La théorie du cheval mort, ou comment bien couler sa boîte

La théorie du cheval mort, ou comment bien couler sa boîte


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Imaginez la scène : vous êtes au triple galop. Vous chevauchez votre destrier à toute berzingue lorsque, soudain, celui-ci s'effondre. Mort. Que faire ? Le bon sens suggérerait que vous


enterriez dignement votre monture pour en trouver une nouvelle. Simple. Basique. Et pourtant...


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Dans nos entreprises et nos vies personnelles, nous excellons dans l'art de nier l'évidence et de persister dans l'échec. La théorie du cheval mort décrit avec une pointe


d'ironie cette tendance collective que nous avons de nous accrocher aux projets moribonds, aux stratégies inefficaces et aux idées qui ont fait leur temps.


Reconnaissons-le : nous avons tous, un jour, persisté à fouetter un cheval mort. Cette boîte qui insiste malgré tous les voyants au rouge ? Équidé défunt. Cette stratégie « innovante » qui


n'aboutit à rien depuis des mois ? Pur-sang en décomposition. Cette idée de start-up ré-vo-lu-tio-nnaire qui ne trouve, étrangement, aucun financement ? Canasson décédé.


Dans le panthéon des entreprises dont l'obstination a mené à leur perte, le triste gagnant n'est autre que Kodak. L'inventeur de l'appareil photo numérique a refusé de


développer cette technologie pour protéger son lucratif marché du film. Résultat ? Faillite en 2012 après des décennies à fouetter un cheval de plus en plus rigide. Dans la même écurie des


occasions manquées, Blockbuster a décliné plusieurs opportunités d'acquérir Netflix, s'accrochant à son modèle de location de DVD en magasin jusqu'à sa disparition, en 2010.


Les exemples, nombreux, ne manquent pas.


Face à ces chevaux morts, nous déployons un arsenal de techniques pour tenter de ressusciter ce qui devrait reposer en paix. Les entreprises excellent particulièrement dans cet art de la


réanimation futile : elles achètent des fouets plus grands et plus chers (logiciels coûteux), changent de cavalier (nomination d'un énième chef de projet) ou modifient la selle


(réorganisation d'équipe).


À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre Les plus acharnées vont jusqu'à nommer des commissions d'enquête pour analyser pourquoi le cheval ne bouge plus (audits externes) ou


visitent d'autres écuries pour observer comment elles montent leurs chevaux morts (_benchmark_). Certaines se consolent même en comparant les performances de leur destrier à celles de 


concurrents encore plus mal en point – maigre consolation !


Si l'origine de cette théorie reste floue – certains l'attribuent à un dicton amérindien, d'autres à un obscur manuel de management des années 1990 –, son message est limpide 


: la solution la plus élégante est souvent la plus simple. Oubliez les mantras LinkedIn sur la persévérance : en management, savoir abandonner vaut mieux que de s'obstiner.