
Belgique. Après une grève nationale en demi-teinte, il faut changer de stratégie!
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LA GRÈVE TIENT MAIS UNE MOBILISATION EN DEMI-TEINTE DANS LES RUES La journée du 29 avril a de nouveau été marquée par de nombreuses grèves touchant une nouvelle fois plusieurs secteurs
stratégiques. Les transports publics ont été fortement perturbés sur l’ensemble du territoire. Les trains ont été sévèrement impactés à la SNCB. Les réseaux de transports en commun régionaux
– De Lijn, le TEC et la STIB – ont également connu de nombreuses perturbations. Le secteur aérien a été paralysé : aucun vol n’a décollé de l’aéroport de Charleroi, tandis que de nombreux
vols ont été annulés à l’aéroport de Zaventem, à Bruxelles. Le port d’Anvers a quant à lui été complètement à l’arrêt, la navigation depuis et vers le port étant interrompue. D’autres
secteurs essentiels, tels que les hôpitaux, les administrations publiques et même le milieu artistique, se sont également mobilisés. Des cortèges se sont formés dans plusieurs grandes villes
du pays, notamment à Bruxelles – où environ 4 000 personnes ont défilé – mais aussi à Liège, Namur, Charleroi et Anvers. Malgré cette nouvelle journée de grève suivie, la mobilisation n’a
pas été de l’ampleur des journées précédentes, en termes de secteurs en grève et du nombre de manifestant.e.s dans les cortèges. Alors que le gouvernement passe à la vitesse supérieure dans
ses attaques, les manifestations ont été moins fournies et les piquets de grève moins nombreux. Le risque est que la mobilisation se trouve dans une impasse en raison de la stratégie du
front syndical et que cela finisse par démobiliser les travailleuses et les travailleurs. L’”ACCORD DE PÂQUES” : UNE AVANCÉE DANS LES ATTAQUES DU GOUVERNEMENT Du côté du gouvernement,
celui-ci s’est accordé vendredi 25 avril au soir sur son budget 2025, la loi-programme qui exécute des réformes convenues par les partis de l’Arizona. On y trouve la loi chômage où, comme
annoncé, les allocations de chômage seront limitées dans le temps, à un maximum de deux ans, à partir du 1er janvier 2026, même si une exception sera prévue pour les personnes qui sont en
formation pour un métier en pénurie avant cette date ainsi que, de manière pérenne, pour les métiers de la santé. On y trouve aussi des mesures sur la santé et une limitation des arrêts
maladie, avec des contrôles des médecins à domicile et davantage de pressions pour « remettre les gens au travail ». On trouve notamment une augmentation du budget de l’armée, avec le budget
de la défense qui sera porté à 2% d’ici la fin de l’année 2025, ce qui représente un investissement de 4 milliards d’euros supplémentaires. Les dépenses allouées à la justice se voient
aussi augmenter à hauteur de 150 millions d’euros, mais cela vise surtout à garantir plus de moyens pour un saut répressif. La ministre de la justice, Annelies Verlinden, donne le ton en
précisant à quoi est destiné ce budget : faire de la « place » en expulsant des détenus en situation irrégulière, voire en construisant ou louant des prisons à l’étranger pour ces détenus
afin de pouvoir « punir plus sévèrement d’autres délits ». Cette vision est alignée avec d’autres mesures de l’accord de Pâques, avec une réaffirmation de la volonté du gouvernement Arizona
de durcir l’offensive contre les réfugiés en favorisant les retours forcés, rendant l’accès à la procédure d’asile plus difficile pour les bénéficiaires d’une protection dans un autre pays
de l’UE, et encore en augmentant les coûts financiers pour l’accès aux procédures d’accès au regroupement familial et à la nationalité. DES GRÈVES ISOLÉES ET L’ABSENCE DE PERSPECTIVES Depuis
la dernière journée de grève générale du 31 mars, de nouvelles initiatives ont émergé à la base, remettant ainsi en question l’agenda du front commun syndical. Dans l’enseignement, une
semaine de grève tournante a eu lieu du 7 au 11 avril dans les provinces wallonnes et à Bruxelles. Elle faisait suite aux deux journées de grève des 27 et 28 janvier, et visait à dénoncer la
dégradation continue de l’enseignement ainsi que la précarisation croissante de ses personnels. Les cheminots, de leur côté, poursuivent leur mobilisation. Le 29 avril a marqué leur 23ème
jour de grève à la SNCB depuis 2024, avec une grève hebdomadaire instaurée ces dernières semaines, notamment les 15 et 22 avril. Le secteur de l’action sociale s’est également mobilisé : les
CPAS ont observé une journée de grève le jeudi 24 avril pour protester contre la réforme des allocations de chômage et le sous-financement chronique du secteur. D’ailleurs, d’autres actions
sont déjà annoncées : le secteur des services publics appelle à une grève le 20 mai, tandis que le secteur non-marchand prévoit une mobilisation le 22 mai. Le mouvement actuel contre les
attaques de l’Arizona dure déjà depuis déjà cinq mois. À chaque fois que les syndicats ont appelé à la grève, que ce soit lors de journées nationales interprofessionnelles, ou de grèves
