
La justice, un pouvoir de la démocratie | terra nova
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_Le rapport de Terra Nova « La justice, un pouvoir de la démocratie » vise à repenser l’institution judiciaire dans l’ordre constitutionnel de notre pays. Dans la tradition française,
héritage de la Révolution, la justice n’a jamais été considérée comme un pouvoir pleinement indépendant, mais comme l’un des bras armés du pouvoir exécutif. Cette conception historique a été
poussée jusqu’à la rupture par les réformes de la justice menées depuis 2002 avec, au bout du chemin, une justice sous tutelle. Terra Nova plaide pour une rupture fondamentale : faire de la
justice un pouvoir constitutionnel indépendant, le vrai troisième pouvoir de notre démocratie. Elle propose une série de réformes constitutionnelles majeures : la création d’un Conseil
supérieur de la justice indépendant, un Procureur général de la République dirigeant l’action publique, la transformation du Conseil constitutionnel en vraie Cour constitutionnelle. Elle
suggère d’asseoir la légitimité du pouvoir judiciaire sur des nominations parlementaires transpartisanes, de rapprocher la justice des citoyens à travers l’échevinage et de garantir la
pleine responsabilité des magistrats – sanction, prévention, transparence._ Le rapport est issu d’un groupe de travail de Terra Nova présidé par Dominique Rousseau (professeur de droit
constitutionnel) et Daniel Ludet (magistrat, conseiller à la Cour de cassation). Les rapporteurs du groupe sont Hélène Davo (magistrate) et Sonya Djemini-Wagner (magistrate). Le groupe était
composé de : Dominique Blanc, Gaxuxe Lacoste, Agnès Martinel, Denis Salas, Jean-Paul Jean (magistrats), Frank Natali (avocats) et Dominique Raimbourg (député). « La justice, un pouvoir de
la démocratie ». Le titre pose l’ambition du rapport de Terra Nova sur la justice, signé par Dominique Rousseau et Daniel Ludet : asseoir enfin pleinement le troisième pouvoir en France. Le
déséquilibre historique français d’une justice dominée par le pouvoir exécutif a été renforcé par les réformes gouvernementales depuis 2002. Jusqu’au point de rupture : un pouvoir judiciaire
conçu comme un relais de l’exécutif et non plus comme un pouvoir indépendant, une justice sous tutelle, voire sous influence. Le rapport propose, non pas une énième réforme judiciaire
ponctuelle, mais au contraire une refonte globale : « la » grande réforme démocratique, celle qui fera de la justice un vrai pouvoir de notre démocratie. 1. LA JUSTICE FRANÇAISE SOUS
TUTELLE 1. 1 – LA JUSTICE FRANÇAISE N’A JAMAIS ETE CONSIDEREE COMME UN POUVOIR PLEINEMENT INDEPENDANT Héritage de la Révolution, et de la méfiance de la jeune République face aux
magistrats fidèles à l’Ancien Régime, la France n’a jamais appliqué la pleine séparation des pouvoirs. Historiquement, la justice en France n’est pas conçue comme un pouvoir mais comme une
administration d’Etat. Les magistrats ne sont pas indépendants, ils sont administrés par l’exécutif. La Constitution de la Vème République a maintenu cette tradition : la justice y est
définie comme une « autorité judiciaire », et non comme un pouvoir constitutionnel. Cette conception fait corps avec la représentation française de la démocratie, pour laquelle le suffrage
universel et lui seul confère la légitimité. La position d’une institution dans la hiérarchie démocratique dépend de sa plus ou moins grande proximité au suffrage universel. A cette aune, la
justice se situe très bas dans la hiérarchie démocratique puisque, si elle rend ses décisions « au nom du peuple français », elle ne procède pas du suffrage universel. Elle est la « bouche
de la loi », sans autonomie propre, une autorité d’application soumise aux autorités de conception, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, qui sont les pouvoirs politiques légitimes
issus du suffrage universel. Ce rôle second assigné à la justice explique également son faible déploiement humain, à peine 10 juges pour 100.000 habitants, ainsi que sa faiblesse budgétaire
: la France dépense 57 euros par habitant pour sa justice, contre 75 euros pour le Royaume-Uni ou l’Italie, 85 euros pour l’Espagne et presque le double – 106 euros – pour l’Allemagne. On
tend parfois à expliquer les dysfonctionnements de la justice par le spectre du « gouvernement des juges », mais c’est plutôt la disparition des juges qui menace : « la justice est proche du
dépôt de bilan » (Robert Badinter). 1. 2 – CETTE CONCEPTION HISTORIQUE EST POUSSEE JUSQU’A LA RUPTURE PAR LES REFORMES ACTUELLES Selon la Constitution, le Président de la République, «
assisté » du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Or la pratique présidentielle de Nicolas Sarkozy tend à transformer l’hôte de
l’Elysée en « super-premier ministre », en chef de l’exécutif. Avec Nicolas Sarkozy, c’est donc de fait le chef de l’exécutif, le leader de la majorité politique, qui chapeaute la justice.
