"on ne s'est jamais disputés": la belle histoire d'amour de fulvio et yolande qui dure depuis 77 ans à nice


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Tous les matins, l’immuable rituel. Fulvio se lève vers 4 heures. "_Je ne dors pas beaucoup…"_ Il s’habille, enfile ses chaussures et quitte la maisonnette du boulevard de la


Madeleine à Nice. "_Je monte jusque là-haut à pied et puis je redescends."_ Le long du Magnan, qui ruisselle en face, "_il fait bon le matin"_. Yolande ne l’accompagne


pas. Le plus souvent, elle dort encore. Scène banale de la vie ordinaire? À ceci près que Fulvio a 92 ans; Yolande, 91 aujourd’hui même. Ils viennent de célébrer leurs noces d’ocre. 71 ans


d’union. "_Nos parents ont dû venir signer les papiers car on n’avait pas encore 21 ans, on était encore mineurs"_, sourit Fulvio. Un autre temps. "VOUS N’ÊTES PAS DU


QUARTIER, VOUS…" Sur la table, ils alignent les photos en noir et blanc. "_Ils les regardent souvent"_, glisse leur fille unique, Claudine. Le papier est jauni. Pas les


souvenirs. Ils affleurent comme autant d’étincelles dans leurs yeux. Volubile, voix éraillée mais jamais chevrotante, accent nissart pendu aux lèvres, il raconte. Elle n’avait pas 15 ans


quand elle lui a tapé dans l’œil. La guerre s’achevait à peine. C’était un samedi. Il remontait "son" boulevard, qu’il a toujours habité, à vélo. Elle marchait le long de la route.


Il s’est arrêté: "_Vous n’êtes pas du quartier, vous, je ne vous ai jamais vue."_ _"On ne pourrait plus faire ça aujourd’hui, ce serait du harcèlement…"_, l’interpelle


sa fille. Yolande rebondit: "_Moi j’étais contente…"_ Sa mère, moins: "_Elle lui jetait des pierres quand il essayait de m’approcher."_ Yolande rit. "_Dans la rue,


ils se prennent par la main. S’embrassent souvent"_, admire leur fille. On leur demande le secret de l’amour, forcément. La question les interloque. "_La fidélité"_, finit par


lâcher Fulvio. "_La patience"_, répond son épouse en cherchant, d’un œil complice, son approbation. Il embraye: "_On ne s’est jamais disputés. Pas une fois."_ "ON


N’EST PAS VIEUX" Parfois, tendrement, elle le reprend. On aimerait écrire "recadre", mais la douceur l’emporte. Comme quand il parle du temps qui passe. Elle fait mine de


durcir le ton: "_On n’est pas vieux!"_ Pas vieux, au point de refuser toute aide. Ils font le ménage, les courses, la cuisine, le jardin. "_Tant qu’on peut, on ne veut pas


d’aide." _Quand Fulvio fait la soupe au pistou, il en prévoit une marmite. "_Il en distribue à tout le quartier"_, s’amuse un voisin. Sinon, il la régale de sa daube, de ses


endives au jambon, de ses aubergines farcies. "IL EST À MOI" Un instant, Fulvio l’intarissable se tait. Il regarde "sa" Yoyo. Celle qui vient s’asseoir à côté de lui


quand il regarde les matchs de l’OGC Nice, dont il est une mémoire vivante. Celle qui sourit quand il s’anime, évoquant les Aiglons des années 1950, les Yeso Amalfi, les Désir Carré... Celle


qui lui attrape la main, la caresse, feint la jalousie: "_Il est à moi. Et pas à une autre."_ Et pour la Saint-Valentin? Elle tente de réprimer un rictus. "_C’est surtout son


anniversaire,_ souligne Fulvio._ Je lui ramènerai des fleurs. Comme toujours."_