Gaza. Affamer jusqu'à la mort

Gaza. Affamer jusqu'à la mort


Play all audios:


On ne meurt presque jamais de faim quand on meurt de faim. On commence par perdre le contrôle de son corps. Puis le corps se mange lui-même. De l’intérieur. Les graisses, puis les muscles,


les protéines, les organes. C’est lent et douloureux. Tellement lent qu’on a le temps de mourir avant de mourir de faim. Car affamer c’est avant tout torturer. Imaginez maintenant cette


situation multipliée par deux millions (peut-être moins de deux millions car nous n’avons aucune notion du nombre réel de morts). Bon, ça c’est Gaza et sa population affamée par Israël.


Punition collective, mais à une échelle génocidaire. À partir du moment où un général en guerre désigne la population de tout un territoire comme des « animaux humains », la volonté


génocidaire est déclarée ouvertement. Pis encore quand ce général a le pouvoir d’ordonner le largage de bombes, ultra-précises, sur des habitations, sur des tentes, sur des hôpitaux, sur des


pharmacies, sur des routes, sur des écoles, sur des restaurants, sur des boulangeries, sur des infrastructures, sur des champs, sur des étables, sur des animaux, sur des « animaux humains »


enfin. Trois mois à manger les restes, car plus rien ne rentre à Gaza. Ni médicaments, ni nourriture, ni eau. Rien ne sort non plus, même pas les morts. Trois mois, c’est long quand on doit


manger trois fois par jour ; en réalité deux ; en réalité une si on a de la chance. Le mal est irréversible pour les enfants souffrant de malnutrition prolongée. Des déficiences cognitives


à tout jamais. Quand le corps s’habitue à ne plus manger, manger peut le tuer. L’envie de manger peut rendre fou jusqu’à en mourir. On parle de près de 500 000 personnes en situation de « 


catastrophe alimentaire » à Gaza. Le corps se mange lui-même donc. Son propre corps devient son propre bourreau. Mais souvent, ce qui tue, c’est la maladie, les maladies. Des maladies liées


à une situation hygiénique catastrophique. Le choléra, la diarrhée, les infections de la peau deviennent des ennemis redoutables. Autant que les bombes ou plus encore. Un corps sans défense


ne peut pas résister. Il crève. Il est tué. Il est assassiné. Tsahal ne laisse pas rentrer de la nourriture à Gaza, et encore moins du savon, du shampooing, des produits basiques comme des


serviettes hygiéniques. À Gaza, on se partage une toilette entre des milliers de personnes. Israël est en train de faire mourir les Palestiniens dans leur propre merde. Des tonnes de merde


qui s’accumulent. Et tout cela, ce sont des maladies, des menaces mortelles pour les deux millions de Gazaouis. Mais de la merde partout, ce n’est pas grand-chose quand même les cadavres


sont mangés par les chiens et les chats. La faim est une torture lente et douloureuse mais la faim ne tue presque jamais donc. Israël ne cherche pas à tuer les Palestiniens par la faim, ni


même la maladie — pas uniquement, en tout cas. Israël les veut surtout humilier, vaincus. Et malgré l’impunité totale dont il jouit, malgré toute la complicité internationale de ses


puissants alliés, il n’y arrive pas. Ou peut-être pas comme il voudrait. Ou peut-être que ce n’est pas assez. Mais, la volonté génocidaire du gouvernement israélien ne faisant plus aucun


doute, ils y arriveront un jour, s’ils continuent à avoir les mains libres. Tactiquement, il faut, semble-t-il, laisser rentrer (littéralement) une poignée de camions avec de l’aide


humanitaire, c’est important pour l’image internationale. Mais l’objectif stratégique reste l’épuration, le nettoyage, la Riviera. Les lamentations, les protestations, les éditoriaux


indignés arrivent trop tard. Les rats quittent le navire apparemment. Mais il est déjà écrit dans les pages de la grande Histoire qu’à Gaza, Israël a pu mener un génocide avec la complicité


des grands propriétaires de cette planète et de tous leurs serviteurs, de la presse jusqu’aux gouvernements en passant par des organisations internationales. La Palestine, les Palestiniens,


eux, un jour remangeront. Leurs bouches serviront plus qu’à manger. Elles serviront à crier, un cri assourdissant, plus assourdissant que le silence médiatique, qui fera entendre leur


vérité. Et ce jour arrivera.