Surtout, une série de réformes menées depuis 2002 est venue renforcer la mainmise de l’exécutif sur la justice. Elle opère à travers un double basculement. D’une part, le renforcement du
parquet au détriment du siège. Renforcement de sa fonction de poursuite : la loi « Perben II » du 9 mars 2004, notamment, accroît le pouvoir du procureur contre le juge d’instruction. Les
nouveaux pouvoirs importants attribués au parquet pour son enquête préliminaire (comparution forcée, mandat de recherche, perquisitions et saisies sans assentiment, écoutes téléphoniques
sans autorisation du juge des libertés…) rendent le plus souvent superflue l’ouverture d’informations judiciaires. Le juge d’instruction est aujourd’hui marginalisé : il ne traite plus que
4% des affaires pénales. La proposition de suppression du juge d’instruction, proposée par le rapport Léger, est l’aboutissement de cette évolution. Renforcement du parquet, aussi, au
détriment des juges des juridictions de jugement. Aujourd’hui, les mesures alternatives aux poursuites, décidées par les procureurs, représentent plus de la moitié des affaires : classement
sous condition, médiation pénale, réparation – et surtout le « plaider coupable », qui ne laisse que très peu de marges de manœuvre aux juges, et fait du procureur un quasi-juge. Second
basculement : le renforcement du pouvoir hiérarchique de la Chancellerie sur le parquet. Il s’est opéré en priorité à travers la gestion de carrière : le gouvernement, qui nomme les
parquetiers, est passé outre quasi-systématiquement aux avis défavorables du CSM ; et le garde des Sceaux n’a pas hésité à convoquer au ministère les magistrats du parquet jugés
récalcitrants, pour les impressionner, comme le ministre de l’intérieur convoque ses préfets. Par ailleurs, le gouvernement contrôle de plus en plus les affaires individuelles suivies par
les procureurs : la Chancellerie demande à être informée sur un nombre toujours plus important de cas qu’elle veut suivre ; et elle a également multiplié les instructions individuelles sur
les affaires sensibles, pratique que s’était interdite le gouvernement de Lionel Jospin. Ainsi, c’est presque à bon droit que Rachida Dati, ministre de la justice, a pu se présenter comme le
« chef des procureurs ». 1. 3 – AU BOUT DE CETTE EVOLUTION : UNE JUSTICE SOUS TUTELLE Au total, ce double mouvement de réformes – renforcement du parquet, et renforcement du pouvoir
du gouvernement sur le parquet – achève de transformer le rôle de la justice. En France, la justice n’est plus le pouvoir indépendant, gardien de la liberté individuelle, que décrit la
théorie de Montesquieu. C’est une institution sous tutelle de l’exécutif, conçue comme le relais de l’action gouvernementale, instrumentalisée au profit d’une politique publique – en
l’occurrence au profit de la politique sécuritaire du Président de la République. Pire, c’est une justice soumise à l’influence des intérêts privés et partisans. Une justice fonctionnant au
risque de la partialité, à deux vitesses : une justice clémente pour ceux qui bénéficient de la protection de l’exécutif ; mais une justice de plus en plus expéditive pour ceux qui ne sont
pas protégés. 2. POUR UNE REFONDATION RADICALE : LA JUSTICE, NOUVEAU POUVOIR DE NOTRE DEMOCRATIE 2. 1 – UNE AUTRE CONCEPTION DE LA JUSTICE Les déséquilibres actuels atteignent un
niveau tel qu’ils mettent en cause les fondements même de notre démocratie. Face à ces déséquilibres, ce n’est pas d’une énième réforme judiciaire dont la justice française a besoin, c’est
d’une grande réforme démocratique. C’est ce que propose Terra Nova : renverser la tendance actuelle et faire du pouvoir judiciaire, enfin, le troisième pouvoir de notre démocratie. Cela
signifie un changement radical dans la conception de la justice. Elle ne doit plus être considérée comme une autorité d’application dépendante du pouvoir politique (législatif et exécutif) ;
son rôle est d’être le gardien des libertés des citoyens face au pouvoir politique, au même niveau constitutionnel que le pouvoir politique. La justice n’est plus une administration d’Etat,
l’un des bras armés du pouvoir exécutif, mais une institution indépendante, à l’articulation de la société civile et de l’Etat. Son rôle premier est de protéger les citoyens contre les abus
des gouvernements, et non de relayer leur politique. Au regard du pouvoir législatif, la justice n’est plus la « bouche de la loi », elle a une autonomie propre. Les lois fixent un cadre
