Le rafale, cible de la guerre… de l’information

Le rafale, cible de la guerre… de l’information


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« Ce qui compte n’est pas l’avion abattu, mais comment ils ont été abattus et quelles erreurs ont été faites » : cette réponse du général indien Anil Chauhan, samedi, à une question d’une


journaliste de Bloomberg TV en marge du Dialogue Shangri-La, forum annuel de référence sur la sécurité et la défense à Singapour, est certes incohérente. Mais elle lève un coin de voile sur


une récente bataille aérienne d’une rare intensité qui a mis aux prises les aviations indienne et pakistanaise. Et qui, en raison de la perte possible d’au moins un Rafale par l’Inde, se


poursuit en ligne, à coups de propagande, de désinformation, d’analyses… et de silences. De quoi parle le général Chauhan ? Retour sur une nuit particulière. Entre le 6 et le 7 mai, l’Inde


lance _Sindoor_, une opération militaire aérienne contre des sites terroristes au Pakistan. Elle sert de représailles à des attentats perpétrés le 22 avril dans la province disputée du


Cachemire. La riposte pakistanaise, immédiate, déclenche une intense bataille dans les airs engageant des dizaines d’avions. Finalement les deux parties, puissances nucléaires craignant


toujours un engrenage qui aboutirait à leur destruction mutuelle, parviendront à « dés-escalader » la situation. Mais après coup, elles divergent sur le bilan de l’opération. Selon des


sources militaires indiennes citées par l’agence ANI, Sindoor a laissé les forces aériennes pakistanaises « aveuglées, engourdies et paralysées » et les a ramenées « cinq ans en arrière ».


Mais pour les forces aériennes pakistanaises, c’est la riposte qui a été un succès. Deux jours après l’attaque, leur porte-parole Aurangzeb Ahmed affirme qu’elles ont abattu six chasseurs


indiens dans la bataille – dont trois Rafale. Si c’est le cas, ce pourrait être le fait de missiles chinois, embarqués sur des chasseurs J-10C (chinois) ou tirés depuis le sol. Seule


certitude : le pilote indien est revenu sain et sauf. En ligne commence alors une campagne vigoureuse contre le Rafale. L’épisode est monté triomphalement en épingle par une coalition de


bloggeurs, tiktokeurs, youtubeurs et autres agitateurs numériques que l’État-major français identifie comme pro-chinois et pakistanais. Posts et vidéos moqueurs des performances du Rafale et


laudateurs de ceux de la chasse pakistanaise, analyses non étayées, tweets critiques des récentes ventes de Rafale, notamment en Indonésie… Ce brouhaha numérique ne gêne pas forcément les «


alliés » de la France, peu mécontents de voir un équipement militaire français – concurrent, donc, sur le plan industriel - se faire canarder en ligne. À quoi répondent les silences indien


- et français. Celui-ci a été rompu samedi, maladroitement, par le général indien Chauhan, confirmant à Bloomberg TV qu’au moins un chasseur indien avait été abattu, mais précisant que le


chiffre de six chasseurs descendus était « totalement inexact » - sans donner le sien. Et sans préciser si le(s) chasseur(s) tombés sont estampillés Sukhoi (russe), Mig (russe), ou… Rafale.


Dans une dépêche parue depuis la bataille, l’agence Reuters a cité un « officiel américain » affirmant qu’« au moins un des avions abattus » est un Rafale. CNN a cité de son côté, depuis son


bureau parisien, un haut fonctionnaire du renseignement affirmant qu’un Rafale avait été abattu par le Pakistan. La perte, si elle est un jour confirmée, peut avoir une pléthore de causes :


comportement de l’appareil, du pilote, contexte de l’engagement… mais aussi le niveau de sophistication de l’équipement chinois, employé dans des conditions de combat rarissimes. « Le


Rafale est un avion très puissant, à condition qu’il soit bien utilisé », a remarqué le général pakistanais Aurangzeb Ahmed dans un point de presse, semblant mettre l’accent davantage sur le


rôle du pilote indien ou de son commandement que sur le chasseur. L’épisode n’a en tout cas visiblement pas entamé la popularité du Rafale auprès d’un de ses plus récents clients :


l’Indonésie. En février 2022, cette dernière en avait commandé 42, dont les premiers appareils doivent être livrés début 2026. Mercredi, lors de la visite d’État d’Emmanuel Macron en


Indonésie, le ministre de la Défense Sébastien Lecornu a signé avec son homologue une lettre d’intention laissant présager l’acquisition future par l’Indonésie de nouveaux matériels français


; y figurent notamment… des Rafale. « On peut surtout constater qu’il y a eu vingt années d’emploi du Rafale et que s’il était avéré qu’il y avait eu une perte, ce serait la première au


combat », avait commenté le même jour le colonel Guillaume Vernet, porte-parole de l’État-major des armées, lors d’un point de presse au ministère. Le « retex » (retour d’expérience) de


l’opération Sindoor, en son temps, sera suivi comme le lait sur le feu par les milieux de la défense, en particulier français.