’obligation, bien mal remplie jusqu’ici, que soit fourni un service de


qualité, aux différents niveaux pertinents : universitaire (qualité de l’enseignement), péri-universitaires (accompagnement pédagogique à la réussite, orientation et insertion


professionnelle) et para-universitaires (accès au logement, restauration, vie étudiante). Mais les moyens financiers associés seront-ils à la hauteur ? Le second volet, « international »,


prévoit d’une part de compenser les effets d’éviction que pourrait avoir cette réforme en développant les systèmes de bourses pour étudiants internationaux. L’État attribuerait 8000 bourses


supplémentaires, s’ajoutant aux 7000 bourses actuelles (mais il faut se souvenir que le nombre de bourses du gouvernement français avait très fortement chuté depuis 2001, passant d’un budget


de 104M€ en 2001 à 55,9M€ en 2016 ), ainsi que 7 000 bourses d’exonération des droits. Les écoles et universités auraient la possibilité d’attribuer des bourses et exonérations sur leurs


ressources propres, en utilisant une partie des nouveaux droits d’inscription perçus. La question est de savoir si ces bourses seront en nombre et en valeur suffisants par rapport aux


besoins réels, qui concernent évidemment les étudiants africains, mais pas que ceux-là ! Nous pensons tout particulièrement aux étudiants d’Europe de l’Est ou d’Asie qui pourraient être


particulièrement frappées par la réforme. Au-delà du nombre et du montant des bourses, les critères d’attribution (par nationalité, sur critères sociaux) seront déterminants pour ne pas


exclure les étudiants étrangers, africains ou autres, pour qui l’obstacle financier serait rédhibitoire. Par ailleurs, la réforme vise aussi à renforcer les partenariats universitaires selon


des formats variés (voir ci-dessous dans le paragraphe aide au développement). Une amélioration des procédures de délivrance des visas étudiants est également annoncée, plus simple et plus


rapide pour l’attribution du premier visa et donnant accès à une carte de séjour pluriannuelle pour la durée de leur cursus. Enfin, disposition nouvelle, les titulaires d’un master pourront


revenir en France pour y chercher du travail. 4.3. AIDE AU DÉVELOPPEMENT Comme cela a déjà été abondamment commenté dans le débat public, et comme nous l’avons rappelé plus haut, un des


impacts les plus forts de la réforme concerne l’aide au développement. L’accent a été mis sur l’Afrique, et c’est encore sur elle que nous allons également nous centrer. Mais il n’est pas


inutile auparavant d’évoquer des pays en voie de développement d’autres zones géographiques d’où la France pourrait attirer plus d’excellents étudiants et où il y a aussi des enjeux de


développement : le Proche-Orient, l’Asie centrale, l’Amérique latine, ainsi que les Balkans ou l’Europe orientale. Là aussi, de nombreux étudiants vivent dans des familles dont les moyens ne


leur permettent absolument pas de faire face aux dépenses liées à des études en France. La réforme produira un effet négatif mécanique sur le montant de l’aide publique au développement


(APD) de la France, sous forme de la diminution des frais d’écolage (voir paragraphe II-C.). Avec les droits différenciés, la prise en compte de ces frais d’écolage dans l’APD va être


amputée d’un tiers, puisque c’est le montant pour lequel ils contribueront à leurs propres coûts de formation. Première conséquence : une baisse de l’APD à la fois en raison de ce partage du


financement des étudiants étrangers, mais aussi en raison de la baisse probable du nombre d’étudiants. Ces “frais d’écolage” représentaient 616 millions d’euros en 2016. Mais les


conséquences pour les étudiants des pays émergents vont largement au-delà de ce problème . Outre la question des bourses, une question centrale est celle du développement des capacités dans


les pays dont sont issus les étudiants étrangers concernés : par ordre quantitatif : Maroc (37 000), Chine (31 000), Algérie (23 000), Tunisie (12 000), Sénégal (9 000), Cameroun (7 000),


Côte d’Ivoire (7 000), Vietnam (6 000), Liban (5 000), etc. La réforme vise en effet aussi à renforcer les partenariats universitaires selon des formats variés. Par rapport à l’incertitude


qui prévalait sur l’offre française à l’étranger, il s’agit là d’une inflexion stratégique importante portée par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation


(MESRI) et le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) : une priorité est clairement affichée de « former sur place » à l’étranger au niveau Licence via des programmes en


co-diplomation et d’attirer les meilleurs ou ceux qui répondent à un intérêt stratégique (scientifique, économique ou autre) au niveau du Master et du Doctorat. La projection de l’offre


française est ainsi pensée en lien avec la stratégie « entrante » (ce qui concerne la venue d’étudiants en France), et non plus comme la résultante d’initiatives désordonnées. Un élément


d’appréciation de cette inflexion politique sera de mesurer son effet sur le problème du brain drain (voir encadré) : former sur place devrait limiter le transfert des talents vers la


France. Les mesures d’accompagnement seront-elles à la hauteur ? L’annonce gouvernementale comporte des chiffres précis : 5 millions d’euros pour un fonds d’amorçage des partenariats


universitaires par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), suivi d’un fonds de l’AFD de 20 millions d’euros par an pour développer les projets suffisamment «  _ solides_


 ». C’est en soi une bonne nouvelle. Mais, on sait combien sont rares les projections d’offre française à l’étranger qui ont trouvé leur positionnement et leur modèle économique : elles


peinent à recruter des étudiants à la hauteur des objectifs initiaux, alors que la très grande majorité des projets d’université conjointe France-Etranger sont dépendants de la subvention


publique. Le campus franco-sénégalais ne semble à ce stade pas échapper à cette règle (des projections sans modèle économique ni juridique stabilisés), ce qui en dit long sur la manière dont


ces projets sont portés par une impulsion politique ambivalente : des grandes annonces politiques déconnectées du temps des universitaires, des projets mettant parfois la charrue


(l’infrastructure) avant les bœufs (le projet lui-même), des projets portés par des universitaires sans réflexion préalable sur les modalités de pérennisation financière. Quelques exceptions


sont quand même à noter, mais qui font toutes intervenir soit un investisseur local (État d’accueil) ou soit un modèle de tarification adapté auprès des étudiants (certains instituts


franco-chinois), en substitution de l’État français dont le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) n’a pas les moyens, ou de l’AFD (qui est un bailleur et non un


investisseur). Pourtant une telle dynamique est potentiellement positive et gagnerait à trouver un modèle soutenable. En conclusion, l’enjeu n’est pas tant celui d’un volume financier


d’amorçage que celui du développement d’une culture d’autofinancement (au moins à moyen terme) qui doit être promue. 5. PROPOSITIONS 5.1. PRINCIPES ET MÉTHODES _ A. COMPLÉMENTARITÉ DES


ACTEURS._ Comme nous l’avons vu, la politique internationale de la France en matière universitaire est partagée par de très nombreux acteurs. Cette pluralité est à la fois un atout et un


handicap. Un atout lorsque des acteurs de terrain (équipes de recherche, équipes pédagogiques, établissements, organismes…) montent des projets et les mènent à bien, car c’est au plus près


du terrain qu’on sait si un projet peut fonctionner (sous réserve, naturellement, de l’évaluation réalisée par les agences ad-hoc), si les étudiants qui s’engagent dans un cursus sont de


qualité et y réussissent… Un handicap lorsque les administrations ont des compétences qui se chevauchent, ou assument des rôles pour lesquels elles ne sont pas les mieux armées, et lorsque


stratégie générale définie par l’État et stratégies individuelles des acteurs ne sont pas en phase. Il importe de préciser qui fixe la stratégie générale, qui décide des programmes


particuliers, qui choisit les étudiants, qui attribue les bourses, qui décide et qui pilote les formations délocalisées ? _ B. S’INSCRIRE DANS LA DURÉE._ Loin des grandes proclamations et


des coups de communication, une politique universitaire internationale doit être suivie dans la durée. Cela suppose que la durabilité financière du projet ait été évaluée au départ, et passe


nécessairement par la mise en œuvre de stratégies de long terme, suivies et évaluées conjointement au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et au ministère de


l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), ainsi qu’au niveau des établissements, et en particulier que la durabilité financière du projet ait été évaluée au


départ. Un système de suivi statistique digne de ce nom est indispensable pour informer les différents modes d’internationalisation (étudiants inscrits dans des diplômes français en France,