général mais ce sont les juges qui donnent aux lois, par leur interprétation, leur « portée effective ». C’est dans ce travail d’interprétation que gît la dimension « politique » du pouvoir
du juge. 2. 2 – LES PRINCIPAUX ELEMENTS DE LA REFORME Pour transformer la justice en un vrai pouvoir indépendant, Terra Nova propose trois réformes principales. LE CONSEIL SUPERIEUR DE
LA JUSTICE (CSJ), PILIER DE LA REFONDATION DES POUVOIRS Via notamment sa mainmise sur le parquet, c’est essentiellement la Chancellerie qui a géré, jusqu’ici, la carrière des magistrats,
décidant de leur nomination, de leur promotion, de leur sanction. L’autorité censée garantir l’indépendance des magistrats, le CSM, a été jusqu’à présent une institution sans réelle
autonomie, aux compétences et aux moyens limités, exposée aux influences et pressions du Président de la République et du ministère de la justice. La révision constitutionnelle de 2008 a
changé la donne. Le CSM nouveau qui en résulte, et qui vient d’être installé, n’est plus présidé par le Président de la République et le ministre de la justice n’en est plus le
vice-président de droit. Mais la réforme s’avère très partielle. L’article 64 de la Constitution qui fait du Président de la République le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire
existe toujours, le CSM est toujours relégué au rang d’assistant, le ministre de la justice peut toujours assister à ses réunions (sauf en matière disciplinaire). L’idée est de faire muter
le Conseil supérieur de la magistrature en un Conseil supérieur de la Justice, gardien de l’indépendance de la justice. Le CSJ, autorité constitutionnelle indépendante, se verrait transférer
l’intégralité des compétences de nomination et de gestion de la carrière des magistrats, du siège comme du parquet. Le CSJ détiendrait le pouvoir de sanction disciplinaire et se verrait
rattacher l’Inspection générale des services judiciaires. Il aurait également compétence sur la formation et à ce titre tutelle sur l’Ecole nationale de la magistrature. Le CSJ serait enfin
compétent en matière de budget et gérerait les dotations aux juridictions. UN PROCUREUR GENERAL DE LA REPUBLIQUE INDEPENDANT Pour éviter les risques d’influence dans les affaires
sensibles, ni tomber dans une justice à plusieurs vitesses, le ministre de la justice ne doit plus être en mesure de donner des instructions individuelles aux magistrats du parquet. Cette
tutelle est condamnée internationalement : dans son arrêt Moulin du 23 novembre 2010, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que le parquet français n’était pas conforme à la
notion d’autorité judiciaire au sens de la Convention européenne des droits de l’homme. L’OCDE également, dans le cadre du suivi de l’application de la Convention sur la lutte contre la
corruption, souligne les risques d’obstruction de la justice par un parquet, qui a l’opportunité des poursuites, aux ordres de l’exécutif. En un mot, la réforme du parquet est à terme
inévitable. Le Garde des Sceaux ne doit plus être le chef de l’action publique. Terra Nova propose que ce rôle soit transféré à un Procureur général, magistrat choisi pour son indépendance,
sa compétence et son intégrité, irrévocable, et dont le statut serait reconnu constitutionnellement. Lui seul disposerait du pouvoir hiérarchique sur les membres du parquet. Il dirigerait
l’action publique, en application de la politique pénale définie par le gouvernement. Une fois l’indépendance du parquet garantie par la création d’un tel Procureur général, alors la
suppression du juge d’instruction pourrait être mise en œuvre. Pour éviter un système à l’américaine où l’instruction est à charge, ce qui crée une justice à deux vitesses selon que le
justiciable a les moyens ou non de financer sa défense, un principe d’impartialité des investigations serait introduit : les enquêtes et les instructions seraient menées à charge et à
décharge. Quel rôle resterait-il, dès lors, au ministère de la justice ? La gestion de la carrière des magistrats transférée au CSJ, l’action publique confiée au Procureur général de la
République, le ministère serait recentré sur la définition de la politique pénale, à travers les circulaires générales qui continueraient d’être élaborées par le Garde des Sceaux. Le
ministère de la justice demeurerait pleinement compétent sur ses autres fonctions actuelles : législation civile, pénale et commerciale ; administration pénitentiaire ; protection judiciaire
