Casse des conditions de travail et privatisation : les enjeux des grèves sncf

Casse des conditions de travail et privatisation : les enjeux des grèves sncf


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LES CONDITIONS DE TRAVAIL AU CŒUR, MOTEUR D’UNE COLÈRE QUI S’EXPRIME EN ORDRE DISPERSÉ À l’approche du 5 mai, les appels à la grève se multiplient à la SNCF. À partir du 5 mai, plusieurs


syndicats — dont Sud Rail et la CGT — appellent à des journées de grève, notamment autour du pont du 8 mai. Le mouvement a d’abord été lancé par le Collectif national des ASCT (contrôleurs),


rapidement rejoint par Sud Rail, avant que la CGT n’appelle à son tour. D’abord les agents commerciaux, puis les agents de maintenance, les conducteurs, les chefs de bord… Mais loin d’une


dynamique d’ensemble, la mobilisation s’annonce morcelée, fragmentée, métier par métier — reflet d’une colère bien réelle, mais aussi d’un certain scepticisme sur la possibilité d’obtenir


des victoires durables et de directions syndicales qui restent l’arme au pied dans un contexte d’offensive croissante contre les travailleurs du rail. Ce scénario n’est pas nouveau. Depuis


plusieurs années, les conflits se succèdent à la SNCF : conducteurs, contrôleurs, agents des technicentres… Autant de grèves catégorielles qui expriment, chacune à sa manière, les effets


d’une même politique d’entreprise : restructurations permanentes, pression sur les effectifs, flexibilisation à outrance, injonctions contradictoires, gestion algorithmique du personnel.


Pourtant, les médias réduisent systématiquement ces mobilisations à de simples revendications salariales, tout en cherchant à ridiculiser les revendications légitimes des cheminots. Ils


parlent de « bras de fer », de « geste » consenti par la direction, d’« inflation maîtrisée par des primes ». Mais sur le terrain, si la question salariale est prégnante, les cheminotes et


cheminots ont aussi d’autres griefs et revendications : une perte de maîtrise totale sur leur travail, des horaires changés au dernier moment, des amplitudes de service qui pulvérisent les


équilibres de vie, le refus systématique des congés, des effectifs insuffisants, des outils numériques qui servent de prétexte à une désorganisation permanente… C’est cela, avant tout, qui


pousse à la grève. Loin d’être un détail, l’ouverture à la concurrence est au cœur de la stratégie patronale. Elle pousse la SNCF à se « préparer au marché » en supprimant des emplois, en


généralisant la polyvalence et en externalisant des pans entiers de l’activité. Elle transforme les agents en variables d’ajustement, et fait du droit du travail un obstacle à contourner. Ce


choix politique n’est pas une fatalité. Il peut – et doit – être combattu. Mais il suppose de gagner la bataille du récit et de construire un front commun et offensif. LA BATAILLE DU RÉCIT


ET LES ATTAQUES CONTRE LE DROIT DE GRÈVE Comme à chaque mobilisation visible, les attaques contre le droit de grève reprennent de plus belle. D’après un sondage CSA publié le 26 avril 2025


pour des médias de droite et d’extrême-droite comme Europe 1 et Cnews, 65 % des Français se disent favorables à l’interdiction des grèves dans les transports pendant les ponts de mai. Ce


climat réactionnaire est entretenu par les éditorialistes, le gouvernement et les dirigeants de la SNCF qui, dès le dépôt des préavis, ont ressorti leur vocabulaire habituel : « prise


d’otage », « grève des privilégiés », « geste salarial déjà consenti ». Mais cette rhétorique ne résiste pas à la réalité des faits. Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, affirmait


récemment que _« la SNCF ne peut pas se permettre une grève »_, et mettait en garde : _« s’il y en a une, les clients vont essayer la concurrence : le bus, le covoiturage ou une autre


compagnie »_. Un aveu involontaire : l’ouverture à la concurrence pèse déjà sur les cheminotes et cheminots, non seulement économiquement, mais comme une menace brandie pour briser les


grèves et disqualifier les revendications. Concurrence par ailleurs en partie organisée par la SNCF elle-même, principale actionnaire de quelques-uns des concurrents principaux de


l’entreprise. Fanichet poursuit : _« On a fait le job, on a tenu nos engagements, avec une augmentation générale de 2,2 %, plus que l’inflation »_. Une déclaration largement contredite par


les chiffres eux-mêmes, puisque l’augmentation générale réelle est de 1 %, et que les primes individuelles ne compensent ni la perte de pouvoir d’achat, ni la dégradation massive des


conditions de travail. Les médias dominants, eux, relaient ce discours sans le questionner. Ils additionnent les euros, mais ne racontent jamais les journées déstructurées, les temps de


repos grignotés, le non-remplacement des collègues partis… DÉPASSER LA GRÈVE DE PRESSION : RECONSTRUIRE UN FRONT OFFENSIF Les syndicats qui se réclament combatifs continuent pourtant à


défendre une logique de « grève de pression », supposée faire bouger la direction sans la heurter. Invitée sur LCI le 27 avril, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, s’est dite prête


à suspendre le préavis à condition que les revendications soient satisfaites : _« On peut s’épargner ça en négociant »_, appelant la direction à _« négocier immédiatement »_. Ce


positionnement révèle un refus d’assumer la confrontation, au moment même où la direction affiche un mépris total des revendications de fond. Et surtout témoigne de la volonté des directions


syndicales de se placer comme les conseillers du gouvernement et du patronat, plutôt qu’en constructeur d’un plan de bataille offensif. Ce que la période appelle, c’est un bilan sérieux de


la période récente et un plan pour gagner. Loin des grèves de pression et des appels du pied au patronat et au gouvernement, il s’agit de construire par en bas des assemblées générales,


inter-métiers, ouvertes aux syndiqués comme aux non-syndiqués et une grève qui ne se contente pas de réagir, mais qui pose un horizon meilleur pour les travailleurs et les usagers du rail :


400 EUROS NETS D’AUGMENTATION POUR TOUTES ET TOUS AUCUNE RÉMUNÉRATION EN DESSOUS DE 2000 EUROS EMBAUCHES MASSIVES DANS TOUS LES SERVICES RÉOUVERTURE DES LIGNES ET DES GUICHETS SUPPRIMÉS


TRANSPORT PUBLIC GRATUIT, ÉCOLOGIQUE ET CONTRÔLÉ PAR LES USAGERS ET LES CHEMINOT·ES Ces combats ne doivent pas rester cantonnés aux seuls cheminots. Elle concerne l’ensemble du monde du


travail. Et les usagers, souvent utilisés comme bouclier et instrumentalisés pour justifier les pires attaques anti-grève contre les cheminots, ont tout à gagner à combattre en front commun


avec travailleurs du rail, contre l’offensive totale qui se prépare contre le service public, mais également contre l’austérité à venir. Cheminots et usagers ont un ennemi commun : le


gouvernement et le patronat qui sacrifient le rail et nivellent les conditions de travail par le bas, dans un contexte de concurrence accrue et de course aux profits. Ce que les grévistes


défendent, ce n’est pas un « privilège ». C’est la possibilité de pouvoir travailler dans des conditions dignes, en contribuant à un véritable service public des transports, sous contrôle


des cheminots et des usagers. Un service qui pour être réellement au service de la population, gratuit et de qualité, doit sortir de la logique de la concurrence et du profit.