
Tindersticks, arbitre des élégances pop
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Bienvenue dans le théâtre de poche universaliste des Tindersticks, où la musique avance à tâtons dans une obscurité friable, comme dans un cocon. Avec sa pochette empreinte d’un imaginaire
de conte de fées shakespearien, _The Waiting Room_, nouvelle livraison du groupe britannique, révèle une alchimie musicale à la fois chimérique et spirituelle : « _We are dreamers _»,
scandent-ils d’un chant d’outre-tombe évoquant l’esprit de Ian Curtis en errance dans sa division sans joie de Macclesfield… A l’écoute du disque, beaucoup de sensations intimistes et de
couleurs musicales ondoyantes se mêlent au fil des onze titres présentés. On pense à la douleur imprescriptible d’un Vic Chesnutt _(« The Waiting Room »_), aux déambulations berlinoises du
duo Bowie-Eno _(« Were We Once Lovers ? »_), aux tentations world-jazzy des Talking Heads (_« Help Youself »_), à une nouvelle lubie de David Lynch (_« Second Chance Man »_) ou encore au
beau souvenir d’Orchestral Manœuvres in the Dark (_«_ _This Fear of Emptiness »)._ Jusqu’à l’errance sentimentale très _« Where Are We Now ? »_ qui clôt l’album. Ce dernier jardin des
délices exhale des touches feutrées, des notes délicates et fragiles, effleurées comme on cherche une prise en pleine escalade amoureuse. UN DUO INÉDIT AVEC LA REGRETTÉE LHASA Le clou du
disque reste _« Hey Lucinda »_, l’histoire banale d’un type qui propose à une fille d’aller boire un verre. Le tour de force des Tindersticks est de réussir à en faire une tragédie grecque.
Ce duo inédit avec la regrettée Lhasa a été enregistré peu avant sa disparition en 2010. On se souvient notamment des mémorables apparitions de la chanteuse américano-mexicaine – en langue
française – sur la compilation du label Tôt ou tard parue en 2005, sur laquelle figurent ses duos avec Franck Monnet (_«_ _Fiancés »)_ et Vincent Delerm (_«_ _L’Échelle de Richter »_). Un
ange est passé… Le timbre langoureux de Lhasa hante durablement ce_ « Hey Lucinda » _rescapé de divers remaniements instrumentaux opérés depuis les prises initiales pour obtenir ce résultat
éthéré. Il faut parfois du temps pour rendre l’âme à qui elle appartient. On notera cette phrase prononcée par Lhasa dans la chanson : _« I only dance to remember how dancing used to feel
»__ (« Je danse seulement pour me souvenir comment la danse permet de se sentir »)_. Une dernière danse hors du temps, menuet équilibriste trébuchant au creux de nos oreilles comme autant de
murmures à la jeunesse envolée. [embedded content] Pour compléter le tableau poétique et tourmenté, les Tindersticks rompus aux bandes originales de films (ils ont notamment signé la
musique de six longs métrages de Claire Denis), ont agrémenté leur nouvel ouvrage d’une narration habituellement dévolue au 7e art. La teneur cinématographique du disque – trois
instrumentaux en apesanteur, dont une adaptation du thème des _Révoltés du Bounty _ (1962) – se révèle constitutive du projet global autour de _The Waiting Room_, livré dans son édition
limitée avec un DVD contenant un clip à l’esthétique expérimentale pour chaque chanson. L’auditeur-spectateur se trouve ainsi dans la peau d’un voyageur immobile en transit dans cette salle
d’attente configurée en camera obscura. Et comme Tindersticks rime avec General Elektriks, dont la pochette du nouvel album arbore également un personnage pittoresque avec une drôle de tête
d’animal, voici le dernier clip du mystérieux projet electronica funky derrière lequel se cache Hervé Salters, zèbre parisien fan de Stevie Wonder. [embedded content] Tindersticks, _The
Waiting Room_, City Slang Records. General Elektriks, _To Be A Stranger_, Wagram Music. Tindersticks est actuellement en tournée dans toute la France et jouera à Paris (aux Bouffes du Nord)
du 19 au 21 avril. General Elektriks sera en concert le 31 mars au Trianon (Paris) et sera présent dans plusieurs festivals dont le Printemps de Bourges. Vous venez de lire un article en
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