de la jeunesse ; réglementation des professions juridiques ; coopération internationale ; instruction des demandes de grâce ; état civil, nationalité. UNE COUR CONSTITUTIONNELLE Latente
depuis longtemps, la question de la création d’une vraie Cour constitutionnelle a été relancée avec la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui a introduit la question prioritaire de
constitutionnalité (QPC). L’ordre juridique français reposait sur la suprématie de la loi une fois promulguée. La constitutionnalité d’une loi pouvait certes être contestée devant le
Conseil constitutionnel, mais uniquement au moment de son vote par le Parlement, et à l’initiative des seuls parlementaires. Une fois entrée en vigueur, lors de sa promulgation par le
Président de la République, la loi devenait incontestable. Ce n’est plus le cas avec la QPC : tout justiciable peut désormais la contester à tout moment devant n’importe quel juge ; il
revient au juge de filtrer la demande et, s’il la juge recevable, de saisir le Conseil constitutionnel. Ce nouveau droit représente une véritable révolution juridique, qui fait passer la
France du légicentrisme au constitutionnalisme, d’une culture de la loi à une culture de la constitution. Avec la QPC, le Conseil constitutionnel se fait juge de la constitutionnalité des
interprétations de la loi par les juges judiciaires et administratifs. Il se met mécaniquement en position de « cour suprême », en position de déclarer contraire à la constitution leur
interprétation de la loi. Mais il ne peut le faire qu’après filtre des juges judiciaires ou administratifs – le justiciable n’ayant pas la possibilité de faire appel des décisions de
non-saisine du Conseil constitutionnel. Terra Nova propose d’achever la transformation de l’ordre juridique français avec la création d’une vraie Cour constitutionnelle, soit en donnant la
possibilité de faire appel des non-saisines auprès du Conseil constitutionnel, soit en donnant à tous les juges le pouvoir de juger directement de la constitutionnalité des lois, avec la
possibilité de faire appel devant la Cour constitutionnelle. 2. 3 – QUELLE LEGITIMITE POUR LE TROISIEME POUVOIR ? La légitimité du pouvoir en France repose sur le suffrage universel :
faut-il faire élire les juges ? La réponse est négative. Le suffrage universel repose sur le fait majoritaire. Il est adapté pour les pouvoirs exécutif et parlementaire : on choisit un
projet politique contre un autre pour gouverner le pays à court-moyen terme, le projet choisi est celui qui recueille le plus de suffrages – celui de la majorité. Mais il existe aussi des «
valeurs d’arrière-plan » selon la formule du philosophe Paul Ricœur, qui réunissent l’ensemble d’une communauté nationale sur le long-terme, au-delà des clivages politiques. C’est le cas des
principes et des institutions reconnus par la Constitution. Parmi ces institutions constitutionnelles, il y a la justice : elle juge « au nom du peuple français », pas au nom d’une majorité
politique ; elle est garante des libertés individuelles de tous les citoyens. La légitimité de la justice doit donc reposer sur l’ensemble du peuple français et non de sa majorité. Elle
repose d’abord sur une réforme de la Constitution, notamment son article 66 pour consacrer la justice comme « pouvoir judiciaire », et pour y introduire le CSJ et le Procureur général de la
République. Un autre moyen pour approcher cette légitimité est de nommer les principaux magistrats sur la base d’un accord transpartisan. C’est ce que propose le rapport : faire désigner les
membres du Conseil supérieur de la Justice, le Procureur général de la République ainsi que les juges constitutionnels par le Parlement, par un vote à la majorité des deux-tiers et après
auditions publiques. Juger « au nom du peuple français » nécessite une certaine proximité avec les citoyens. La justice ne doit pas rester dans sa « bulle », elle doit se mettre au diapason
de la société française et être plus proche d’elle. Pour être légitime, elle doit créer un pacte de confiance avec les citoyens. En l’absence de représentation par le suffrage universel,
Terra Nova plaide pour la participation directe des citoyens. Les citoyens peuvent d’abord participer à la gestion du service public de la justice. Le rapport propose des états généraux de
la justice destinés à préciser les modalités de participation des citoyens-usagers à la gestion des tribunaux et à l’élaboration d’une politique nationale de la justice. A l’issue, une «