à l’étranger, accords actifs de coopération, etc.). Le discours de Ouagadougou annonce un doublement des accords de partenariats universitaires, sans que l’on sache à partir de quelle


référence on parle (accords signés, accords actifs, etc.). Une stratégie sur la durée nécessite une méthode. _ C. MONTER EN QUALITÉ DANS LE RECRUTEMENT DES ÉTUDIANTS._ En prenant la décision


d’augmenter les droits, la France a pris le risque d’une diminution, dans un premier temps, du nombre de ses étudiants étrangers, pour viser une progression ultérieure. L’horizon


quantitatif ne doit pas évacuer la réflexion sur les motivations de l’internationalisation de notre système d’enseignement supérieur et de recherche. La question du « pourquoi faire » ne


peut être éludée : attirer quels étudiants ? Pour quel niveau de formation ? Pour les former dans quelles filières ? En retenir certains, pour quels objectifs ? Quel équilibre entre


formations assurées en France et formations délocalisées proposées dans à l’étranger ? Nous estimons que la priorité devrait être portée prioritairement à la qualité du recrutement des


étudiants, et des très bons étudiants, il y en a dans tous les pays ! L’amélioration des conditions d’accueil et de formation sera un facteur décisif. _ D. ASSURER L’ÉGALITÉ SOCIALE DES


CHANCES._ Les aides financières (exonérations de droits, bourses) doivent permettre les études en France de candidats méritants, mais dont les moyens sont limités. _ E. AIDE AU


DÉVELOPPEMENT, EN PARTICULIER AU DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE._ Cette réforme est une occasion de repenser et de clarifier la distinction entre une _ politique d’influence_ portée par le


Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et les postes diplomatiques avec ses outils propres (bourses de l’État français, diplomatie académique et scientifique) et une _


politique d’aide au développement_ qui vise à renforcer dans la durée les systèmes d’enseignement supérieur des pays en développement et émergents (avec d’autres types d’instruments :


subventions et prêts aux États pour le financement de leurs politiques). Les deux peuvent se rencontrer mais les deux approches sont bien différentes : l’une au service des intérêts de la


France (attraction des talents, soft power, etc.), l’autre au service des priorités des pays concernés. Seul un pilotage de haut niveau peut permettre une politique cohérente prenant en


compte ces deux perspectives. _ F. MOYENS._ Une politique ambitieuse ne se fera pas sans moyens supplémentaires. Le budget des universités, qui n’était pas brillant, est extrêmement


contraint en raison de la poussée démographique. Les ressources supplémentaires venant des droits d’inscription des étudiants étrangers devront être entièrement consacrées à des programmes


de bourses et à l’amélioration de l’accueil, et pas compenser les crédits manquants par ailleurs. Un transfert serait doublement contre-productif, pour la qualité d’accueil et ses


conséquences en termes d’attractivité, pour la lisibilité et l’acceptabilité de cette politique. 5.2. DOUZE PROPOSITIONS _ 1. ACCOMPAGNER UNE MONTÉE EN COMPÉTENCES DES ÉTABLISSEMENTS._ Les


établissements sont appelés à jouer un rôle accru dans la politique internationale : sélection des étudiants, attribution de bourses, amélioration des conditions d’accueil, montage de


diplômes délocalisés, participation à des réseaux d’« universités européennes ». La réussite de la politique d’internationalisation dépend de leur capacité à assumer ces responsabilités


nouvelles . IL REVIENT AUX ÉTABLISSEMENTS DE « MONTER EN GAMME » POUR RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DES FORMATIONS EN VALORISANT LEURS ATOUTS ET EN MISANT SUR L’EXIGENCE DE QUALITÉ. L’État doit


accompagner les établissements qui s’engagent fortement dans une politique d’internationalisation au moins de deux façons : en assouplissant le cadre législatif et réglementaire