sectorielles, les travailleur.ses et la jeunesse ont répondu présent.e.s, avec des dizaines de milliers de manifestant.e.s à chaque occasion. Cependant, au-delà des journées saute-mouton, il
n’existe toujours pas de stratégie pour vaincre ces attaques. Pour la journée du 29 avril, même au sein des délégué.es syndicaux.les, et donc des travailleur.ses, le flou était présent
entre un appel à la grève ou à la manifestation. Ainsi, au sein de la FGTB on voyait tout simplement circuler un appel confus à « des actions » et principalement à manifester. Alors même que
la journée de grève générale du 31 mars a été un succès, il n’y a eu aucune volonté de marquer une continuité avec cette date-là, sans même parler de monter d’un cran dans la
conflictualité. La journée du 29 avril, combinée à l’approche du 1er mai, offrait une véritable opportunité pour adopter une tout autre stratégie : une grève reconductible de trois jours à
l’échelle nationale aurait pu être organisée en Belgique, avec des piquets de grève tournants et un appel à une nouvelle grande manifestation le 1er mai. La direction de la FGTB assume
pourtant sa volonté de mener des grèves perlées, ce qui constitue véritablement un plan pour la défaite. « Cela présente deux avantages », défend Thierry Bodson, président de la FGTB : «
_Cela crée une contestation permanente et ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont dans la rue. On n’épuise pas nos troupes_ ». Pourtant, cela disperse les forces et ne crée aucun rapport
de forces avec le gouvernement, en minimisant le rôle qu’il pourrait avoir d’appel à une vraie grève générale. On trouve le même point de vue chez Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la
CSC, qui se lave les mains en affirmant que ce sont les travailleurs à la base qui ne voudraient pas d’un « tous ensemble » : « _Nous devions donc avoir une réponse lente, graduée et un
important travail d’information. Les travailleurs commencent à mesurer l’impact sur leur quotidien et se mobilisent pour leurs conditions propres. Ce n’est pas une décision des instances
nationales de viser secteur après secteur. C’est une dynamique propre à chacun d’eux. Et ce n’est que le début._ » Marie-Hélène Ska va encore plus loin, balayant d’un revers de la main la
seule stratégie qui pourrait nous faire gagner : « _Une grève générale illimitée n’a pas de sens car chacun doit s’adresser à ses ministres de tutelle (...) Et nous n’avons pas estimé
qu’elle serait plus efficace._ » Un avis partagé par son homologue de la FGTB. « _Si cela pouvait fonctionner, j’en serais heureux _ », commente Thierry Bodson. « _Mais ce n’est pas
réalisable. Économiquement, les gens ne sont pas en mesure de faire face car pour réussir, il faudrait que cela dure._ » Or, l’indemnité de grève, de 40 euros par jour, engendre très vite un
important manque à gagner salarial pour les grévistes, dès lors que le mouvement se poursuit. « _Et c’est partir en grève avec un objectif qu’on n’atteindra pas_ », ajoute-t-il. La
stratégie des directions syndicales est claire : elles se servent des mobilisations avant tout comme levier pour se faire entendre et relancer le « dialogue social », plutôt que comme une
réelle opportunité de faire progresser des revendications en faveur des travailleur·ses. Le calendrier syndical en témoigne, avec les dates des prochaines mobilisations annoncées seulement
pour les 27 juin et 22 septembre prochains. POUR GAGNER, IL FAUDRA UN VRAI PLAN DE BATAILLE ! Comme nous l’avons dit, le risque est que la mobilisation se trouve dans une impasse. La journée
du 29 a encore mobilisé de nombreux secteurs, mais cela ressemble à un coup d’épée dans l’eau en raison de l’absence de préparation et de l’absence de perspectives. Le gouvernement Arizona
continue de porter des coups à l’encontre des travailleur.euse.s, des femmes, des étrangers et des jeunes, avec l’adoption du budget et les premières réformes d’un programme réactionnaire,
militariste, austéritaire et économiquement violent, la stratégie des confédérations syndicales belges n’est pas à la hauteur pour amener à la victoire du mouvement social. Aussi, il est
fondamental et urgent d’exiger un plan de bataille sérieux par la grève reconductible, seule à même de vaincre les attaques. Un objectif qui implique de construire des cadres
d’auto-organisation pour préparer l’extension de la grève et sa reconduction. En ce sens, il faut commencer par organiser de façon massive des assemblées générales dans les lieux de travail
et d’étude pour discuter collectivement de la stratégie dont on a besoin pour lutter contre les attaques de l’Arizona. Les efforts et les mobilisations faites par plusieurs secteurs
mobilisés en rang dispersé portent un potentiel énorme, mais cela n’aura un impact que s’ils se coordonnent. Les travailleur.euse.s des secteurs en lutte doivent décider collectivement, à la
base, de quelles suites donner au mouvement, sans illusions sur le dialogue social qui mène à l’impasse.