conférence nationale de la justice » serait le lieu de concertation permanent entre les acteurs du système judiciaire, les citoyens et leurs représentants (associations de victimes,
associations familiales, protection des droits de l’homme, défense des étrangers, détenus…). Les tribunaux pourraient avoir le statut d’« établissements publics de justice », dotés de
conseil d’administration avec présence des citoyens-usagers. Le cœur de la réforme concerne la participation à l’œuvre de juger : Terra Nova se prononce pour l’introduction de l’échevinage,
aboutissant à un modèle de justice mixte où des juges citoyens, non professionnels, rendraient la justice aux côtés des juges professionnels. Il ne s’agit pas, comme semble le proposer le
gouvernement, de remplacer des magistrats professionnels (jugés trop laxistes) par des jurés populaires (qui sauraient sanctionner durement). Il s’agit également de mettre fin aux «
juridictions parallèles » présidées par des non-professionnels telles que les juridictions de proximité qui sont des juridictions au rabais avec des juges citoyens peu formés, isolés dans
leurs juridictions, sans contacts avec les magistrats professionnels. La justice est un métier, elle ne peut se passer de magistrats professionnels. Il faut au contraire faire travailler des
juges citoyens auprès de juges professionnels. Cet apport permettrait de revenir à la collégialité dans des contentieux actuellement jugés à juge unique – affaires correctionnelles,
tribunaux de police… La présence au sein d’un tribunal d’une personne capable de comprendre et partager les préoccupations du justiciable, ses intérêts, voire son langage er sa culture,
rapproche le « monde » de la justice du « monde » des justiciables, favorisant ainsi l’accès à la justice et le contrôle de son bon fonctionnement. 2. 4 – LA RESPONSABILITE DU POUVOIR
JUDICIAIRE A grand pouvoir, grande responsabilité. Les citoyens ont souvent le sentiment de l’irresponsabilité des juges. L’affaire Outreau a été particulièrement douloureuse à cet égard.
La loi organique du 22 juillet 2010, issue de la révision constitutionnelle, ouvre une réforme fondamentale dans la responsabilité disciplinaire des magistrats : les justiciables peuvent
désormais saisir directement le CSM pour demander la sanction du comportement d’un juge. Le rapport renforce cette réforme, avec la création du Conseil supérieur de la Justice, doté d’un
véritable corps d’inspection, qui devrait accroître l’efficacité des procédures disciplinaires. A côté de la responsabilité-sanction, qui se met en place, la responsabilité-prévention est
également à développer. Cela passe par la qualité du recrutement et de la formation. Cela passe aussi par l’émergence d’une déontologie judiciaire. Il faut certes sanctionner la faute, mais
encore mieux prévenir la mauvaise décision ou le comportement inadéquat. L’idée est d’élaborer un recueil des principes de déontologie, sur le modèle des « Principes de déontologie
judiciaire » du Canada, et de créer un Comité consultatif de déontologie, afin de donner un avis aux magistrats qui le solliciteraient. La responsabilité-transparence (_accountability_) est
également en retard dans le monde judiciaire français : traiter les plaintes des justiciables, évaluer le fonctionnement de la justice, mesurer la satisfaction des citoyens-usagers,
instituer des débats annuels sur la justice au sein du Parlement – la justice doit rendre compte. Dans le même esprit, le rapport propose de motiver pleinement les décisions de justice : il
est anormal, en particulier, que les arrêts de cours d’assises, qui jugent les affaires pénales les plus graves, ne soient pas motivés. Et d’introduire des opinions dissidentes pour les
questions de droit traitées par les cours suprêmes (Conseil d’Etat et Cour de cassation) et la Cour constitutionnelle : appelées à trancher des questions de droit complexes et parfois
controversées, elles ne doivent plus faire comme si la réponse était évidente. CONCLUSION Tout remettre à plat. C’est une réforme audacieuse que propose Terra Nova, rompant non seulement
avec les dérives de la dernière décennie, mais aussi avec la tradition française d’une autorité judiciaire conçue comme l’un des bras armés de l’exécutif. Une rupture visant à faire de la
justice un pouvoir constitutionnel indépendant, le vrai troisième pouvoir de notre démocratie.