(développement des formations en langue étrangère et, prioritairement, en anglais, modulation des droits d’inscription) ; en retenant pendant au moins 10 ans la politique


d’internationalisation comme un axe prioritaire de premier rang de la politique contractuelle et en y consacrant des moyens bien définis en fonction du niveau et de la qualité de


l’engagement (financier, structurel, qualité d’accueil) de l’établissement en matière d’attractivité internationale. _ 2. RECRUTEMENT D’ÉTUDIANTS ÉTRANGERS._ Que la venue d’un étudiant soit


en lien avec une priorité politique (par exemple aide au développement, ou présence française dans tel ou tel pays du monde), économique (présence d’entreprises française dans le pays) ou


disciplinaire, qu’il s’agisse de la venue d’une doctorante en physique, d’une étudiante dans une école d’ingénieurs ou de gestion, d’un étudiante en études de théâtre…, l’admission d’un


étudiant étranger et l’attribution éventuelle d’une bourse doivent être fondées sur deux priorités claires : qualité du dossier académique pris dans sa globalité , et en second besoins


financiers du candidat. _ 3. DYNAMISER LA POLITIQUE DES BOURSES ET DES EXONÉRATIONS._ L’attribution des soutiens financiers sous forme de bourses et d’exonérations est une clé : 1° pour


permettre à de bons étudiants de milieu modeste d’étudier en France ; lorsque leur venue correspond à une priorité politique vis-à-vis de leur pays d’origine, ou à un besoin identifié par un


établissement dans le cadre de la stratégie nationale en France ; 2° pour permettre d’attirer en France des talents ; 3° pour alimenter les formations et la recherche dans les


établissements. Ces bourses et exonérations sont financées – directement par l’État (le gouvernement a promis le doublement du nombre de bourses du gouvernement français (BGF) et un


contingent d’exonérations), – par les universités sur les crédits résultant des frais payés par d’autres étudiants – par les collectivités territoriales, – par les contrats de recherche


(ANR, Marie-Curie, ERC, Fondation pour la recherche médicale…), contrat CIFRE, les organismes de recherche, – par les pays d’origine ou des fondations étrangères. Nous proposons que le


contingent de BGF soit en partie géré par les postes diplomatiques, et qu’un autre partie permette de créer ou d’abonder des programmes de bourses nationales de prestige (type « Rhodes


scholarships », dont les programmes français actuels : Eiffel, Lavoisier, Chateaubriand… sont loin d’avoir le même prestige). Leur attribution dépendrait de jurys purement académiques. Par


ailleurs, il convient de laisser les établissements décider de leur politique d’exonération. A défaut, il faut fixer leur enveloppe à un niveau tel que, _ de facto_ , le risque d’éviction


d’étudiants pour des raisons purement financières soit écarté. Un examen régulier des bilans de recrutement des étudiants étrangers est nécessaire, afin que dans les prochaines années, le


message de la France accueillant les étudiants des pays prioritaires quelles ques que soient leurs ressources propres puisse être validé et réaffirmé. _ 4. PERMETTRE UNE DIFFÉRENCIATION DES


DROITS SELON LES CURSUS._ Nous avons exprimé notre regret que les universités n’aient pas la capacité de fixer elles-mêmes leurs droits. Les textes juridiques ne permettent pas, semble-t-il,


une différenciation selon les cursus, alors qu’elle est tout à fait nécessaire. Il n’y a aucune raison d’aligner les frais de scolarité d’un master avec débouchés professionnels très bien


identifiés et une forte rémunération à la clé avec les masters destinant à la recherche ou à des professions artistiques, ou d’intérêt général pour lesquels les débouchés sont plus


incertains, ou à des niveaux de rémunération bien inférieurs. Cette différenciation est tout à fait indépendante de la valeur intrinsèque des études. _ 5. AIDE AU DÉVELOPPEMENT._ Les points


1, 2 et 3 ci-dessus sont particulièrement pertinents en ce qui concerne l’aide au développement. Les engagements de la France en matière d’aide au développement (0,55% du PNB en 2022) vont


