
Mort d’angelo rinaldi, un critique littéraire à la plume féroce
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DISPARITION - Romancier et journaliste, l’ancien directeur du _Figaro Littéraire_ s’était fait connaître par ses critiques acérées dans_ L’Express, _durant les années 80. Il avait été élu à
l’Académie française en 2001. Publicité L’écrivain et académicien français Angelo Rinaldi est mort ce 7 mai à Paris, à l’âge de 84 ans. Né à Bastia le 17 juin 1940 d’un père italien qu’il
n’a pas connu et d’une mère qui tenait un commerce au cœur de la ville, Ange-Marie Rinaldi a contracté, dès l’enfance, une passion pour les mots qui ne le quittera plus. Le pupille de la
nation comprend que le livre peut être plus qu’un réconfort : une planche de salut. _« La solitude prédispose à la lecture. Souvenez-vous du pauvre Leopardi »,_ nous déclarait voici peu
celui qui découvre, à 15 ans, les grands auteurs italiens,- Ungaretti, Vittorini, Moravia, Calvino -, tant d’autres, qu’il lira dans leur langue. Mais il faut gagner sa vie et le journalisme
le fascine. Il débute comme chroniqueur judiciaire à Nice matin après avoir quitté la Corse puis acquiert une renommée qui ira croissant grâce à ses critiques littéraires publiées dans
_L’Express _durant les années 70 et 80. Son style, aussi acerbe qu’éclatant, conquiert d’autant plus les lecteurs qu’il n’épargne pas ces gloires littéraires qu’il juge surfaites, depuis
Simenon à Duras en passant par Robbe Grillet, Sollers, Milan Kundera ou Philippe Roth. Au chef de file du nouveau roman il décernera ces formules cuisantes : _«Monsieur Robbe Grillet, ancien
ingénieur agricole se dégageant de son indigence de créateur par une manœuvre géniale inventait ce qui existait déjà : le Nouveau Roman. Il fournissait à l’université ce dont elle sera à
jamais friande, la théorie. Celle-ci permettant à n’importe qui de se persuader qu’en application d’un mode d’emploi on devient un artiste »_. Allergique aux modes littéraires et aux
cénacles mondains, Angelo Rinaldi allait devenir le critique le plus redouté d’un monde parisien où les coteries ont parfois plus d’importance que l’œuvre elle-même. _« J’ai toujours écrit
ce que je pensais, je ne dis pas que j’ai toujours eu raison. Il faut choisir entre son métier et sa carrière»_ déclarait-il l’an dernier à_ la Revue des deux mondes_. Il ajoutait : _« Si
vous commencez à vouloir faire plaisir, c’est fini… »_ S’il lui fut parfois reproché d’être injuste, son talent, qu’il exerça au _Nouvel Observateur_ à la fin des années 90 puis au _Figaro
littéraire_ jusqu’en 2005, restera incontesté. Et ce d’autant plus qu’il mettra en valeur des écrivains parfois méconnus, tels Jean Rhys, Italo Svevo ou des poètes comme François Augieras ou
Olivier Larronde. Publiés récemment, deux recueils, _Dans un état critique _et _Le roman sans peine _(La Découverte) ont remis au goût du jour ses dernières chroniques qui évoquent parfois
le style flamboyant de Saint-Simon. _« Avec son Journal inutile (1968-1976), c’est une poubelle que Paul Morand proposait. Une poubelle à retardement comme la bombe du même nom : il ne
devait être publié que 25 ans après sa mort »_ écrit-il dans un numéro du _Figaro littéraire_. Ses articles sur Bernanos, situé au niveau des plus grands mais aussi sur Montherlant, Aragon
ou Jünger sont exempts de tout jugement d’ordre idéologique. Bien que marqué à gauche, Rinaldi ne confondra jamais la littérature et la politique et raillera les idéologues qui prétendent
régenter la liberté de penser. _« On ne présente plus Mr Simon Leys, il est d’ailleurs contre-indiqué de le faire. Car cela obligerait de rappeler qu’il a naguère ouvert les yeux des
Occidentaux sur les crimes d’un maoïsme qui enchantait les meilleurs esprits sur les bords de la Seine. Le ciel me préserve à jamais d’une telle imprudence car non seulement ils ne se sont
pas fait Hara-Kiri, comme un minimum d’éducation l’eût exigé, mais ils ont poursuivi leur carrière »_ écrivait, voici 25 ans, celui qui n’aimait pas Mai 68 et affectionnait le Général de
Gaulle! De quoi se faire des ennemis dans tous les camps… Angelo Rinaldi, qui fut élu au premier tour à l’Académie française en juin 2001, où il succéda à José Cabanis, était aussi un
romancier dont l’œuvre n’obtint pas toujours la reconnaissance escomptée malgré la somptuosité du style. À travers une quinzaine de romans,- parmi lesquels _La Maison des Atlantes _obtint le
Prix Femina en 1971-, l’auteur a reconstitué sur un mode onirique la Corse de son enfance. Il a aussi évoqué la galaxie du journalisme parisien dont il décrira la futilité et la cruauté. Un
monde à travers lequel il a connu une ascension d’autant plus remarquable qu’il cumulait, au départ, les handicaps de la solitude et de l’homosexualité, à une époque où celle-ci était
encore taboue. L’impossible maturité, mais aussi la menace de la vieillesse vécue comme une déchéance que ne vient pas toujours compenser la réussite sociale, sont les thèmes récurrents
d’une œuvre hantée par le thème de l’échec. _« Que c’est long à mourir une jeunesse…Et peut être, d’où le drame qui nous afflige presque tous, ne meurt-elle jamais »_. Après les promesses de
ses premiers romans, ceux de la maturité depuis _Les Roses de Pline _(1987, Gallimard) jusqu’à _Torrent_ (2016, Fayard_),_ voient leurs défauts s’accentuer. La langue y reste belle mais la
vie semble avoir déserté des personnages qui apparaissent comme autant de momies d’un destin inaccompli. Le talent d’Angelo Rinaldi, qui a reçu le prix Prince Pierre de Monaco pour
l’ensemble de son œuvre en 1994, atteint indubitablement son zénith dans ces chroniques de _l’Express_ qui seront publiées dans le recueil _Service de presse_ (Plon, 1999) dont son ami Jean
François Revel fera la préface. Adversaire de l’écriture inclusive, et admirateur d’Hélène Carrère d’Encausse dont la disparition l’affectera durement, Angelo Rinaldi, qui sera nommé en 2007
chevalier de la légion d’honneur, restera dans les mémoires comme un homme intraitable qui a mis sa mélancolie, _« le seul sentiment qui pense »_, au service de la littérature. Une
littérature que, contrairement à Philippe Roth, il ne voyait pas disparaître malgré les menaces qui pèsent sur elle. _« La langue française a fait la France et aujourd’hui encore, les
écrivains y conservent un statut privilégié», _déclarait-il l’an dernier_._ Avant de conclure_, «Malgré tout la littérature française reste sur la durée, inégalable et inégalée »_.