être impactés par la réforme des droits d’inscription. L’augmentation des bourses est une réponse partielle qui doit s’inscrire dans la politique d’influence de la France (cibler les pays


prioritaires, attirer les meilleurs talents, etc.). En revanche, la France – via son opérateur AFD – devra augmenter dans le même temps ses engagements d’aide au développement dans le


secteur universitaire. Ils restent limités à ce stade, comme l’indique le rapport Berville qui souligne plus globalement le faible investissement dans les secteurs sociaux de l’AFD. A


l’heure où les frais d’écolage vont baisser (même si le nombre de bourses va être augmenté), la priorité sera de faire davantage d’aide au renforcement des capacités des institutions


d’enseignement supérieur, notamment en Afrique où les effectifs vont doubler, voire tripler, d’ici 2030. Cet objectif est même prioritaire par rapport à l’objectif de déploiement de


formations françaises à l’étranger, tant les enjeux sont critiques dans le contexte de massification globale de l’enseignement supérieur. Seule une combinaison d’une capacité de financement


pilotée par l’AFD et d’une capacité pédagogique s’appuyant sur la compétence des établissements et celle d’agences gouvernementales permettra d’avancer dans la réalisation de cet objectif. _


6. COOPÉRATION UNIVERSITAIRE ET SCIENTIFIQUE AVEC L’AFRIQUE._ La politique vis-vis de l’Afrique doit privilégier le développement des capacités de l’Afrique, dans l’immédiat par la


formation des techniciens et cadres dont elle a besoin, mais avec pour objectif la montée en puissance des universités africaines. Dans cette logique, les engagements de l’AFD sur le secteur


devront être plus importants (en prêts souverains et en subventions) par rapport à la situation actuelle (seulement 245 millions d’euros depuis 2010 engagés) et cibler les grandes


problématiques des systèmes africains : soutenabilité et gouvernance, assurance qualité, professionnalisation, amélioration de la gestion des ressources humaines (enseignants et chercheurs),


etc. En parallèle des programmes d’accueil d’étudiants africains en France, le développement de formations supérieures sur place doit en être un instrument privilégié. Tous les projets,


mais en particulier les projets-phare de grande ampleur (campus sur place), doivent être co-construit à partir des besoins des pays, et se donner les moyens de leur pérennité de financement.


Compte tenu de l’importance des besoins locaux en techniciens et cadres intermédiaires, la mise en place de formations courtes sur place doit être une priorité. A l’heure où est posée la


question du nombre de projet d’implantation de formations françaises en Afrique, il importe d’évaluer les opérations portées politiquement depuis plusieurs années en bénéficiant de


subventions publiques, pour identifier leurs impacts, les résultats obtenus en comparaison des objectifs initiaux, l’autonomisation financière, etc. _ 7. EXPORTER NOS FORMATIONS_ Pas


seulement en Afrique, l’exportation de nos formations (double diplomation) est un moyen particulièrement efficace de mener une politique universitaire internationale. Les arguments sont


nombreux : moindre coût pour la France mais surtout pour les étudiants locaux, augmentation des capacités de formation sur place, lien possible avec les besoins des filiales des entreprises


françaises, etc. Là encore, le modèle économique doit précéder et non suivre les annonces politiques. _ 8. FORMATION PROFESSIONNELLE ET APPRENTISSAGE._ Développer la formation


professionnelle à tous les niveaux fait partie de l’offre de formation. Elle fait intervenir des acteurs non-universitaires (lycées et rectorats pour le niveau STS par exemple). Ces niveaux


doivent être intégrés dans la stratégie globale d’internationalisation. Un exemple de mesure concrète serait d’ouvrir l’accès aux étudiants étrangers aux formations par apprentissage


(alternance) dès la première année d’arrivée sur le territoire national, et faire que le visa étude en soit le sésame. _ 9. DÉVELOPPER ET APPROFONDIR LES RÉSEAUX D’ALUMNI_ Campus-France a


créé le réseau France-Alumni, organisé en sous-réseaux par nationalité. Ceci est une excellente initiative, mais il vient directement en compétition avec ceux des établissements (quand ils


en ont, comme tous devraient en avoir). Il doit donc être repensé, en structurant sa complémentarité avec ceux des établissements. Par ailleurs, si la globalisation des alumni au niveau


français a un sens, elle serait plus efficace si des sous-réseaux disciplinaires existaient ; un effort tout particulier devrait être lancé, encore une fois avec articulation


global/établissements, un sous-réseau des alumni ayant obtenu un doctorat en France soit créé. En ce qui concerne les docteurs. La plupart des étrangers ayant préparé et soutenu une thèse en


France (intégralement ou en cotutelle) et retournés dans leur pays perdent assez rapidement le contact avec la France . Les divers domaines de la science et de la technologie sont pourtant


ceux où notre pays a le plus investi dans la formation des étrangers des pays en développement, qui occupent désormais des positions de responsabilité scientifique ou administrative. Il est


dommage d’avoir réalisé cet investissement important, et d’oublier de faire de ces ingénieurs, chefs d’entreprises, professeurs et chercheurs des leviers d’influence française, alors même


qu’ils sont souvent demandeurs et déçus d’être abandonnés par leurs institutions d’élection ! Ces « docteurs français », souvent nombreux dans leur pays et tous francophones, s’ils sont


sollicités sur une stratégie cohérente avec des perspectives concrètes, sont souvent prêts à favoriser les coopérations universitaires avec la France. On pourrait auissi imaginer construire


une meilleure articulation entre la diaspora scientifique installée en France et ces docteurs rentrés au pays, augmentant d’autant le flux des coopérations bilatérales dans des domaines


industriels comme dans la recherche. _ 10. MOOCS._ Sans leur accorder un impact que l’expérience montre être limité, les formations en ligne de type MOOCS sont des vitrines, un outil pour la


francophonie, et peuvent être indispensables pour subvenir à des besoins urgents. L’effort doit être poursuivi en soutenant les projets les plus aboutis dans la perspective des relations


internationales. _ 11. DROITS D’INSCRIPTION EN DOCTORAT._ Il y a un problème à mettre masters et doctorats dans la même catégorie du point de vue des droits d’inscription. Dans la


quasi-totalité des pays, les étudiants qui ont été sélectionnés pour préparer une thèse ne paient aucun droit, ou du moins ne les payent pas eux-mêmes. Ils sont rémunérés comme doctorants,


avec éventuellement une contrepartie d’enseignement. Pour maintenir l’attractivité des programmes de doctorat français, il faudra, d’une manière ou d’une autre, financer les droits


d’inscription – qui représentent environ 20% de sa rémunération, soit plus de deux mois de salaire ou de bourse - en sus de l’allocation de thèse. Il faut donc choisir entre deux mauvaises


solutions : exonérer les doctorants sélectionnés de droits d’inscription, avec pour conséquence dommageable de réduire le nombre d’exonérations disponibles pour les étudiants en L ou en M,


ou accepter d’abonder les financements des allocations de thèse du montant en question, ce qui réduira d’autant les sommes disponibles pour la recherche lorsque la bourse est assise sur un


contrat. Considérer les doctorants complètement à part et hors quotas du point de vue des droits serait préférable. _ 12. REDÉFINIR LES RÔLES DES ACTEURS INSTITUTIONNELS._ Nous avons exprimé


un regret que l’État ait choisi la contrainte, plutôt que de relancer le décret de 2002 en laissant les universités libres de leur choix. La décision étant prise, il ne faudrait pas pour


autant que l’État prenne la main complètement. A chacun son rôle : l’État fixe la stratégie, mais n’intervient pas sur sa mise en œuvre. La tradition étatique française exclut probablement


l’existence d’agences financées par l’État, dont la stratégie est décidée par l’État mais largement autonomes à la fois statutairement et dans leur fonctionnement, comme le sont le DAAD


allemand (dont la stratégie est co-décidée par l’État et les Länder) et le British Council britannique, l’un et l’autre en charge de la mobilité étudiante. Il serait bon néanmoins d’y


réfléchir. Dans l’immédiat, il nous paraît nécessaire de mieux répartir les responsabilités : – C’est le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), en lien avec le ministère de


l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), qui détermine les priorités géographiques et par grand domaine disciplinaire, ce qui se traduit par une répartition des


bourses/exonérations accordées au niveau Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), et des financements de co-diplômes ; les ministères de l’intérieur et de la défense doivent


être consultés, afin qu’on évite les situations dans lesquelles un étudiant n’obtient pas son visa ou un programme de coopération n’est pas validé par le fonctionnaire-défense pour des


motifs qui sont parfois peu compréhensibles. – c’est le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) qui pilote des négociations avec les pays d’origine sur la participation de


ces pays au financement des études en France de leurs étudiants ; – la mise en œuvre de cette stratégie doit être déclinée par pays, et la continuité de l’action des postes diplomatiques


doit être mieux assurée ; – que les postes diplomatiques et agences Campus-France aient tous un niveau performant de connaissance des tissus universitaires et scientifiques locaux, et que


cette connaissance puisse être partagée par les universités et écoles ; – qu’une meilleure articulation soit trouvée entre les différents acteurs qui fournissent une expertise ou une


assistance à maîtrise d‘ouvrage pour la construction de projets (Campus-France, CIEP, directions ministérielles, AFD…). – et qu’enfin les établissements soient réellement autonomes dans la


détermination et la mise en œuvre de leur politique propre ; ils doivent bénéficier de l’attribution de la totalité des droits d’inscription des étudiants étrangers, et être compensés de ces


droits pour leurs étudiants qui bénéficieraient d’une bourse du gouvernement français ou d’une exonération ministérielle . POUR DÉFINIR ET SUIVRE LA STRATÉGIE EN MATIÈRE D’ATTRACTIVITÉ


INTERNATIONALE, NOUS PROPOSONS LA CRÉATION D’UN COMITÉ COMPORTANT DES REPRÉSENTANTS DES DEUX MINISTÈRES ET DE PERSONNALITÉS QUALIFIÉES. CONCLUSION En général, les membres de la classe


politique voient spontanément le RIC comme un dispositif qui les contourne ou, pire, les discrédite. Le Premier ministre a ainsi avoué le 25 janvier dernier lors d’un débat à Sartrouville :


« Le RIC me hérisse », exprimant un sentiment encore largement partagé. Dix jours plus tôt, à Grand Bourgtheroulde, dans l’Eure, le président Emmanuel Macron, qui se targue de n’avoir jamais


été un professionnel de la politique, avait fait part de ses propres réserves envers le RIC en plaidant qu’« on ne doit pas créer une situation de concurrence entre les formes de démocratie


 » directe et représentative. Nous croyons fermement que le RIC délibératif n’est ni l’ennemi de la classe politique ni antinomique avec la démocratie représentative. Au contraire. Comme le


montre l’exemple de la Suisse, le RIC n’y a ni fait disparaître les partis politiques ni supprimé la fonction législative des élus. En premier lieu, les initiatives référendaires helvétiques


émanent pour beaucoup de partis ou de coalitions dans lesquels les militants et les élus jouent un rôle important. Les campagnes référendaires ont d’autant plus de chances de mobiliser les


citoyens et d’emporter la décision que les élus et militants politiques s’y engagent ardemment. La possibilité d’initier des référendums citoyens n’aurait donc pas comme seule vertu de


pousser les Français à s’impliquer dans les affaires de la cité mais aussi de revitaliser les organisations partisanes et les associations citoyennes. Si le RIC « mord » en apparence sur le


champ d’action des représentants, il contribue en même temps à réhabiliter la fonction législative. Un RIC participatif et délibératif tel que nous en avons dessiné les traits est aussi une


éducation collective à la construction de la loi et, d’une certaine façon, une réhabilitation du travail législatif dans un régime où la loi s’apparente de plus en plus au décret. Il ouvre


la voie à un ressaisissement par les parlementaires de leur fonction législative. Mis davantage sous la pression d’initiatives citoyennes plutôt que sous celle des lobbies, nous pensons que


le Parlement sera poussé à prendre davantage d’initiatives et à relayer les attentes citoyennes plutôt qu’à se contenter d’obéir au gouvernement. Plus le Parlement et les partis politiques


reconquerront leur fonction de représentation, moins fréquent sera alors le recours aux référendums citoyens.